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Reporterre
Dans l’illégalité, le chantier de l’A69 se poursuit la nuit
#A69 #Atosca #chantier #droit #milices
Article mis en ligne le 14 octobre 2025
dernière modification le 10 octobre 2025

Dans le noir, les phares puissants des camions-bennes illuminent le sol terrassé et sans vie de Cuq-Toulza, une commune du Tarn située le long du tracé de l’autoroute A69, entre Toulouse et Castres. En plein milieu de la nuit, le ballet incessant de ces monstres de chantier, chargés de leurs cargaisons de terre, ne faiblit pas. Le cliquetis des chenilles, les bips de recul des pelleteuses, les moteurs qui grondent… Le chantier de l’A69 est à plein régime.

Un rapide regard sur notre téléphone nous permet de vérifier l’heure ce mardi 7 octobre : 22 h 16. Les travaux sont censés prendre fin à 20 heures, mais depuis début août, le concessionnaire Atosca déborde largement sur les horaires habituels du chantier.

Comme l’attestent une vingtaine de photos et de vidéos capturées entre le 11 août et le 1er octobre par des habitants le long du tracé, puis transmises à Reporterre, les machines arrivent un peu avant 5 heures et ne repartent qu’aux alentours de 23 heures, et cela tous les jours. (...)

Ces faits ont également été confirmés de vive voix par plusieurs riverains rencontrés le 11 septembre par Reporterre, et qui confiaient leur colère quant à ces nouveaux horaires du chantier qui les empêchent de dormir et rendent leur quotidien invivable. Depuis début août, selon l’avocate qui les accompagne, sept plaintes ont été déposées par des riverains pour les nuisances qu’ils subissent.

Des dérogations inexistantes

Le concessionnaire n’est pourtant pas libre de modifier à sa guise les horaires sur lesquels faire travailler ses équipes, comme le confirme un document qu’il a lui-même édité, déjà repéré par nos confrères d’Ici et que Reporterre a pu consulter.

Dans ce rapport de 62 pages nommé « Bruit de chantier », déposé dans les mairies et dans les préfectures concernées début 2023, Atosca précise que les horaires de chantier sont encadrés par deux arrêtés, publiés par la préfecture du Tarn en 2000 et par la préfecture de Haute-Garonne en 1996. Ces textes stipulent que « tous les travaux bruyants sont interdits : tous les jours de la semaine de 20 heures à 7 heures » et « toute la journée des dimanches et jours fériés » [1]. (...)

La mairie de Teulat, en Haute-Garonne, nous assure également « n’avoir pris aucune dérogation qui autorise l’allongement des horaires du chantier. Et [elle n’a] vu passer aucun arrêté préfectoral qui permettrait cela ». Même son de cloche à la mairie de Loubens-Lauragais.

En revanche, c’est le silence du côté des préfectures du Tarn et de Haute-Garonne. (...)

Manquements et amendes

Malgré l’absence de dérogation, les vidéos et les photos transmises à Reporterre par plusieurs riverains sont univoques. Les exemples sont nombreux : sur l’une des vidéos, tournée le 13 août, des machines arrivent sur le chantier vers 4 h 40 à Cuq-Toulza, entraînant un bruit assourdissant et éblouissant les alentours de leurs grands spots lumineux.

À 22 h 52 le 1er octobre, un téléphone enregistre le cliquetis infernal de plusieurs engins à chenilles près de Loubens-Lauragais. Près de Vendine, le 16 septembre à 22 h 40, un appareil photo capte la lumière aveuglante d’un projecteur de chantier braqué vers des habitations. (...)

Ces photos et vidéos placent le concessionnaire et les préfectures dans une position délicate. Contacté, Atosca n’a fait aucun commentaire sur l’absence de cadre légal lui permettant d’allonger les horaires du chantier.

Le concessionnaire n’en serait pas à sa première irrégularité, puisque depuis le début des travaux, la préfecture du Tarn a émis 50 rapports de manquements administratifs et 15 arrêtés de mise en demeure à l’encontre d’Atosca.

Une stratégie du « passage en force » que semble assumer le concessionnaire, peu importe les mises en demeure, les amendes et l’absence de cadre légal. Atosca pourrait également, comme il l’a déjà tenté lors des précédentes audiences, utiliser l’avancement des travaux comme un argument pour convaincre les juges de la cour administrative d’appel de Toulouse, fin novembre, qui statueront sur le fond du dossier et la légalité ou non de cette autoroute. (...)