
L’arrestation de deux combattants chinois en Ukraine vise, pour Kiev, à convaincre Donald Trump qu’en défendant l’Ukraine, il s’en prend aussi à la Chine. Un argument porteur à l’heure où la guerre commerciale pousse le bouchon de la rivalité entre Washington et Pékin toujours plus loin.
Ils ont traversé des milliers de kilomètres pour rejoindre la région de Donetsk, se battre aux côtés des Russes et se faire arrêter par les services de sécurité ukrainiens. Volodymyr Zelensky a affirmé, mardi 8 avril, détenir deux prisonniers chinois, dont l’un venait de la région de Zhengzhou, une ville du centre de la Chine, à 6 600 kilomètres du village où ces deux combattants affrontaient les Ukrainiens.
C’est la première fois depuis le début de l’invasion russe que les autorités ukrainiennes exhibent une preuve de la présence de ressortissants chinois sur le front. Volodymyr Zelensky a dit avoir connaissance d’au moins 155 Chinois combattant contre l’Ukraine dans l’armée russe sur le sol ukrainien.
"Présents depuis au moins 2023"
Le président ukrainien a affirmé avoir demandé des explications aux autorités chinoises. Ces dernières ont assuré, mercredi, que les allégations sur de nombreux combattants chinois engagés au côté des Russes étaient “sans fondement”, tout en répétant qu’elles “procédaient à des vérifications avec l’Ukraine” concernant les deux Chinois arrêtés. Ils ne semblent pas appartenir à l’armée chinoise, d’après les informations divulguées par les autorités ukrainiennes.
À Kiev comme à Pékin, les responsables agissent comme s’ils découvraient la présence de combattants chinois en Ukraine. Pourtant, leur implication dans les rangs de l’armée russe a été constatée à plusieurs reprises depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. (...)
Ce ne sont, en tout cas, jamais qu’un petit nombre de combattants chinois qui auraient choisi de servir les ambitions territoriales de Vladimir Poutine. (...)
Ce ne sont probablement pas non plus des soldats de Xi Jinping. Mercenaires, volontaires ? “Le plus probable est que ces combattants ont été attirés par les incitations financières russes”, estime Natasha Kuhrt, spécialiste des relations entre la Russie et les pays d’Asie au King’s College de Londres. (...)
Des combattants chinois ont aussi pu être attirés “par la figure de Vladimir Poutine, qui jouit d’une certaine popularité parce qu’il est présenté en Chine comme ce parangon de la masculinité ce qui peut plaire à certains individus”, ajoute Natasha Kuhrt. Mais pour elle, la présence de Chinois dans les rangs de l’armée russe s’apparente à la participation attestée de combattants tibétains, nord-coréens ou encore colombiens dans cette guerre en Ukraine.
Convaincre Donald Trump de continuer à soutenir l’Ukraine
Sauf qu’il s’agit de la Chine, cette superpuissance mondiale et partenaire économique privilégiée de la Russie. “Volodymyr Zelensky a choisi sciemment de rendre cette affaire publique alors qu’il aurait pu négocier discrètement avec la Chine. C’est probablement parce que le président ukrainien lance une nouvelle offensive de charme en direction de Donald Trump sur le dos de Pékin”, analyse Ryhor Nizhnikau. (...)
Le président ukrainien doit aussi faire attention, estiment les experts interrogés par France 24. Volodymyr Zelensky “peut critiquer la Chine ainsi peut être une fois, mais s’il recommence, il doit être prêt à subir l’ire de Pékin”, prévient Ryhor Nizhnikau. Pour l’instant Xi Jinping cherche à ménager son “ami” russe tout en se montrant ouvert aux positions ukrainiennes. Mais si Volodymyr Zelensky pousse le président chinois à choisir son camp à coups de critique… ce dernier pourrait bien le faire. Et pas dans le sens souhaité par Kiev.
Lire aussi :
– Pékin dénonce les "propos irresponsables" de Zelensky sur la présence de soldats chinois en Ukraine
La Chine a réagi, jeudi, aux propos du président ukrainien Volodymyr Zelensky qui avait affirmé mercredi que ses services avaient recensé au moins 155 citoyens chinois combattant pour la Russie dans le pays, dénonçant des "propos irresponsables". (...)
La virulence du président ukrainien n’a pas tardé à susciter une réaction de la Chine, qui a dénoncé jeudi 10 avril les "propos irresponsables" de Volodymyr Zelensky. Ce dernier avait affirmé que Pékin savait que des Chinois étaient recrutés par la Russie pour combattre en Ukraine.
De son côté, la Russie a aussi réagi affirmant que le président ukrainien a "tort" de dire que la Russie entraîne la Chine dans le conflit, a affirmé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Volodymyr Zelensky a indiqué mercredi que Kiev disposait d’informations sur 155 ressortissants chinois aidant Moscou dans son invasion. Il avait affirmé mardi que l’armée ukrainienne avait capturé deux soldats chinois dans la région de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine.
Le président ukrainien a également assuré que la Chine savait que des dizaines de ses ressortissants étaient recrutés par la Russie pour combattre sur le territoire ukrainien.
"Nous conseillons aux parties concernées d’avoir une vision juste et raisonnable du rôle de la Chine et de ne pas tenir de propos irresponsables", a réagi jeudi Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. (...)
"Je tiens à rappeler que la Chine n’est ni à l’origine de la crise ukrainienne, ni partie prenante. Nous sommes de fervents partisans et des promoteurs actifs d’une solution pacifique", a-t-il affirmé. (...)
Sur le conflit, la Chine appelle à respecter l’intégrité territoriale de tous les pays, sous entendu Ukraine comprise, et se présente comme partie neutre pouvant aider à trouver une solution politique.
Pékin n’a cependant jamais condamné publiquement Moscou pour son opération militaire et a renforcé ses liens économiques, militaires et politiques avec son voisin russe depuis le début de l’invasion en février 2022.
La position chinoise est souvent critiquée par les Occidentaux, qui appellent régulièrement la diplomatie chinoise à faire pression sur la Russie pour stopper la guerre. (...)