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« Colère énorme » et « envie de révolution » : des actions à profusion en réponse à l’appel à tout bloquer
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Article mis en ligne le 11 septembre 2025

Si la France n’a pas été à l’arrêt ce 10 septembre, les actions, blocages et rassemblements ont été bien visibles dans le pays, tout comme la répression du mouvement par les forces de l’ordre. Au lendemain de la nomination d’un nouveau premier ministre, la colère s’est cristallisée sur le chef de l’État, Emmanuel Macron, et sa politique.

Un pouvoir totalement sourd aux cris de colère de la rue. Alors que depuis l’aube, des centaines d’actions s’organisaient dans des moyennes et grandes villes de France pour la mobilisation « Bloquons tout » du 10 septembre, le nouveau et l’ancien premier ministre n’ont pas eu un mot pour le mouvement social en cours.

L’image restera : la passation de pouvoir à Matignon entre François Bayrou et Sébastien Lecornu, nommé la veille, s’est jouée l’air de rien et selon le ronron habituel quand dehors, les manifestantes et manifestants hurlaient leur ras-le-bol, en étant parfois violemment délogés par les forces de l’ordre. (...)

À l’issue de cette journée de mobilisation, lancée en juillet après les annonces austéritaires de François Bayrou, le ministère de l’intérieur a recensé 175 000 participantes et participants – la CGT en annonce 250 000 – sur 812 actions (550 rassemblements et 262 blocages). Plusieurs villes ont fait le plein de manifestantes et manifestants : entre 13 000 et 30 000 à Toulouse (Haute-Garonne), 10 000 et 15 000 à Rennes (Ille-et-Vilaine), 6 000 et 10 000 à Montpellier (Hérault), 5 000 et 10 000 à Strasbourg (Bas-Rhin) ou encore 8 000 à Lyon (Rhône) et Marseille (Bouches-du-Rhône).

Les préfectures ont suivi les consignes de Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur démissionnaire : les tentatives de barrage de routes, de rails, de gares et autres points stratégiques ont régulièrement été empêchées par les forces de l’ordre, comme constaté par les envoyés spéciaux de Mediapart aux quatre coins du pays. 80 000 gendarmes et policiers étaient déployés, dès les premières lueurs du jour.

Le viaduc de Calix est toutefois resté bloqué quatre heures à Caen (Calvados) contre moins d’une heure pour la rocade de La Rochelle (Charente-Maritime). Des barrages ont également été levés manu militari à Montpellier, Lyon, Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ou encore Rennes, où la rocade avait été arrêtée dans les deux sens, avant 7 heures du matin. À Paris, c’est un dépôt de bus qui était bloqué dès 5 heures.

Matraques et lacrymos

Les forces de l’ordre ont également violemment dispersé les cortèges dans plusieurs villes en faisant usage, comme à Montpellier, d’un canon à eau. (...)

En minorité face à une foule, des CRS ont violemment riposté, usant de coups de matraque et de grenades lacrymogènes.

À Lyon, toute manifestation spontanée a été systématiquement dispersée avec des gaz lacrymogènes. À Clermont-Ferrand et La Rochelle, Mediapart a assisté à des interpellations violentes : un jeune homme a été traîné, menottes aux poings et pieds nus par des policiers anti-émeute dans la ville auvergnate. À La Rochelle, un homme d’une vingtaine d’années a été encerclé par plusieurs agents et un autre manifestant s’est vu asséner plusieurs coups de matraque télescopique.

Selon le ministère de l’intérieur, la situation demeure en début de soirée « particulièrement tendue » à Rennes, Nantes et Paris. On décompte treize blessés légers dans les rangs des forces de l’ordre et 473 interpellations sur l’ensemble du territoire, dont près de la moitié (203) à Paris. (...)

Ce mouvement social a donné lieu à une profusion d’actions, loin des sentiers habituels des journées à l’appel d’organisations syndicales. À Chambéry (Savoie), Strasbourg ou Clermont-Ferrand, des cyclistes ont pris leur part pour « porter la vélorution », voire bloquer certains axes routiers ; Strasbourg a organisé un bal des indigné·es quand la place des Fêtes, dans le XIXe arrondissement de Paris, était transformée en « zone féministe ».

Dans les cortèges, l’ire des manifestantes et manifestants s’est beaucoup centrée sur le chef de l’État et des appels à sa démission repris en chœur. (...)

Si la nomination de Sébastien Lecornu, un proche du président, laisse certaines et certains de marbre, d’autres se disent totalement « désabusés ». (...)

Des appels à un grand chambardement se font aussi entendre. « Je n’avais pas manifesté depuis le lycée, mais là j’espère vraiment une révolution », lance Adam* à Strasbourg. « La démission de Bayrou, ce n’est que le cheval de Troie de nos combats, faut pas s’arrêter là », plaide le jeune homme de 25 ans. « Il faudrait faire tomber des têtes, lâche la montpelliéraine Roberta. Car ça va aller de mal en pis, faut pas se leurrer. »

Pour cet appel du 10 septembre, des manifestantes et manifestants ont confié être en grève pour la première fois de leur vie, comme Alen, à Paris, ingénieur informaticien dans le secteur privé. Sa motivation : « Ce budget qui fait payer à la classe ouvrière les cadeaux faits aux grandes entreprises. »

« J’ai beaucoup de collègues qui se mobilisent pour la première fois », constate de son côté Philippe, infirmier au CHU de Montpellier. Là encore, l’austérité est un déclencheur (...)

Les soignantes et soignants, appelé·es à une journée d’action en octobre, se sont beaucoup mobilisé·es ce mercredi. (...)

Les organisations syndicales, qui appellent à une journée de mobilisation interprofessionnelle le 18 septembre, étaient peu visibles dans les différents cortèges. Seule l’union syndicale Solidaires avait appelé à la grève ce 10 septembre quand la CGT invitait ses syndicats à « débattre avec les salariés et à construire la grève partout où c’est possible ».

Sa secrétaire générale, Sophie Binet, a profité d’un déplacement à l’usine Novasco à Hagondange en Moselle pour tacler la nomination de Sébastien Lecornu au poste de premier ministre. « Le président de la République n’apprend pas de ses erreurs. La seule conséquence de cette nomination, ça va être de renforcer l’exaspération sociale et les mobilisations », a-t-elle lancé, depuis l’aciérie au bord de la faillite.

Une députée malmenée

Des figures de l’opposition se sont par ailleurs déplacées dans les cortèges comme Jeanne Barseghian, la maire Les Écologistes de Strasbourg ou encore Jean-Luc Mélenchon et plusieurs députés La France insoumise place du Châtelet à Paris. Quelques heures plus tôt, à l’aube, la députée Nouveau Front populaire de Paris, Danielle Simonnet, participait au blocage d’un dépôt de bus et a été malmenée par des policiers de la Brav-M, unité de police mobile, qui l’ont expulsée d’un café, comme en atteste cette vidéo, publiée sur les réseaux sociaux.

Au cours d’une conférence de presse mercredi matin, le ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, a dénoncé une mobilisation « détournée, confisquée, captée par la mouvance de l’extrême gauche et de l’ultragauche, appuyée par le mouvement des Insoumis » et balayé d’un revers un mouvement qui, selon lui, « n’a rien d’une mobilisation citoyenne ».

En fin de journée, des assemblées générales de citoyennes et citoyens ont été convoquées partout en France, pour décider de la suite des actions (...)

Lors de la passation de pouvoir avec François Bayrou, Sébastien Lecornu a cru bon d’évoquer un « décalage entre la vie politique et la vie réelle », auquel il faudrait mettre fin. Il ne croyait pas si bien dire.