
Une société coopérative propose un modèle alternatif pour produire de l’électricité « verte » : elle installe des panneaux solaires qu’elle récupère gratuitement. En Isère, elle lutte ainsi contre la précarité énergétique.
Pour Florence, les outils publics pour lutter contre le mal-logement ne suffisent pas. « MaPrimeRénov’ et compagnie, ce sont des dispositifs à se tirer les cheveux, avec une prise de risque réelle, un reste à charge réel, et les personnes en situation de précarité énergétique et économique ne seront jamais concernées », dit-elle.
Alors que faire ? L’idée est venue en 2023 lors du festival annuel de Trièves Transitions Écologie, consacré cette année-là au thème de l’habitat. Tout est parti d’un échange avec les Centrales villageoises du Trièves (constituée en société par actions simplifiées), qui venaient de récupérer une soixantaine de panneaux solaires « déclassés » offerts par leur fournisseur, et 277 panneaux de 8 ans d’âge qui équipaient jusque-là le toit d’une ferme. « La ressource était là, résume Florence. Si ces panneaux étaient partis au rebut, ils seraient allés à Nantes pour être démantelés. Ça commence à faire lourd en bilan carbone ! Et puis, avec 8 ans d’âge, quelques panneaux sont défaillants, mais la plupart restent valables. » (...)
Nées en 2013, les Centrales villageoises du Trièves rassemblent plus de 200 sociétaires qui mettent du capital en commun pour investir dans des projets de production d’énergie verte, avec un retour sur investissement obtenu grâce à la revente de l’électricité. La société fait partie d’un réseau national plus large d’une cinquantaine d’autres centrales, réparties à travers toute la France. Leur but : promouvoir la transition énergétique à l’échelle locale en développant des projets photovoltaïques, éoliens ou hydroélectriques. Les centrales du Trièves gèrent un parc solaire réparti sur treize toitures de l’intercommunalité, pour une capacité de production installée de 240 kilowatts-crête (kWc).
Promouvoir l’autoconsommation en permettant aux individus de couvrir leurs propres besoins grâce à une électricité produite localement est l’un des objectifs du modèle des Centrales villageoises, qui accompagnent des particuliers en les aidant à installer des panneaux chez eux. Inclure des ménages modestes dans cette démarche en était le prolongement logique. (...)
En 2023, les deux organismes ont donc lancé une expérimentation, en lien avec la communauté de communes et les partenaires sociaux. La ressourcerie de proximité a été sollicitée pour stocker des panneaux de récupération, et un banc de test y a été monté pour vérifier leur état avant installation. Le projet mobilise aussi PEP’S Trièves (Projet pour l’emploi participatif et solidaire en Trièves), une entreprise solidaire qui emploie des chômeurs de longue durée, pour un complément de main-d’œuvre lors de l’installation des kits. (...)
Pour Florence, l’enjeu de cette expérimentation n’est pas d’installer « le plus de panneaux possible », mais d’inventer un modèle de solidarité durable. « Est-ce qu’on peut en faire un modèle de coopération territoriale ? Est-ce que ça peut devenir la base d’une politique publique locale, ou pas ? »
Pour y parvenir, il faut déjà déblayer une montagne d’obstacles juridiques. (...)
L’autre défi à relever, de taille, est d’aller au-delà du micro-impact. L’énergie solaire est intermittente et les autoconsommateurs du Trièves n’ont généralement pas de batterie pour la stocker. Les Centrales villageoises planchent donc sur un deuxième volet : l’autoconsommation collective solidaire. Il s’agit de récupérer l’excédent d’électricité produit par les panneaux déjà installés pour le redistribuer en temps réel à des collectivités ou des foyers modestes, au lieu qu’il soit simplement absorbé par le réseau.
En attendant le lancement de cette deuxième phase, prévu prochainement, l’initiative contribue à créer du lien entre les acteurs du territoire. (...)