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Cessons de vouloir attirer les touristes étrangers
Article mis en ligne le 3 avril 2019
dernière modification le 1er avril 2019

Au lieu de mettre le paquet pour favoriser le tourisme local, le comité régional du tourisme de la Région Auvergne - Rhône-Alpes drague une clientèle lointaine et aisée. Avec à la clé, un coût environnemental exorbitant. « Une ineptie », s’insurge l’autrice de cette chronique.

(...) Ce sont eux (le comité régional du tourisme) par exemple qui, pour booster le nombre de skieurs, préconisent d’ouvrir l’aéroport de Grenoble au low-cost et exigent pour celui de Lyon-Saint-Exupéry une ligne aérienne directe avec la Chine. Dans une concordance des temps assez parfaite je dois dire avec ces députés LREM de l’Isère qui plaident en faveur du projet de Center Parcs à Roybon pour « consolider » l’activité de l’aéroport de Grenoble. Moins de zones humides, moins de forêt, des bulles tropicales en plein hiver : un sens inné des enjeux — et des affaires.
Alors qu’il faudrait réduire les voyages en avion, le comité du tourisme fait des long-courriers un marché prioritaire (...)

La méfiance que nous avons depuis des années pour cet organisme vient essentiellement de son approche très axée « compétitivité » et « rayonnement à l’international » pour la promotion de la Région comme destination touristique. Et cette fois encore, ils mettent dans le mille. À l’heure où il faudrait réduire ses voyages en avion, a fortiori pour les loisirs, et alors que le kérosène n’est toujours pas taxé, le CRT fait des longs-courriers un des ses marchés prioritaires. C’est ainsi que dans son bilan 2018, au lieu de voir figurer la progression du nombre de vacances à la ferme, les modes de transport utilisés ou les kilomètres économisés, le développement du tourisme local ou les tonnes de carbone épargnées, on se retrouve en illustration d’accueil avec une image du monde hérissée de drapeaux. (...)

tout le monde voit bien que les gens d’ici n’ont plus de sous. Que les jeunes ne viennent plus skier. Que la neige vient à manquer. En un mot, qu’on arrive aux limites du modèle économique. Comme dirait le regretté Ivan Illich, on atteint le seuil de contre-productivité au-delà duquel les investissements deviennent des dépenses et, désormais, l’équivalent d’un coup d’accélérateur vers le désastre environnemental. Pour un euro d’investi dans ce système, combien de dixièmes de degré de perdus ?

On se félicite d’avoir attiré des « marchés lointains »... sans en donner le coût environnemental (...)

de manière générale les pauvres ne consomment pas assez et on n’a pas encore trouvé le moyen de commercialiser les paysages ni les minutes de contemplation. Donc, l’idée est d’attirer la clientèle aisée, celle des grandes stations suisses et autrichiennes, avec de la neige artificielle et des spas. Et d’aller chercher ailleurs des clients plus nombreux, c’est-à-dire les Chinois.

Miser sur la quantité ou sur la marge bénéficiaire, ça n’a rien de révolutionnaire (...)

Seulement voilà, aujourd’hui il y a une nouvelle donnée : le climat. (...)

La puissance publique doit défendre les populations devant les risques qu’engendrent dérèglement climatique et perte de biodiversité

Et c’est ainsi qu’on découvre, dans le plan d’actions 2019 sur le marché des longs courriers, un « Eductour avec les pays du Golfe en partenariat avec Disneyland Paris » et des actions du CRT, pour cette seule année, à Dubaï, Moscou, Kiev, Pékin, Suzhou, Séoul, Tokyo, Osaka, Montréal, Seattle, Rio de Janeiro, Tel Aviv et Jérusalem. (...)

La question qui se pose, tenace, est celle du rôle de la collectivité. Doit-elle, au nom de l’intérêt général, favoriser l’économie à tout prix, en priant pour que ça ruisselle ? Ou doit-elle, en tant que puissance publique, s’assurer de défendre les populations devant les risques qu’engendrent dérèglement climatique et perte de biodiversité ? Dit plus prosaïquement : où doit aller l’argent public ? Et à quel moment de déni des politiques, l’autodéfense citoyenne devient-elle légitime ?