
Accentuée par la multiplication des tempêtes, la montée du niveau de la mer provoquée par le changement climatique est inexorable. Mais les rivages s’y préparent mal. Si des bâtiments sont d’ores et déjà évacués, les communes font face à un dilemme : comment continuer à attirer touristes et néohabitants tout en protégeant la population ? Voyage le long de la côte atlantique.
Il sonne comme un avertissement. Le Signal, immeuble de 4 étages inauguré en 1967 à Soulac-sur-Mer (pointe du Médoc). À l’époque, la Miaca (Mission interministérielle de l’aménagement de la côte aquitaine) organisait l’urbanisation à destination touristique de la côte. Le Signal fut alors construit à 200 m de la mer.
50 ans plus tard, cette marge a fondu et l’immeuble voit le trait de côte s’effriter à quelques mètres de ses fondations. Laissé à l’abandon, il attend patiemment que les expropriations soient confirmées (et le montant des indemnités fixé) pour être enfin « déconstruit ». À moins que, d’ici là, une tempête un peu plus sévère n’entraîne sa chute. Pour l’heure, le contentieux n’est pas réglé entre les propriétaires (qui ont dû quitter les lieux en 2014 et demandent à être indemnisés pour la perte de leur bien) et l’État.(...)
« Les problèmes actuels sont dus à la mauvaise urbanisation : on a oublié que le littoral n’était pas complètement stabilisé. Pour les anciens, c’est aberrent d’avoir construit sur les dunes », rappelle Vital Baude, conseiller régional délégué au littoral en Nouvelle-Aquitaine (...)
Or c’est un fait, le littoral recule. Selon l’Observatoire de la côte aquitaine (OCA) dans son rapport de décembre 2016, l’océan avancerait sur le continent de 2,5 m par an en Gironde, et de 1,7 m dans les Landes. En cas de grosse tempête, le recul serait de l’ordre de 20 m d’un seul coup. « À l’horizon 2025, la superficie du littoral exposé à l’aléa d’érosion sur la côte sableuse s’élève à 10,9 km², soit près de 991 terrains de football. En 2050, 20,6 km² de littoral sableux seraient concernés, soit l’équivalent de 1.873 terrains de football », prévoit encore ce rapport. Le phénomène est naturel, et n’a a priori pas encore de lien direct avec le changement climatique. Mais il ne sera que renforcé par la montée du niveau de la mer dans les années à venir. (...)
Dans l’étude de faisabilité de la relocalisation, réalisée par Lacanau et le GIP (groupement d’intérêt public) Littoral aquitain, le recul du trait de côte est estimé à environ 150 mètres d’ici à 2100. L’étude a délimité un « périmètre de vulnérabilité » large de 200 m. Il comprend 1.200 logements et une centaine de commerces, pour une valeur totale de plus de 300 millions d’euros. Quatre scénarios sont décrits. Trois envisagent des « relocalisations » : le périmètre vulnérable est déconstruit et plus ou moins compensé par la densification urbaine de la partie restante. Le dernier, la « lutte active », envisage la protection durable du front de mer par d’énormes enrochements afin de résister à l’érosion, et même l’augmentation de l’urbanisation afin de créer de nouvelles recettes permettant de financer la protection.
Mais les différentes options de repli coûtent cher : de 250 millions à 600 millions d’euros selon les estimations et les méthodes (le budget de la commune est de 20 millions d’euros). « Aujourd’hui, malheureusement, la commune ne s’est pas décidée sur telle ou telle solution. Les élus locaux n’ont pas toutes les manettes, tant que le positionnement de l’État et des autres institutions n’est pas clair. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra de toute façon protéger le front de mer jusqu’en 2050, le temps que la solution se mette en place », rappelle Martin Renard.
« Plus on attend pour prendre la décision de long terme, plus ça coûtera cher »
Du côté du ministère de l’Environnement, la « stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte » pour 2017-2019 donne la préférence au repli en demandant de « planifier dès à présent la recomposition spatiale du littoral et, lorsque cela est nécessaire, la relocalisation des activités, des biens et des usages » et d’éviter la « défense systématique contre la mer ».
Ce qui bloque aujourd’hui, ce sont les finances, et les outils juridiques qui permettraient de mener à bien ce genre de projet. (...)