
Afin d’expulser des Afghans condamnés par la justice en Allemagne, une délégation de responsables allemands a rencontré les autorités talibanes à Kaboul. Cela pourrait marquer le début d’une normalisation entre Berlin et le régime islamiste. D’autres pays de l’UE pourraient suivre l’exemple.
Le gouvernement allemand a confirmé que des représentants du ministère de l’Intérieur sont allés négocier directement avec les dirigeants taliban en Afghanistan, dans le but d’expulser vers ce pays des ressortissants afghans ayant commis un crime ou un délit en Allemagne.
Une porte-parole du ministère de l’Intérieur explique que des membres du personnel du ministère ont récemment mené des "discussions techniques" à Kaboul, après que des médias allemands avaient rapporté de premières informations en ce sens. (...)
L’hebdomadaire Der Spiegel rapporte que le ministère de l’Intérieur est sur le point de conclure un accord d’expulsion avec les talibans. Il s’appuierait sur un accord de principe conclu avec Kaboul le mois dernier. (...)
Les négociations avec les taliban sont critiquées en Allemagne
Ces négociations sont très controversées, d’autant que le gouvernement allemand refuse officiellement d’entretenir des relations diplomatiques avec les taliban, qui ont repris le pouvoir en Afghanistan à la suite d’un coup d’État en août 2021.
Pour les partis d’opposition au Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand, le gouvernement court le risque d’une certaine dépendance face au régime taliban.
Pour le moment, deux vols d’expulsion ont été organisés depuis l’Allemagne vers Kaboul, le plus récent ayant transporté 81 Afghans. Ces vols ont été facilités par le gouvernement du Qatar. Le nouvel accord doit rendre les vols d’expulsion plus fréquents, sans l’aide d’un tiers.
Un accord win-win ?
Certains experts estiment toutefois que ce rapprochement croissant avec les talibans pourrait contribuer à améliorer la situation des droits de l’homme en Afghanistan. (...)
Dans le même temps, le nombre d’Afghans ayant commis un crime ou un délit en Allemagne reste finalement limité. Alexander Dobrindt avait déclaré que "dans un premier temps", seuls les criminels seraient expulsés.
"Cette formulation est remarquable, car on ne peut exclure que les expulsions soient étendues à d’autres réfugiés", explique Conrad Schetter, qui suppose "qu’à l’avenir, un grand nombre de migrants tenus de quitter le pays seront également expulsés. La pression exercée par les populistes de droite en Allemagne est immense". (...)
À l’heure actuelle, une vague d’expulsions massives de migrants et de réfugiés afghans a lieu dans les pays voisins de l’Afghanistan, à savoir l’Iran et le Pakistan, ainsi que, dans une moindre mesure, en Turquie.
Depuis plusieurs décennies, des millions d’Afghans ont cherché refuge dans ces pays. Beaucoup sont nés dans leur pays d’adoption. (...)
Conrad Schetter peut "très bien imaginer que d’autres pays européens, comme les Pays-Bas, le Danemark ou l’Autriche, qui souhaitent également expulser des Afghans, suivront l’exemple de l’Allemagne".