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l’Humanité
États-Unis, Allemagne, Israël : quand trois démocraties punissent la dissidence à l’unisson
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #genocide #famine #democraties #repression #resistances
Article mis en ligne le 12 août 2025
dernière modification le 10 août 2025

Un étrange consensus est en train de se consolider dans trois des démocraties les plus influentes au monde. Aux États-Unis, l’Université Columbia a dû accepter un accord de 200 millions de dollars et une surveillance fédérale pour avoir toléré des manifestations pro-palestiniennes. En Allemagne, des chercheurs et artistes sont régulièrement mis sur liste noire ou déprogrammés pour avoir signé des pétitions en faveur d’un cessez-le-feu ou critiqué la politique israélienne. En Israël, des professeurs ont été arrêtés, des étudiants expulsés, et des responsables d’université contraints de sanctionner des enseignants et de réécrire les programmes selon les priorités de l’État.

Ces incidents ne sont pas isolés. Pris ensemble, ils révèlent un projet idéologique coordonné — ce que nous appelons un maccarthysme transnational — destiné à réprimer la dissidence sur la question israélo-palestinienne à travers la surveillance, la censure et les sanctions juridiques.

Aux États-Unis, en Allemagne et en Israël, la critique de la politique de l’État israélien n’est plus considérée comme une expression politique légitime. Elle est désormais présentée comme une incitation à la haine, une trahison ou une forme d’antisémitisme. Une infrastructure répressive commune — mêlant pressions de donateurs, législation étatique, police idéologique et coercition juridique — a créé un climat où la solidarité avec les Palestiniens est criminalisée et où la recherche antisioniste est pathologisée.

L’émergence d’un régime de contrôle

Nous assistons à l’émergence d’un régime de contrôle qui utilise non seulement des outils administratifs, mais aussi des lois, des arrestations, des expulsions et même des peines de prison pour contenir la dissidence. (...)

Un outil central de cette répression est la définition de l’antisémitisme proposée par l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste), adoptée dans les trois pays. Présentée comme un moyen de lutter contre la haine, cette définition comprend des « exemples illustratifs » flous qui confondent critique d’Israël et antisémitisme. Une fois institutionnalisée, cette grille de lecture permet aux gouvernements et aux universités d’assimiler protestation et préjugé — redéfinissant ainsi la dissidence éthique comme une forme de bigoterie. (...)

Listes noires, enseignants et étudiants menacés

La convergence va plus loin encore. En Allemagne, les institutions publiques interprètent la résolution anti-BDS votée par le Bundestag en 2019 comme un mandat d’exclusion des voix dissidentes des sphères académiques et culturelles. En Israël, la loi de 2011 sur la Nakba permet au gouvernement de retirer des financements aux institutions qui commémorent l’histoire palestinienne. Aux États-Unis, les financements fédéraux et les lois migratoires sont désormais utilisés pour imposer une conformité idéologique sur les campus. (...)

Cette police idéologique ne provient pas uniquement des gouvernements. Un réseau transnational de groupes de surveillance — tels que Canary Mission et Betar aux États-Unis, Ruhrbarone et Mideast Freedom Forum en Allemagne, Im Tirtzu en Israël, entre autres — établit des listes noires, surveille les réseaux sociaux et cible publiquement chercheurs et étudiants. Ces groupes collaborent avec des politiciens, des donateurs et des administrateurs d’universités pour faire annuler des événements, suspendre des chercheurs ou déprogrammer des conférenciers. Leur objectif n’est pas seulement de dénoncer, mais d’intimider — créant un climat de peur où la dissidence devient dangereuse, tant sur le plan professionnel que personnel.

Enseignants et étudiants sont menacés. La recherche sur la Palestine est découragée ou privée de financement. (...)

Des chercheurs internationaux revoient leurs projets de voyage ou évitent de prendre la parole en public pour ne pas compromettre leur statut migratoire. L’effet dissuasif n’est pas hypothétique — il est déjà réel.
Des mesures présentées comme des impératifs moraux

Ce qui rend cette situation particulièrement dangereuse, c’est que ces mesures sont présentées non comme des formes de répression, mais comme des impératifs moraux. Les gouvernements affirment lutter contre la haine. Les universités prétendent protéger les étudiants vulnérables. Mais ce qu’elles font — dans trois démocraties libérales —, c’est restreindre les limites de la pensée autorisée et sanctionner ceux qui osent les dépasser. (...)

Et cette dynamique est intimement liée à l’alliance militaire et géopolitique qui unit Israël, les États-Unis et l’Allemagne. Ce ne sont pas des phénomènes distincts (...)

Nous ne nions pas que l’antisémitisme est réel et en hausse. Mais le confondre avec la critique d’Israël ne permet pas de le combattre. Au contraire, cela affaiblit la lutte contre la haine véritable en transformant l’antisémitisme en arme politique. Pendant ce temps, chercheurs et étudiants palestiniens, arabes, musulmans, juifs et israéliens restent exposés à la surveillance, aux représailles et à des risques juridiques.
L’université ne doit pas être réduite à un simple outil de conformité

Les conséquences sont déjà visibles. La liberté académique est vidée de l’intérieur. L’autonomie des facultés est contournée. Les politiques d’inclusion sont vidées de leur substance. (...)

Et pourtant, la résistance persiste. Des étudiants et enseignants organisent des séminaires clandestins. Des alliances se forment au-delà des frontières. Des recours juridiques sont en cours. Chercheurs, artistes et éducateurs réclament non seulement le droit de s’exprimer, mais aussi celui d’enseigner, de rechercher, de se souvenir — sans contrainte idéologique.

Défendre la liberté académique aujourd’hui, ce n’est pas seulement défendre la parole. C’est résister à un régime transnational qui surveille la dissidence, punit la solidarité et redéfinit la vérité au service du pouvoir. L’université ne doit pas être réduite à un simple outil de conformité. Elle doit rester un lieu où les questions dérangeantes sont posées, où l’histoire est débattue, et où la justice n’est pas sans cesse repoussée.

Ce à quoi nous assistons n’est pas seulement une répression de la critique — c’est une lente éradication du savoir, de la parole et de la dissidence dans les espaces qui prétendaient les protéger.

Et pourtant, la résistance persiste. Des étudiants et enseignants organisent des séminaires clandestins. Des alliances se forment au-delà des frontières. Des recours juridiques sont en cours. Chercheurs, artistes et éducateurs réclament non seulement le droit de s’exprimer, mais aussi celui d’enseigner, de rechercher, de se souvenir — sans contrainte idéologique.

Défendre la liberté académique aujourd’hui, ce n’est pas seulement défendre la parole. C’est résister à un régime transnational qui surveille la dissidence, punit la solidarité et redéfinit la vérité au service du pouvoir. L’université ne doit pas être réduite à un simple outil de conformité. Elle doit rester un lieu où les questions dérangeantes sont posées, où l’histoire est débattue, et où la justice n’est pas sans cesse repoussée.

Ce à quoi nous assistons n’est pas seulement une répression de la critique — c’est une lente éradication du savoir, de la parole et de la dissidence dans les espaces qui prétendaient les protéger.

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