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Quels sont ces clubs de "gentlemen" qui n’acceptent pas les femmes ?
Article mis en ligne le 21 mars 2021
dernière modification le 20 mars 2021

Au XIXe siècle, les "gentlemen’s clubs" réunissaient des hommes de la haute société selon leurs centres d’intérêt. Photo Getty Images

À Paris, une poignée de gentlemen’s clubs restent réservés aux hommes. Au Royaume-Uni, certains de ces cercles très privés débattent de l’intégration des femmes dans leurs rangs. Non sans susciter la crispation des plus attachés à la tradition.

Dans l’un des salons feutrés du Travellers Club, situé sur les Champs-Élysées, des peintures de femmes nues ornent chacune des lourdes portes de bois sculpté. Au-dessus du bar, un large tableau représente une belle de dos, dans le plus simple appareil. " On dit que c’est la Païva ", nous glisse-t-on. La Païva ? Cette célèbre courtisane du XIXe siècle (...)

La dame aurait aussi inspiré la sculpture d’Amphitrite située dans la cage d’escalier, figure de marbre que chaque nouveau membre a pour tradition d’effleurer au niveau des hanches ou des seins. Dans ce lieu fréquenté par des businessmen du monde de la finance, on s’amuse de voir tant de représentations féminines au milieu des moulures et des boiseries, alors que l’adhésion est restreinte aux seuls hommes. (...)

Car ici, les femmes, épouses ou non, ne sont autorisées qu’au titre d’invitées de ces messieurs. " Cela s’est un peu modernisé. Maintenant, nous avons des femmes qui viennent au restaurant et en chambre, mais seulement si elles sont accompagnées ", nous explique-t-on sous couvert d’anonymat. Que justifie un tel règlement en 2015 ? La " tradition ", car " cela fait plus de cent ans que c’est ainsi ". Les membres, surnommés les " travailleurs ", sont des financiers et des avocats qui ne désirent pas se retrouver en présence de femmes seules, parce que " l’ambiance ne serait pas aussi familière, et qu’ils préfèrent rester entre eux ". Pour eux, le club est un "deuxième chez soi", un lieu qui permet de " fuir la maison pour se retrouver devant un jeu de cartes ou un verre ". Ou pour déjeuner et cultiver son réseau entre hommes issus du même sérail. (...)

Le Travellers n’est pas le seul club de ce genre à Paris. À l’Automobile Club de France, club de luxe implanté place de la Concorde, les femmes n’ont le droit d’accéder qu’à certains étages et seulement en tant qu’invitées. Même confirmation par téléphone pour le très huppé Jockey Club, "QG" des aristos. La raison ? " C’est un club de gentlemen ". Les femmes ne peuvent y être membres, parce que, nous dit-on, cela fait partie des codes, "comme le fait de ne pas pouvoir venir en baskets ou en jeans ". Le Nouveau Cercle, où se retrouvent les passionnés de jeux, est également réservé aux hommes. (...)

La "coutume" invoquée semble bien chevillée à ces lieux d’influence, où la culture du club anglais revient sur toutes les lèvres. Car les gentlemen’s clubs trouvent leur origine outre-Manche, là où ces lieux de rencontre, en vogue au XIXe siècle, réunissaient des Britanniques de l’upper class qui partageaient les mêmes centres d’intérêt ou les mêmes opinions. (...)

C’est pourtant bien au Royaume-Uni que le débat a été ouvert sur la question de l’intégration des femmes dans ces clubs sélects et ultra privés. (...)

" Il y a une ambiance très spéciale au club, et il serait très courageux de la part d’un président de dire "sous mon mandat, nous allons changer cette tradition"", a-t-il ajouté. L’homme s’est défendu de tout sexisme, arguant qu’il n’était pas question d’une politique " anti-femmes ", mais bien d’une certaine coutume qui implique que ces dames soient uniquement acceptées en tant qu’invitées. Celles-ci peuvent en outre s’y réunir en groupe et ont accès au bar à la condition qu’un membre masculin les y introduise. Mel Keenan a par ailleurs estimé qu’un accès égalitaire au club ne constituait pas un indicateur sérieux de la place des femmes dans la société. Interrogé sur la justification de la non-mixité, il a répondu que " les hommes changent en compagnie des femmes et inversement ". " Les hommes se parlent différemment entre eux, ils se confient des choses ", a-t-il assuré à la presse locale, avançant que l’atmosphère entre mâles était plus " calme " et propice au " badinage". Une façon de dire que ces messieurs seraient gênés dans leurs conversations par une présence féminine ? (...)

Mais au fait, n’est-ce pas illégal de limiter l’accès d’un lieu en fonction du sexe des personnes ? La question s’est posée au Royaume-Uni en 2010 au moment du vote de l’Equality Act contre les discriminations, notamment en fonction du genre. Mais l’existence de clubs, notamment de sport, exclusivement féminins, empêche de rendre illégaux ceux réservés aux hommes. On imagine que la règle s’applique aussi en France, où les réseaux de femmes sont de plus en plus nombreux, puisque ces cercles exclusivement masculins y subsistent. À en croire les différentes personnes contactées, le débat outre-Manche sur l’ouverture aux dames ne semble, par contre, pas être à l’ordre du jour dans les clubs parisiens.