
Réussir ses études est un des principaux défis auxquels sont confrontés les étudiants. Les réussir tout en gérant des situations de précarité plus ou moins importantes, dans un parcours de marche progressive vers l’autonomie, en est un autre dont on parle beaucoup moins alors qu’elles affectent désormais un nombre important de jeunes
En voie d’autonomisation, les jeunes étudiants sont prédisposés « naturellement » à la vulnérabilité avec ses formes multiples. Certains sont affectés sur le court terme, d’autres sur le long terme. La précarité se révèle notamment par un renoncement aux soins et/ou aux sorties, un report des repas, etc. avec des conséquences prévisibles sur les parcours de formation. Parfois la vulnérabilité est telle qu’elle conduit à l’expérience de la sans-domiciliation. (...)
Cette pluralité des situations et des publics est analysée dans l’ouvrage Études, galères et réussites. Conditions de vie et parcours à l’Université en croisant des données locales inédites (universités de Dijon, Montpellier, Rennes, Strasbourg, Toulouse et Tours) et des résultats nationaux. Cet ouvrage permet ainsi de mieux comprendre les différents éléments qui jalonnent à l’Université la vie, sinon des jeunes, du moins de nombre d’entre eux. (...)
Si l’origine sociale joue fortement sur la probabilité d’accéder aux études supérieures et de s’engager dans des cursus longs, d’autres facteurs peuvent amplifier ou réduire ces inégalités. Ainsi, différents travaux ont montré que les vulnérabilités économiques sont exacerbées pour les étudiants étrangers. Mais le dire de cette manière c’est oublier l’hétérogénéité de cette population entre les étudiants étrangers résidants (ayant fait leurs études secondaires en France), les étudiants étrangers en mobilité financés (ceux qui ont une bourse de mobilité, souvent issus de catégories sociales aisées) et ceux venus faire des études supérieures en France sans financement, souvent originaires des pays du Sud.
Effectivement, les difficultés sont accrues pour ces derniers (...)
De surcroît, une autre population est particulièrement exposée à l’organisation de l’emploi du temps : les mères étudiantes qui doivent composer avec les disponibilités de garde et tous les autres impératifs propres à l’éducation d’un enfant en bas-âge.
D’autres inégalités se traduisent aussi entre territoires, le lieu d’études influençant les parcours possibles. (...)
La proximité est un atout maître des petites universités ou campus délocalisés, liée à une logique d’encadrement et d’échanges avec les enseignants qui facilite la transition du lycée à l’université. Sans oublier, l’occupation d’une activité salariée qui ne garantit pas une égalité des chances face au temps consacré aux études.
En effet, c’est dans ce type de situation que l’on rencontre plus fréquemment des étudiants âgés, en recherche d’autonomie financière, bénéficiant moins souvent des aides familiales ou publiques, avec un emploi qui leur permet d’assurer un minimum pour vivre, mais aussi de développer une expérience professionnelle.
Le cas des étudiants sans domiciliation
Parfois les vulnérabilités économiques des étudiants peuvent conduire à des situations de pauvreté avérées. Lors de différents entretiens menés auprès des étudiants, certains faisaient état de périodes de sans domiciliation plus ou moins importantes.
Ces éléments qualitatifs ont été confirmés à partir d’une enquête nationale et d’une enquête locale. (...)
14 % des personnes sans domicile ont fait des études supérieures et que 15 % d’entre elles – et le tiers des non-diplômés – ont connu une période de sans-domiciliation pendant leurs études supérieures.(...)
Il est impossible, pour cette population, de ne pas faire le lien entre l’abandon des études supérieures et l’impact de la sans-domiciliation. Une étude menée en 2017 à l’Université de Strasbourg a permis d’appréhender ces situations. Ainsi, 5 % des étudiants interrogés ont déclaré avoir connu une expérience de sans-domiciliation depuis le début de l’année, et parfois la rue. Les étudiants étrangers venant des pays du Sud et les étudiants français issus des catégories sociales défavorisées sont surreprésentés dans ces situations.
Deux types de profil, deux grandes trajectoires
Deux grands groupes se distinguent : d’un côté, les étudiants jeunes, en semi-décohabitation qui gèrent au mieux les situations de précarité par le renoncement aux soins, à l’alimentation, aux sorties et donc à la sociabilité, etc. De l’autre, les plus âgés, qui ne vivent plus avec leurs parents et qui jonglent entre études et travail, assurant eux-mêmes l’essentiel de leurs revenus d’existence.
Mais pour tous les étudiants vulnérables économiquement, un choix est opéré entre deux grands types de trajectoire : soit des études longues assorties de conditions de vie difficiles et a priori une meilleure insertion professionnelle ; soit des études plus courtes, au risque d’une insertion socio-professionnelle associée à des conditions de travail moins favorables.
Un discours de responsabilisation malgré les difficultés économiques
Devant ces difficultés souvent importantes, les étudiants tiennent principalement un discours de responsabilisation. (...))
À l’heure où fleurissent les projets de réforme qui s’arrêtent aux portes de l’Université, cet ouvrage met en lumière les galères des étudiants au regard des modes de vie et d’études et de leurs influences sur leurs parcours. Une meilleure connaissance des mondes étudiants et des déterminants de la réussite interpelle à plusieurs titres le fonctionnement d’un système universitaire démocratique et démocratisé.