
En Côte d’Ivoire, où la moitié de la population a moins de 30 ans, le chômage des jeunes reste deux fois supérieur à la moyenne nationale. Malgré les efforts du gouvernement, l’accès à un emploi décent demeure un défi pour les jeunes ivoiriens. Entre manque de débouchés, emplois informels et tentations de l’émigration, ils peinent à profiter de la croissance économique.
C’est sur le parking de l’université Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan, que Konan* nous a donné rendez-vous par un matin brumeux du mois de septembre. Mais, ce docteur en géographie diplômé depuis cinq ans n’y enseigne pas. Il conduit un VTC et “se débrouille” pour subvenir à ses besoins. Pour ne pas “perdre la main”, Konan continue de participer à des colloques ou à la rédaction d’articles - sans percevoir la moindre rémunération - dans l’espoir d’obtenir un jour un poste qui correspond à ses qualifications. “Dans ce pays c’est difficile si tu n’as pas de réseau pour avoir un travail. On a le sentiment que les autorités nous ont oubliés, les jeunes diplômés sont complètement laissés sur le carreau” déplore-t-il.
En Côte d’Ivoire, le taux de chômage des jeunes diplômés est de 15 %, contre 2,6 % pour la population globale et 4,8 % chez les jeunes. Un chiffre qui s’explique d’abord par la démographie du pays - 75 % de la population a moins de 35 ans. “La population active croît plus vite que les emplois” explique Germain Kramo, enseignant-chercheur à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université Félix Houphouët-Boigny.
Mauvaise orientation ?
Mamadou Touré, ministre de la Promotion de la jeunesse, pointe, lui, l’inadéquation entre le marché du travail et la formation des jeunes diplômés. “On constate qu’il y a une mauvaise orientation des jeunes au moment des études supérieures, alors qu’il existe de nombreux secteurs très porteurs - comme le BTP ou le numérique - où le pays manque de personnel qualifié.” Pour y remédier, son ministère a mis en place des programmes de stage en entreprise pour 140 000 jeunes par an, dont un permettant la reconversion professionnelle. (...)
Mais, si les chiffres du chômage peuvent sembler faibles en Côte d’Ivoire, c’est parce qu’ils comptabilisent les 89 % d’emplois informels dans le pays, sans différencier les emplois décents des emplois précaires. (...)
Immigration clandestine
Reste que le difficile accès aux emplois décents pousse certains jeunes sur les routes de l’exil. C’est ce que constate Florentine Djiro, présidente de l’ONG Realic - qui tente de sensibiliser les jeunes contre les dangers de l’immigration clandestine. Malgré la stabilité politique, ce fléau touche particulièrement la Côte d’Ivoire - qui est le cinquième pourvoyeur de demandeurs d’asile en France. “Ils disent tous vouloir partir parce qu’il n’y a rien ici pour eux.” Un argument que balaye le porte-parole adjoint du gouvernement : “Ce qui pousse les jeunes à partir, c’est le fantasme qu’ils pourraient avoir mieux ailleurs. Mais, ceux qui partent ne sont pas les plus pauvres - puisqu’on sait que la traversée jusqu’à l’Europe coûte en moyenne 9 000 euros.” (...)
les champs demeurent les principaux pourvoyeurs d’emplois à l’intérieur du pays - notamment ceux de cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier exportateur mondial. Les agriculteurs constituent ainsi deux tiers de la population active ivoirienne - là encore - principalement dans l’informel. D’après le Forum économique mondial, 60 % d’entre eux vivraient sous le seuil de pauvreté extrême et 90 % n’auraient pas accès à un salaire décent. Les autorités ont entrepris diverses mesures pour inverser cette tendance, notamment en augmentant progressivement le prix du kilo de cacao et en offrant la couverture maladie universelle aux planteurs. Cependant, ces initiatives peinent à produire leurs effets dans un contexte marqué par le changement climatique et la raréfaction des terres agricoles, qui a entraîné une baisse significative de la production de cacao ces dernières années.