Une vaste opération fédérale de contrôle de l’immigration a été lancée à Charlotte, en Caroline du Nord, à la mi-novembre. Conséquence : de nombreux chantiers de construction ont été à l’arrêt, les ouvriers, souvent immigrés ou d’origine étrangère, craignant d’être arrêtés pendant leurs heures de travail.
(...) "Charlotte, nous traversons une période difficile… Nous sommes des migrants qui travaillent dur, pas des criminels." (...)
À Raleigh, capitale de la Caroline du Nord, où les rafles se sont étendues, des sources du secteur du BTP citées par un journal local, Carolina Journal, estiment que 200 ouvriers du bâtiment manquaient à l’appel au cours de la semaine du 17 novembre.
L’opération vise un État qui compte une importante population immigrée. Les personnes nées à l’étranger représentent près de 17 % des habitants de Charlotte et 12 % de la main-d’œuvre de Caroline du Nord. Leur contribution est encore plus importante dans certains secteurs comme le BTP, où elles représentent 27 % des ouvriers.
"Le règne de terreur sur les travailleurs immigrés"
Plusieurs organisations ont dénoncé l’impact des raids sur les travailleurs et les entreprises. La Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO) de Caroline du Nord, l’une des plus grandes fédérations syndicales des États-Unis, ont exigé le 19 novembre que l’administration Trump "mette fin à son règne de terreur sur les travailleurs immigrés", qualifiant l’opération de "menace grave pour les droits fondamentaux de tous les travailleurs". (...)
"Ils s’acharnent sur les gens qui travaillent, qui génèrent des revenus, qui construisent notre ville", dit-il dans la vidéo. "Ils ne s’en prennent pas à ceux qui commettent des délits, mais à ceux qui travaillent."
Joint par la rédaction des Observateurs de France 24, Braxton Winston souligne que les tactiques des agents sèment la peur dans toute la communauté (...)
"La question, ce n’est pas de savoir si vous êtes sans papiers ou non. Ils ciblaient les personnes qui, et je le dis entre guillemets, ’semblent être nées dans un pays étranger’.
Je les ai vus s’approcher d’un homme qui nettoyait simplement un parking et lui demander :’Dans quel pays êtes-vous né ?’
Certains de nos travailleurs n’étaient même pas des immigrés. Ce qu’ils font ce n’est pas une enquête approfondie, c’est un vaste coup de filet utilisé pour semer la peur parmi une certaine population, en particulier nos frères et sœurs de couleur, issus d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. "
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"Ça a terrorisé des groupes entiers de travailleurs et ça a ralenti l’économie de la ville. Des chantiers entiers, dont plusieurs grands chantiers de construction, ont été fermés. Dans certains quartiers, toutes les petites entreprises ont fermé leurs portes. Pendant une semaine, c’était dangereux pour les gens de quitter leur domicile pour aller travailler."
Plusieurs entreprises de Charlotte ont effectivement annoncé fermer temporairement leurs portes. Parmi elles, Legends, un glacier. Son copropriétaire explique dans une vidéo Instagram que cette fermeture était nécessaire pour protéger ses employés et ses clients : "La sécurité de tous est plus importante", fait-il valoir. Auprès du média local CharlotteFive, il ajoute : "À l’heure actuelle, je ne peux pas prendre le risque d’exposer mes employés à un profilage." (...)
Une boulangerie, connue pour être un lieu prisé des personnes immigrées dans la ville, a également fait la une des journaux en fermant ses portes pour la première fois en 28 ans.
Beaucoup de ces commerces ont depuis rouvert. Mais alors que les forces de l’ordre locales ont déclaré que les agents du CBP quitteraient la ville le 21 novembre, la secrétaire adjointe du département de la Sécurité intérieure, Tricia McLaughlin, a affirmé dans un communiqué publié le 20 novembre que "l’opération n’est pas terminée et qu’elle ne prendra pas fin de sitôt". Les agents de l’ICE devraient également poursuivre leurs opérations dans la ville.
"Certaines petites entreprises ne peuvent pas survivre à une semaine d’interruption d’activité" (...)
En réponse à cette opération, la ville de Charlotte s’est engagée à verser 100 000 dollars pour aider les familles qui ont perdu leur salaire ou connu des difficultés financières parce qu’elles n’ont pas pu travailler après la fermeture de leur entreprise.
L’initiative Secure Growth, qui représente plus de 100 000 petites entreprises à l’échelle nationale, fait également pression pour que l’administration Trump soit tenue responsable des pertes économiques causées par les politiques d’expulsion massive. Son étude indique qu’aux États-Unis, un entrepreneur sur cinq déclare avoir perdu des employés en raison des mesures répressives en matière d’immigration.
"La police des frontières veut faire son travail à l’abri des regards"
Tout en condamnant l’opération fédérale, Braxton Winston souligne les efforts des citoyens pour aider les travailleurs touchés. (...)
"Nous avons tiré les leçons apprises ailleurs et nous nous sommes organisés pour protéger les personnes qui étaient prises pour cibles.
Par exemple, nos partenaires du Carolina Migrant Network et de Siembra North Carolina ont mis en place une ligne d’assistance téléphonique où tout le monde pouvait signaler ce qu’il voyait. Ils ont ainsi pu réagir rapidement afin que nous puissions aller soutenir les zones où les actions se déroulaient. La police des frontières veut faire son travail à l’abri des regards. Il est vraiment important que les gens viennent sur place pour filmer et mettre les agents mal à l’aise afin qu’ils ne puissent pas enlever des personnes sans mandat, ce qui était le cas."
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L’administration Trump a lancé en septembre une vaste opération anti-immigration à Chicago. En réponse à cette offensive et alors que le maire de la ville a établi des "zones sans ICE", de plus en plus de commerces affichent des pancartes interdisant l’entrée de leurs établissements aux agents de la police de l’immigration. C’est notamment le cas de notre Observatrice, qui tient une ressourcerie.
"L’ICE n’est pas la bienvenue ici", "ICE hors de ma propriété", "Zones sans raids de l’ICE". Aux États-Unis, de plus en plus de messages hostiles aux agents de la police de l’immigration – l’Immigration and Customs Enforcement, ou ICE – apparaissent sur les vitrines des magasins, comme en témoignent des vidéos partagées sur les réseaux sociaux ces dernières semaines.
C’est notamment le cas dans la région de Chicago, cible d’une vaste opération de l’ICE depuis le 8 septembre. Baptisée "Midway Blitz", celle-ci a déjà conduit à plus de 1 500 arrestations à travers l’Illinois, selon le département américain de la Sécurité intérieure (DHS).
En réaction, le maire démocrate de Chicago, Brandon Johnson, a signé le 6 octobre un décret créant des "zones sans ICE" ("ICE-free zones"). Ce décret interdit notamment aux agents de l’ICE d’utiliser les propriétés de la ville, comme les parkings municipaux, pour leurs opérations. Il invite également les commerçants à "se joindre à l’effort municipal pour protéger [leurs] communautés" en affichant des pancartes interdisant l’accès aux agents de l’ICE, à moins qu’ils ne présentent un mandat judiciaire. (...)
Plusieurs organisations, comme l’Illinois Workers in Action et l’Immigrant Legal Resource Centre, ont mis à disposition des visuels prêts à l’emploi que les entreprises peuvent imprimer, afficher ou partager sur les réseaux sociaux. La Ville de Chicago a également distribué gratuitement des affiches.
Eleanor affirme que ces pancartes se sont "largement répandues" dans la ville. "Je pense que la communauté est assez unie sur le fait de ne pas vouloir de ces gens-là [les agents de l’ICE] ici. Leurs priorités ne sont pas les nôtres. Leurs tactiques ne sont pas les nôtres", souligne-t-elle.
Le compte X de réponse rapide de la Maison Blanche a immédiatement condamné l’initiative du maire de Chicago, déclarant : "C’est DÉGOUTANT. Il aide et encourage des criminels clandestins meurtriers, violeurs, trafiquants et membres de gangs."
"C’est une période absolument terrifiante pour beaucoup de gens" (...)
Le mouvement visant à créer des "zones sans ICE" commence à s’étendre au-delà de Chicago. Des localités comme le comté de Santa Clara en Californie ou Evanston, dans la banlieue de Chicago, ont adopté des politiques similaires ces derniers jours. (...)