
Pourquoi le All day in, un gros festival de musique guadeloupéen, n’a-t-il pas été délocalisé ? Le site, et notamment la plage, est pourtant celui que des tortues protégées ont élu pour pondre leurs œufs.
La plage des Alizées, dans la commune du Moule, en Guadeloupe, a perdu son calme habituel en cette chaude après-midi de juillet. Bordé de cocotiers, ce lagon est connu pour être l’un des hauts lieux de ponte pour les tortues marines en Guadeloupe. « Le pic d’activité est en juillet et août. Chaque année, plusieurs dizaines de pontes sont recensées par les bénévoles », explique à Reporterre Éric Delcroix de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Le secteur a d’ailleurs été entièrement revégétalisé il y a près de deux ans par les élèves de l’aire marine éducative du collège Saint-Dominique de la commune, accompagnés de l’association Kap Natirel. La plage a désormais des allures de cocon vert : les pourpiers bord de mer et les amarantes se répandent sur le sable parmi les raisiniers.
Sur l’étendue plus herbeuse, des premiers échafaudages sont pourtant en cours d’installation. Du 19 au 20 juillet, la plage des Alizées sera le théâtre du All Day in Music Festival, un grand rassemblement festif où sont attendus près de 10 000 personnes. Au grand dam des défenseurs des tortues marines.
Des « garanties » de l’organisateur
« J’ai appris l’événement sur les réseaux sociaux. La municipalité ne nous a jamais dit qu’elle l’organisait ici cette année. Pourtant, nous avons l’habitude de travailler en bonne intelligence avec eux », dit Alexandra Le Moal, référente des pontes de tortues marines pour Kap Natirel. Cette installation sur la plage des Alizées est d’autant plus surprenante qu’en 2023, le All Day in avait été délocalisé en urgence au dernier moment… à cause des tortues. (...)
En 2023, le sous-préfet de l’époque n’avait pas donné son accord au festival à cause de la présence des tortues marines, explique Pierre Porlon, adjoint au maire chargé de l’environnement. « Nous avons donc rencontré la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) à plusieurs reprises début 2025. On nous a listé des recommandations pour le bruit et la lumière en direction de la plage. L’organisateur nous a donné des garanties », affirme-t-il. Et ajoute que « la commission de sécurité de la préfecture a rendu un avis favorable ».
« L’OFB n’a pas été sollicitée »
La perturbation intentionnelle, notamment par la pollution lumineuse, est pourtant interdite sur les sites de ponte des tortues marines. Des dérogations à cette interdiction peuvent être accordées sous certaines conditions. « Les dossiers de demande de dérogation espèces protégées sont instruites par la Deal, qui sollicite de manière générale l’OFB pour avis », explique Éric Delcroix, qui travaille pour cet établissement public. (...)
« À ma connaissance, aucune consultation n’a été faite », dit Éric Delcroix. Malgré nos multiples sollicitations, la Deal n’a pas répondu à nos questions.
Le bruit risque de faire trembler le sol
Selon une source proche de la Deal contactée par Reporterre, les organisateurs auraient prévu d’installer des bâches de 7 mètres de haut afin d’éviter que les lumières sur la plage désorientent les tortues durant la ponte : « L’accès au bord de mer sera également interdit. Les pouvoirs publics pensent que ça sera suffisant, mais la dimension sonore ne semble pas avoir été prise en compte. Le bruit risque de faire trembler le sol et les tortues vont le ressentir. De plus, si les gens n’ont pas accès à la plage, on a un peu de mal à comprendre l’intérêt d’organiser l’évènement là-bas. Autant faire le festival au milieu des nombreux champs de cannes autour du Moule », dit cette source.
L’organisateur — qui n’a pas répondu à nos questions — se serait également engagé auprès de la mairie à participer à la revégétalisation de l’arrière de la plage. (...)
« À ma connaissance, aucune consultation n’a été faite », dit Éric Delcroix. Malgré nos multiples sollicitations, la Deal n’a pas répondu à nos questions.
Le bruit risque de faire trembler le sol
Selon une source proche de la Deal contactée par Reporterre, les organisateurs auraient prévu d’installer des bâches de 7 mètres de haut afin d’éviter que les lumières sur la plage désorientent les tortues durant la ponte : « L’accès au bord de mer sera également interdit. Les pouvoirs publics pensent que ça sera suffisant, mais la dimension sonore ne semble pas avoir été prise en compte. Le bruit risque de faire trembler le sol et les tortues vont le ressentir. De plus, si les gens n’ont pas accès à la plage, on a un peu de mal à comprendre l’intérêt d’organiser l’évènement là-bas. Autant faire le festival au milieu des nombreux champs de cannes autour du Moule », dit cette source.
L’organisateur — qui n’a pas répondu à nos questions — se serait également engagé auprès de la mairie à participer à la revégétalisation de l’arrière de la plage.
D’après Pierre Porlon, l’adjoint à l’environnement du Moule, le All Day in Music Festival n’est qu’un premier événement dans la stratégie voulue par la ville pour se rendre attractive : « En nous basant sur les recommandations de la sous-préfecture, nous allons procéder aux installations nécessaires pour, à la fois, préserver la ponte des tortues, et exploiter pleinement la plage des Alizées. C’est ce qui manque au Moule : de grands festivals qui contribuent à l’économie locale », dit-il (...)