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Rue 89 / Nouvel Observateur
Sur le chemin de l’Europe, le calvaire des réfugiés érythréens
Article mis en ligne le 22 septembre 2014

Fuyant le régime d’Isaias Afewerki, des milliers de jeunes Erythréens défient chaque mois les tireurs d’élite et passent la frontière avec l’Ethiopie. Ici commence le voyage vers l’Europe, qui s’achève parfois tragiquement : les Erythréens constituent une bonne partie des naufragés de la Méditerranée, comme dans la catastrophe qui a fait quelque 500 morts en début de semaine.

(...) Des camps de réfugiés du Nord aux faubourgs d’Addis Abeba, il y a ceux qui se préparent à traverser le désert et la Méditerranée et ceux qui attendent depuis des années un billet pour la Suisse ou l’Europe. Notre partenaire Swissinfo est allé à leur rencontre. (...)

Au cœur de la capitale éthiopienne, à 2 330 mètres au-dessus du niveau de la mer, s’incarne l’ambition de développement d’un pays entier, dont 30% des habitants vivent encore en-dessous du seuil de pauvreté.

Mais pour les réfugiés érythréens, Addis est avant tout une ville étrangère, parfois hostile, un lieu de passage et d’attente. Le téléphone sonne : c’est Mebrathon.

« Je préfère qu’on se voie dans un parking. Il y a trop de gens ici, je ne me sens pas en sécurité. »

D’origine érythréenne, Mebrathon a 39 ans et le regard perdu. Il parle à voix basse :

« Je suis arrivé en Ethiopie il y a un an et demi, mais après-demain, je pars. Je n’en peux plus de rester ici à me tourner les pouces. »

Il a déjà préparé son sac : une paire de jeans et un T-shirt, une Bible et quelques sous. Un passeur l’emmènera au Soudan, puis un autre en Libye. De là, il attendra un bateau pour traverser la mer et rejoindre l’Italie. Le voyage prendra des mois. (...)

Tous les citoyens, hommes et femmes, doivent servir dans l’armée ou dans une entreprise d’Etat pour une durée indéterminée, comme des travailleurs forcés. Les fugitifs et les déserteurs sont considérés comme des ennemis du peuple. Ceux qui sont pris le payent par la prison et parfois par la vie. Le rapport 2013 d’Amnesty International [PDF] sur cette dictature oubliée de l’Occident est très clair. (...)

Avec plus de 620 000 réfugiés recensés, dont 100 000 Erythréens, l’Ethiopie applique une politique migratoire des « portes ouvertes », explique Michael Owor, responsable de la section du Tigré du HCR : « On ne renvoie personne. »

Politique certes généreuse, mais qui se heurte à la machine bureaucratique et policière de l’Etat éthiopien, aux manques de moyens et aux restrictions imposées aux Organisations non-gouvernementales, pratiquement absentes des camps du Nord. (...)

En Ethiopie, les réfugiés n’ont pas de liberté de mouvement. L’Etat autorise ceux qui ont de graves problèmes de santé à vivre en ville et offre la possibilité à une poignée de jeunes de poursuivre leurs études. Ce programme est réservé aux Erythréens, en vertu d’une culture commune qui facilite – peut-être – l’intégration. Ils sont un peu plus de 300 à en bénéficier, soit 0,3% des 100 000 réfugiés enregistrés.

Celles et ceux qui n’entrent pas dans cette catégorie ne pourront quitter les camps que s’ils démontrent qu’ils ont des moyens suffisants pour s’en sort (...)

Les migrants savent ce qui les attend sur la route de l’Europe. Les naufrages en mer, les réserves d’eau qui ne suffisent pas pour traverser le désert, les prisons libyennes ou le risque d’être enlevé au Soudan et vendu aux Bédouins du Sinaï. (.. )