
Au lendemain de la guerre avec Israël, l’Iran a intensifié les expulsions d’Afghans. Plus de 256 000 personnes en situation irrégulière ont été expulsées depuis juin, dont des femmes et des enfants, marquant un nouveau pic dans la politique de renvoi massifs menée par Téhéran. Les autorités ont aussi accusé plusieurs Afghans d’espionnage.
(...) selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), rien que la journée du 25 juin, plus de 28 000 d’entre eux ont franchi la frontière en direction de l’Afghanistan.
"Les expulsions d’Afghans en situation irrégulière sont un phénomène récurrent, mais elles connaissent actuellement un pic notable". D’après le centre de recherche sur les migrations Samuel Hall, qui documente la situation des Afghans depuis 2010, cette hausse coïncide avec la fin du conflit militaire de 12 jours entre Israël et l’Iran. Une concomitance qui, selon les chercheurs du centre, suggère de la part des autorités iraniennes "une répression à visée politique dissimulée sous couvert de sécurité nationale." (...)
En pleine guerre contre Israël, des responsables iraniens ont publiquement accusé plusieurs ressortissants afghans d’espionnage au profit de l’État hébreux. (...)
Des femmes Afghanes renvoyées chez les Taliban
Parmi les Afghans expulsés ces dernières semaines, figurent des familles entières, et des jeunes femmes. L’ONU s’inquiète de cette "tendance nouvelle et préoccupante" : deux fois plus de familles afghanes ont été expulsées par Téhéran en mai qu’en avril. Jusqu’à présent le pays forçait au retour en majorité des jeunes hommes. (...)
Boucs émissaires
D’après le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), près de 3,8 millions de migrants Afghans – en situation légale et illégale - résidaient en Iran en 2024. Les autorités iraniennes, elles, comptent quelque 6 millions d’Afghans présents sur le sol iranien, en intégrant dans ce calcul les personnes nées en Iran. (...)
Dans un contexte de crise économique marquée par une inflation à plus de 30 % depuis 2020, les autorités iraniennes invoquent l’incapacité des services publics et de l’économie à absorber la pression migratoire.
Mais dans ce climat de tensions économiques et sociales, les migrants afghans sont en train de devenir des boucs émissaires. La pauvreté et les inégalités croissantes poussent une partie de l’opinion publique iranienne, du gouvernement et des médias à "diaboliser les Afghans qui travaillent avec un salaire de misère et sans sécurité sociale", précise dans les colonnes du Financial Times, la sociologue iranienne Simin Kazemi, affiliée à l’Université Shahid Beheshti. (...)
Des emplois précaires, des droits limités
Pourtant, les travailleurs originaire d’Afghanistan ont largement contribué à l’économie iranienne, occupant des emplois précaires, dans le bâtiment, l’agriculture, mais aussi dans les usines ou les mairies. "Le départ des Afghans pourrait provoquer de nombreux problèmes pour l’économie du pays", indique le correspondant de France 24 et de RFI Siavosh Ghazi.
Depuis le retour des Taliban en 2021, de nombreux réfugiés, en particulier d’anciens membres des forces de sécurité, ont trouvé refuge en Iran. (...)
Les femmes Afghanes sont plus particulièrement exposées aux discriminations, avec un accès limité aux soins. Les enfants afghans, quant à eux, rencontrent des obstacles administratifs pour accéder à une éducation formelle dans les écoles iraniennes, tandis que les familles vivent souvent dans des logements surpeuplés. (...)
Téhéran a d’ailleurs prévu la construction d’une barrière le long de sa frontière de 900 kilomètres avec l’Afghanistan. L’armée iranienne avait affirmé en septembre 2024, en avoir érigé sur une dizaine de kilomètres.
L’Afghanistan pour sa part, n’est pas préparé à absorber des retours à une telle échelle, avertit le centre Samuel Hall. "Sans soutien international et investissements dans les systèmes de réintégration, cette vague d’expulsions risque de submerger les capacités locales, d’aggraver les conditions humanitaires et de déstabiliser les communautés à travers le pays".