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Au Royaume-Uni, l’hébergement en hôtel des demandeurs d’asile, une solution d’urgence face à la hausse des arrivées
#RoyaumeUni #Manche #migrants #immigration #hebergements
Article mis en ligne le 14 septembre 2025
dernière modification le 11 septembre 2025

Environ 32 000 demandeurs d’asile sont hébergés dans quelque 200 hôtels au Royaume-Uni. Ce type d’hébergement a concentré, ces dernières semaines, la colère d’une partie de la population britannique lors de manifestations parfois violentes. Coûteuse pour le gouvernement, cette solution s’est pourtant imposée face aux nombreuses arrivées à bord de petits bateaux.

Pour entrer dans cet hôtel de Warwick, les demandeurs d’asile doivent se présenter devant les grilles qui entourent le bâtiment et attendre que l’agent de sécurité vienne leur ouvrir. La presse est tenue à distance, les curieux sont priés de passer leur chemin.

Depuis le début des manifestations anti-migrants au Royaume-Uni mi-juillet, les hôtels hébergeant des demandeurs d’asile sont la cible des manifestants, soutenus par l’extrême droite britannique. (...)

Besoin d’hébergements d’urgence à partir de 2020

Sophie Watt, chercheuse spécialiste des migrations à l’université de Sheffield, explique que le gouvernement britannique "s’est retrouvé confronté à un fort besoin d’hébergement d’urgence à partir de 2020". À cette époque, le phénomène des traversées de la Manche en "small boats" qui a débuté en 2018, est en pleine progression et les chiffres des arrivées irrégulières au Royaume-Uni grimpent rapidement.

"À la fin du premier trimestre 2020, seuls 5 % des demandeurs d’asile étaient hébergés dans des logements d’urgence, mais au 31 mars 2025, près d’un tiers d’entre eux séjournaient dans ce type d’établissements, principalement des hôtels", note The migration observatory (un département de recherche de l’université d’Oxford) dans un rapport consacré au sujet publié en août dernier.

Le pic de l’utilisation des hôtels comme hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile a eu lieu en 2023, durant la mandature du Premier ministre conservateur, Rishi Sunak. Quelque 400 hôtels hébergent alors plus de 55 000 demandeurs d’asile.

Aujourd’hui, environ 32 000 demandeurs d’asile (soit 30 % des demandeurs d’asile présents au Royaume-Uni) sont hébergés dans quelque 200 hôtels. (...)

Le Royaume-Uni se distingue parmi les pays européens par son recours massif et transparent aux hôtels pour l’hébergement des demandeurs d’asile", souligne également The Migration observatory dans le rapport précédemment cité.

Impopulaire auprès de la population britannique pour la supposée insécurité qu’elle engendre, cette solution d’hébergement l’est également en raison de son coût financier. "En 2024/25, le coût quotidien moyen de l’hébergement d’un demandeur d’asile dans un hôtel peut être estimé à l’équivalent de 170 £ (environ 196 euros) par personne, contre 27 £ (environ 30 euros) pour les autres types d’hébergement, soit plus de six fois plus cher", relève encore The Migration observatory.

Notamment parce que le Royaume-Uni, contrairement à la France ou à l’Espagne par exemple, a choisi de confier la gestion de ces hébergements à des sociétés privées. "Le gouvernement sous-traite la gestion des hôtels à quatre conglomérats d’entreprises (Clearsprings, Mears, Serco et CTM) qui se font énormément d’argent de cette manière", explique Sophie Watt.

Dans un récent rapport, l’organisme britannique de contrôle des dépenses publiques, le National Audit Office (NAO), a justement pointé du doigt le dépassement vertigineux des coûts de cet hébergement en raison des profits tirés par ces acteurs privés (...)

Hôtels en mauvais état et nourriture avariée

Pourtant, contrairement à certaines idées reçues, aucun de ces hôtels ne propose de prestations luxueuses. "D’un hôtel à l’autre, les standards sont très variables mais il ne s’agit aucunement de luxe car l’objectif est de tirer des profits. Certains sont donc en mauvais état et ne sont pas restaurés", pointe Sophie Watt.

La qualité de la nourriture est également un problème car il est relativement facile de diminuer les coûts de ces dépenses. Et cela a aboutit à plusieurs scandales sanitaire liés à la nourriture servie dans ces hôtels révèlés dans la presse. (...)

Des hébergements en "quasi-détention"

Malgré cela, les hôtels semblent être une solution d’hébergement d’urgence faute de mieux. Car jusqu’ici, les autres options – des sites militaires ou des barges, comme la Bibby Stockholm par exemple - se sont révélées bien pires pour les demandeurs d’asile. Souvent très isolés, ces hébergements s’apparentent à de la "quasi-détention", selon des ONG qui y interviennent (...)

Un rapport datant du 15 décembre 2023, réalisé par la fondation Helen Bamber et le Human for Rights Network, indiquait notamment que la santé mentale des hommes hébergés sur l’ancien site militaire de Wethersfield se dégradait fortement : solitude, perte de poids, appétit réduit, sentiment de désespoir, difficultés à dormir, symptômes de stress post-traumatique…

Pour tenter de calmer la grogne des manifestants, l’ex-ministre de l’Intérieur Yvette Cooper avait affirmé fin août que les hôtels hébergeant des demandeurs d’asile seraient vidés d’ici 2029.

Le gouvernement cherche donc d’autres solutions pour héberger les exilés autorisés à demander une protection internationale au Royaume-Uni, en vertu de l’accord passé avec Paris. Parmi les options étudiées, l’utilisation d’anciens sites militaires est avancée.