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Pologne Prison pour avoir défendu des retraités jetés à la rue !
Article mis en ligne le 6 novembre 2013

Le 30 octobre à l’aube, Piotr Ikonowicz - ancien opposant et activiste de "Solidarność", ancien député, co-fondateur et principal animateur de l’Association pour la justice sociale (Kancelaria Sprawiedliwości Społecznej, KSS) qui aide les familles précaires menacées d’expulsioni - a été arrêté et conduit en prison pour y purger une peine de 90 jours. L’affaire a suscité un tollé, a divisé les parlementaires et prend l’allure d’un véritable scandale politique.

Un prisonnier politique bien encombrant

En l’an 2000, Ikonowicz a participé à l’action de blocage de l’expulsion d’un couple de retraités de leur logement à Varsovie par le nouveau propriétaire, lequel l’a accusé ensuite de lui avoir porté des coups. En 2008, le tribunal, sur la base du seul témoignage du propriétaire, et en écartant les témoignages contraires des personnes qui avaient participé à l’action, l’a condamné à 6 mois de limitation de liberté avec obligation d’exécuter des travaux d’utilité publique. Ce que l’intéressé a refusé, dénonçant le caractère inacceptable, politique, de ce verdict. Il a proposé en échange de considérer son travail de bénévole au sein de l’association comme étant justement un travail d’utilité publique. Le tribunal a refusé à son tour, et a porté la peine à 90 jours de prison ferme ; peine devant être purgée à compter du 14 octobre 2013.

Le jour de l’arrestation, le président de la Pologne, Bronisław Komorowski, du parti Plateforme citoyenne (PO, centre-droit), a opposé son refus à la demande de grâce de Piotr Ikonowicz. Il a ignoré les appels émanant des diverses personnalités et organisations situées au centre et à gauche de l’échiquier politique. Auparavant, il avait annoncé qu’il ferait dépendre son avis… de celui du tribunal qui avait jugé l’affaire, ainsi que… de celui du procureur. Le droit de grâce n’est-il pas "une prérogative particulière du Président de la République polonaise" ? Ses services ont avancé des raisons de procédure, que Piotr Ikonowicz n’aurait pas respectée.

Un acte de désobéissance citoyenne (...)

La décision du président polonais est encore plus choquante dans le contexte social actuel de la Pologne (38 millions d’habitants), où la misère et l’exclusion s’étendent. "Pour la première fois depuis des années, le nombre des personnes vivant dans la pauvreté extrême a augmenté", titre le quotidien Gazeta Wyborcza dans son édition du 30 octobre 2013, où l’on peut lire l’interview d’un responsable de l’Institut statistique de l’Ecole supérieure du commerce SGH. v

Ceci malgré un indice de croissance économique plus élevé qu’ailleurs, et des louanges régulières adressées par la Commission européenne et les milieux de la finance à la Pologne, "le seul pays de l’UE qui n’a pas connu la crise". (...)

Visiblement, la croissance économique tant exaltée profite surtout aux classes supérieures et moyennes, c’est-à-dire à une minorité qui a largement profité des politiques néo-libérales de privatisations, restructurations et licenciements massifs menées depuis 1989. L’envers du décors, c’est le phénomène croissant de pauvreté, de pauvreté extrême, de précarité, d’exclusion et d’expulsions à la rue des familles les plus pauvres.

Les expulsions ont démarré à grande échelle à partir de l’an 2000, avec le vote d’une loi autorisant les expulsions dites "à la rue" (c’est-à-dire sans relogement) des familles ayant des retards dans le paiement de leur loyer. (...)

De nombreuses banques et sociétés immobilières, devenues propriétaires d’immeubles qui étaient jadis propriété publique, spéculent et font tout pour en déloger les habitants. (...)

Les associations de défense des locataires dénoncent l’existence d’une "mafia du logement" et mentionnent d’autres méthodes : perforation des murs, destruction des toitures en plein hiver, dépôt de cadavres d’animaux, infestation des immeubles par des parasites, etc. Les tribunaux commencent à condamner les "nettoyeurs", mais les commanditaires et les propriétaires, eux, restent toujours impunis. Les associations dénoncent la passivité et parfois même la complicité de certaines autorités municipales. (...)

Une mobilisation citoyenne commence : pour la libération d’Ikonowicz, mais aussi pour un moratoire de 5 ans sur les expulsions à la rue. Un projet de loi dite "anti-expulsions" est en cours d’élaboration, et doit être déposé prochainement au parlement. Ikonowicz a annoncé qu’il entamait une grève de la faim. "Parce qu’il a l’espoir - que je partage également, dit Wanda Nowicka - que s’il doit croupir en prison, que cela puisse améliorer d’une façon ou d’autre la situation des personnes expulsées."

Plusieurs partis, associations, syndicats et personnalités ont déjà demandé sa libération
(...)