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En finir avec le mythe du « banlieusard-casseur »
#banlieues #immigration #democratie #Retailleau
Article mis en ligne le 21 juillet 2025

Lors de la Fête de la musique à Paris, quelques débordements ont éclipsé les célébrations ; les médias ont alors pointé du doigt les banlieues et la jeunesse noire et arabe, renforçant clichés et amalgames. C’est ce qu’on peut définir comme le « mythe du banlieusard-­casseur », une construction du discours médiatico-politique pour désigner la manière dont, à chaque mobilisation ou événement, on tend à désigner systématiquement les jeunes des quartiers populaires – Noirs et Arabes – comme responsables des violences et des casses. Une rhétorique qui tire son argumentaire des révoltes de 2005, ravivée en 2023, et assoit une vision erronée et stigmatisante.

Sur le plateau de CNews, Paul Sugy, journaliste, a décrit les incidents survenus lors de la Fête de la musique comme « une appropriation symbolique de la jeunesse bourgeoise par la racaille », opposant une jeunesse « bien élevée, presque exclusivement blanche », à une jeunesse « immigrée venue de banlieue », illustrant ainsi le mythe du ­banlieusard-casseur. Dans le même registre, ce journaliste a qualifié la soirée de la finale de la Ligue des Champions de véritable « guérilla urbaine », tandis que Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, n’a pas hésité à parler de « barbares » pour désigner les casseurs. Un lexique qui mobilise des marqueurs associés dans l’esprit collectif à l’arabité.

Pour Mickaël Chelal, sociologue et auteur du livre Grandir en cité (Le Bord de l’eau), ce mythe s’inscrit dans une histoire plus large de la stigmatisation des classes populaires urbaines : « Depuis la fin du XIXe siècle, et notamment de la classe ouvrière urbaine, qu’on appelait “la classe dangereuse”. » Cet imaginaire lourd dépasse le simple « mythe » pour Célia Ch, chercheuse en sociologie des médias et créatrice du blog ALATVSURMATV : « C’est avant tout une construction raciste liée à l’histoire coloniale : celle du sauvage et du barbare. Les populations qui y vivent sont encore perçues comme des sujets coloniaux : supposés peu éduqués, peu civilisés, donc forcément violents. » (...)

Typologie des émeutes : des banlieues au centre-ville

Placer sur le même plan les émeutes de 2005 et 2023 et les débordements qui suivent des festivités parisiennes revient à effacer la substance dénonciatrice de ces actes et à minimiser la colère légitime de ceux qui en sont à l’origine. Derrière l’image bien ancrée du « banlieusard-casseur » se cache une réalité plus complexe. En réduisant les violences urbaines à des actes gratuits, on passe à côté de leur dimension profondément politique. (...)

Plusieurs dynamiques se dégagent. La première, récurrente, surgit à la suite de violences policières touchant des jeunes issus de quartiers populaires, souvent en banlieue. (...)

Autre forme de contestation : celle des gilets jaunes en 2018. Cette fois, ce n’est pas la banlieue mais les centres-villes, notamment Paris, qui deviennent le théâtre de la colère. Ici, ce n’est pas l’injustice policière, mais la précarité économique et le sentiment d’abandon qui mettent le feu aux poudres. (...)

À cela s’ajoute une troisième dynamique, plus ponctuelle : les violences en marge d’événements festifs (...)

Malgré des dynamiques différentes, une constante : la présence policière. (...)

Contrairement à une idée reçue largement diffusée, les émeutes et les actes de casse ne sont ni récents ni propres à la jeunesse d’origine africaine des quartiers populaires (...)

Si les émeutes et les violences urbaines ne prennent pas systématiquement racine dans les banlieues ni chez les jeunes d’origine africaine, les grands médias persistent à construire un profil type qui mêle raccourcis et stéréotypes. En entretenant ce récit, ils renforcent un mythe tenace qu’il devient urgent de déconstruire.