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« Avec le plastique, nous avons contracté une dette de toxicité mondiale »
#plastique #microplastiques #nanoplastiques #pollution
Article mis en ligne le 8 août 2025
dernière modification le 6 août 2025

Le chercheur Matthias Rillig étudie depuis une dizaine d’années les impacts écologiques de la pollution plastique. D’après ses travaux, en se dégradant avec le temps, les millions de tonnes de plastique présents dans l’environnement sont en train de libérer de plus en plus de particules néfastes pour le vivant.

C’estC’est l’un des premiers écologues à s’intéresser aux impacts des microplastiques dans les sols. Avec son équipe de l’Université libre de Berlin (Allemagne), Matthias Rillig a publié près d’une centaine d’articles scientifiques sur le sujet.

Fort de ses travaux, il insiste désormais sur un point : l’humanité aurait contracté une dette de toxicité du fait de l’accumulation de plastiques dans notre environnement. Car en se dégradant progressivement sous l’effet du temps, ces minuscules débris relarguent des molécules chimiques et parviennent de plus en plus facilement à pénétrer à l’intérieur des tissus des organismes vivants, explique le scientifique. Autrement dit, le pic de toxicité de cette pollution inédite reste encore à venir. Un enjeu majeur à la veille de nouvelles négociations internationales pour tenter de limiter la pollution plastique qui auront lieu à Genève (Suisse), du 5 au 14 août. (...)

Quelles sont les grandes découvertes qui vous ont permis de réaliser l’ampleur de ces bouleversements ?

En 2018, nous nous sommes d’abord aperçus que les fibres plastiques issues de laines artificielles modifiaient considérablement les caractéristiques physiques des sols, notamment leur structure et leur capacité à retenir l’eau, alors que les particules rondes de polyéthylène interagissaient très faiblement avec les éléments du sol. C’est à partir de ce moment-là que nous avons commencé à étudier l’influence de la forme des plastiques.

Autre découverte marquante : après avoir exposé des petits vers, des nématodes (C. elegans), à des microplastiques, nous avons observé des effets toxiques. Les nématodes se reproduisaient moins bien. Mais ces microplastiques étaient trop gros pour être ingérés par ces vers. Les effets provenaient donc uniquement des molécules chimiques incorporées à l’intérieur du plastique. Il peut s’agir d’additifs pour donner des caractéristiques précises à la matière (couleur, souplesse, etc.) ou d’impuretés qui contaminent le produit durant les procédés de fabrication.

En définitive, nous avons deux types d’impacts très différents : l’un lié à la présence physique de ces particules, l’autre à sa nature chimique. Et les perturbations tout comme leur ampleur vont dépendre du type de plastique, de sa taille, de sa forme, mais aussi du type de sols, etc. C’est d’une complexité infinie. (...)

Les microplastiques sont de véritables réservoirs de composés toxiques. Plus ils se dégradent, plus ils deviennent petits et plus ces molécules piégées dans le volume intérieur trouvent facilement leur chemin vers la surface. Il faut donc s’attendre à une libération de plus en plus importante de ces molécules chimiques à mesure que les plastiques se dégradent dans notre environnement. Mais ce n’est pas tout. Plus ces microplastiques diminuent en taille, plus ils sont également susceptibles de traverser les membranes des organismes vivants et venir dès lors perturber leur physiologie. Ces deux éléments, le relargage chimique et leur taille de plus en plus nanoscopique, sont à la base de cette notion de dette de toxicité.

Faut-il dès lors s’attendre à un pic de toxicité dans le futur ?

Oui, l’idée d’un pic de toxicité, ou plutôt de pics au pluriel, fait partie de notre hypothèse. Mais pour l’heure, nous ne sommes pas capables de dire quand ces pics surviendront. Cela dépend du type de plastique : ce sera très long pour les plastiques bromés, comme les retardateurs de flammes, moins long pour les phtalates utilisés dans les plastiques souples, par exemple. (...)

On pourrait se donner comme objectif d’aplanir la courbe de toxicité future en limitant l’utilisation de plastiques à usage unique par exemple, ou en encourageant le développement de polymères « intelligents », qui pourraient complètement disparaître ou être totalement recyclés une fois leur fin de vie survenue. Mais je ne suis pas sûr que ce soit possible… Il faudrait également inclure les additifs dans les réflexions politiques : leur comportement ne doit pas seulement être évalué pendant la durée de vie utile du plastique, mais aussi en fonction de leur libération future dans l’environnement. Une chose est sûre, si on prenait en compte leurs coûts environnementaux, les plastiques deviendraient bien plus chers à produire… (...)

L’usure des pneus sur les routes représente une source majeure. Et il n’y a pas que des microplastiques dans ce type de particules : on trouve aussi du carbone noir, des métaux lourds, du caoutchouc… L’agriculture, et notamment l’épandage de compost, est une autre source importante de microplastiques dans nos sols. Enfin, nos textiles synthétiques sont aussi à considérer : durant leur utilisation ou leur lavage, des microplastiques s’en échappent.

Pourtant, les concentrations les plus élevées de microplastiques que vous avez pu mesurer dans un sol européen ne provenaient d’aucune de ces trois sources…

C’est vrai ! Les plus fortes concentrations de microplastiques que nous avons observées sur le terrain – jusqu’à 20 000 particules par gramme de sol ! –, c’était le long du mur de Berlin. Et ces particules provenaient des peintures utilisées pour les graffitis. Les sources de microplastiques semblent vraiment infinies…