Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Rue 89
En Turquie, le pot de peinture comme arme de protestation massive
Article mis en ligne le 6 septembre 2013

Depuis la fin du mois d’août, Istanbul et quelques dizaines d’autres villes turques se couvrent d’arcs-en-ciel. La nuit, munis de pots de peinture de toutes les couleurs, des Stambouliotes peignent des escaliers et certains passages. Un mouvement artistique qui tend à se transformer en mouvement politique : la poursuite, plus calme, des protestations de la place Taksim, réprimées en juin.

Ce n’est pas un militant qui a lancé le mouvement, mais un simple commerçant de 64 ans, Huseyin Cetinel, ancien ingénieur des eaux et forêts. Il a commencé à peindre en bleu et vert les premières marches d’un grand escalier voisin, dans le quartier de Cihangir, qu’il trouvait « triste ». Il s’agissait de « faire sourire les passants », a-t-il expliqué. Puis il a continué, avec l’aide d’un ami, jusqu’au sommet. 200 marches : cela leur a pris plusieurs jours et 40 kilos de peinture. (...)

Les passants ont souri. Les réseaux sociaux ont vanté l’œuvre. Les médias ont commencé à en parler. (...)

Dans la matinée du 30 août, des agents municipaux sont arrivés, ont tout repeint en gris. Du mauvais travail : la couleur, comme une mauvaise herbe, continuait d’apparaître à la base de chaque marche.

Le gris du pouvoir peinant à étouffer les couleurs de la liberté : le symbole était parfait pour réveiller les militants de la place Taksim. Le commerçant-artiste a ironisé :

« Mais d’où vient tout ce gris ? Avons-nous vécu un nouveau Pompéi et avons-nous été couverts de cendre ? »

La peinture grise est déjà, depuis la révolte de la jeunesse turque, le symbole de la répression : elle a recouvert tous les graffitis, affiches et autocollants posés sur les murs des villes. Un nouveau slogan a commencé à recouvrir les murs repeints :

« Nous continuerons jusqu’à épuisement de la peinture grise ! »

Sur Facebook, un appel a été lancé pour repeindre l’escalier : « A vos pinceaux ». (...)

Le maire a précisé que l’auteur de ce « si magnifique projet » n’avait pas demandé d’autorisation : à la suite d’une plainte d’un voisin, les employés municipaux avaient donc décidé de repeindre en gris l’escalier. Au matin du 31 août, l’escalier a retrouvé ses couleurs.

Mais le maire est intervenu trop tard : la « Rainbow war » est déclarée. Question escaliers, il y a de quoi faire à Istanbul, « la ville aux sept collines ». Et on peut aussi peindre des murs, le sol ou des boules... (...)