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Décryptage : Les mouvements sociaux d’aujourd’hui sont-ils différents d’hier ?
#mouvementssociaux #manifestations #blocages #greves #occupations #boycott #alternatives
Article mis en ligne le 24 septembre 2025
dernière modification le 19 septembre 2025

Hausse des inégalités, démantèlement des droits sociaux, sentiment d’injustice, baisse du pouvoir d’achat… les raisons de manifester sont multiples, tout comme les profils des contestataires. Entre activisme de clavier, organisation sur les réseaux sociaux et actions sur le terrain, les mouvements sociaux de la rentrée 2025 diffèrent-ils de ceux d’hier ? Magali Della Sudda, politiste au CNRS, décrypte.

Selon vous, les mouvements sociaux de septembre 2025 s’inscrivent-ils dans la continuité des Gilets Jaunes ?
Ces mouvements sociaux s’inscrivent effectivement dans la continuité des Gilets Jaunes, sur la forme et sur le fond. Sur la forme, on retrouve la même organisation sur les réseaux sociaux : des boucles Telegram et des pages Facebook dans une moindre mesure. C’était essentiellement sur des pages Facebook qu’avait été prise la date du 17 novembre, comme au mois d’août 2025, celle du 10 septembre. La contestation s’organise autour d’un mot d’ordre, bloquons-tout, en dehors des syndicats, collectifs ou partis politiques, comme les Gilets Jaunes.
Sur le fond, les similitudes existent aussi. Le mouvement nait d’une réaction à une annonce gouvernementale, la taxe carbone dans le cas des Gilets Jaunes, et, dans le cas du mouvement Bloquons tout, un plan d’austérité qui fait peser l’essentiel de l’effort financier sur les ménages, mais aussi sur les personnes malades, qui est perçu comme une injustice.
On note aussi des différences, notamment sur la manière dont les groupes s’organisent ensuite avec des auditions citoyennes, mais aussi sur les mots d’ordres très fortement articulés autour de la justice sociale, de la question écologique et démocratique, alors que ces dimensions-là sont arrivées un petit peu plus tard dans le mouvement des Gilets Jaunes.

Quel est le rôle des réseaux sociaux dans ces mobilisations ? (...)

Dans le cadre du mouvement Bloquons tout, sur les boucles Telegram sont nés des espaces de débat, des espaces dédiés au type d’action, des espaces dédiés au conseil juridique, des espaces dédiés à la communication, etc.
L’activisme de clavier est important mais il coexiste toujours avec des actions incarnées, comme les assemblées générales.

Face à ces mouvements qui prennent naissance sur les réseaux sociaux, les syndicats et partis politiques ont-ils encore un rôle moteur ou sont-ils dépassés ?
Le mouvement des Gilets jaunes, comme le mouvement Bloquons tout ont le point commun de naître en dehors des syndicats ou des partis politiques qui sont un socle de la démocratie sociale et de la démocratie politique. Cela ne veut pas dire qu’ils sont absents de la contestation. Leurs membres rejoignent souvent le mouvement. Les partis politiques et syndicats peuvent déclarer leur soutien aux revendication et devenir des alliés dans la contestation.

Peut-on parler de nouvelles formes de militantisme, de contestation ?

La manifestation et la grève, qui étaient les modes d’action centraux du répertoire de l’action collective ouvrière tout au long du XIXᵉ et du XXe siècles, coexistent aujourd’hui avec d’autres types d’actions, comme par exemple les occupations d’espaces symboliques et avec une forte charge politique, comme les places, ou d’espaces ordinaires vécus tels les ronds-points…
Toutes ces manières de porter une revendication dans l’espace public s’articulent. Elles sont aussi fortement liées aujourd’hui à des actions individuelles : consommer autrement, boycotter les grandes surfaces ou certaines enseignes, essayer d’acheter auprès des petits producteurs, de passer par des circuits courts, payer en espèce etc.

Comment ces mouvements reflètent-il l’état de la société actuelle ? (...)

On a le sentiment que les politiques publiques menées au niveau national sont non seulement désajustées mais parfois à l’opposé de ce qui est attendu, en tout cas c’est ce qui ressort de nos enquêtes.
Tout cela devrait mener à des réflexions plus larges sur les pratiques des institutions, peut être sur certaines transformations à apporter et sur la meilleure prise en compte de ce volet essentiel de la citoyenneté : la citoyenneté sociale.