
Aggiornamento, un collectif d’enseignant·es, estime qu’éviter de parler de génocide à Gaza en classe relève d’une posture politique contraire à la « neutralité » demandée aux professeurs par le ministère, alors que le rectorat de Dijon a suspendu une professeure pour un hommage aux victimes gazaouies.
Depuis un an et demi, le gouvernement israélien déverse des bombes sur la bande de Gaza, vise et tue des dizaines de Gazaoui·es chaque jour, au mépris de toutes les règles élémentaires du droit international. L’urgence humaine absolue dans laquelle se trouvent les Gazaoui·es ne soulève aucune indignation officielle. Responsables politiques et personnalités publiques continuent de tergiverser pour justifier l’injustifiable. Notre gouvernement rechigne encore à hausser le ton face au gouvernement israélien et participe à la répression du mouvement de solidarité avec la Palestine. (...)
Une de nos collègues, à Sens, a en effet été suspendue à titre conservatoire à la fin du mois de mars pour avoir permis à ses élèves, dans sa classe, d’observer une minute de silence en mémoire des habitant·es de la bande de Gaza.
Que faire, en tant qu’enseignant·e, de la volonté d’une classe qui exprime son désir de ne pas ignorer le génocide en cours à Gaza ?
Mais que signifie exactement une posture de « neutralité » vis-à-vis des morts de Gaza ? Et comment la distinguer de la froideur face à la souffrance d’hommes, de femmes, et d’enfants innocent·es ? Faut-il se taire ? Préférer le silence de l’indifférence aux silences de l’empathie ? (...)
Depuis le 7 octobre 2023, nous faisons face à des questions d’élèves qui cherchent à comprendre, à poser les mots justes sur l’horreur dont ils sont les témoins : d’abord celle des crimes atroces du Hamas et aujourd’hui celle de l’insatiable soif de vengeance et de conquête coloniale d’un gouvernement israélien fanatisé par des ministres qui réalisent leur rêve messianique d’éradication du peuple palestinien et d’annexion totale de la Palestine.
Mais il serait trop tôt pour parler de génocide nous disent certain·es, qui somment d’attendre « le travail des historien·nes » pour statuer ? C’est un parti pris discutable, alors que nombre d’expert·es utilisent, de plus en plus souvent, de plus en plus clairement, ce concept au sujet de Gaza. (...)
Sur Gaza comme sur l’Ukraine, nos élèves sont abreuvé·es, en continu, d’images et de propos parfois contradictoires, typiques des propagandes de guerre.
Bien au contraire, c’est en laissant entrer leurs questions dans nos classes qu’on rend possible leur objectivation ; c’est en partant des faits pour les mettre en perspective qu’on apaise des colères. Comment pourrions-nous faire notre métier sans recueillir le désarroi et les révoltes de nos élèves pour en faire des paroles et des questions, sans clarifier leurs informations par des mises en contexte, sans examiner les faits, sans construire des éléments d’analyse à partir des expertises dont nous disposons ? (...)
Nous qui enseignons l’histoire, la géographie et l’éducation morale et civique (EMC), sommes convaincu·es d’une chose : un jour viendra où nous enseignerons le génocide des Palestinien·nes de Gaza, comme nous le faisons déjà pour les Herero.es, les Arménien·nes, les Juif·ves, les Tsiganes et les Tutsi·es. (...)
Nous ne voulons pas attendre que la Palestine n’existe plus que dans les manuels scolaires pour la faire exister.
Quand nous aurons toutes les autorisations, quel regard portera-t-on sur celles et ceux qui ont été sanctionné·es tandis que nous assistions au génocide muselé·es et impuissant.es ? (...)