
L’affaire fait grand bruit dans la presse depuis le début de l’été. En s’immisçant dans le financement, voire l’organisation, des nombreux spectacles et fêtes historiques en France, l’extrême droite tente d’imposer sa vision fantasmée du passé à la société.
En juillet, à Moulins dans l’Allier, le spectacle « Murmures dans la cité » est produit avec le soutien du milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin. À l’origine de projet, Guillaume Senet est un très proche d’un groupuscule catholique identitaire Sophia Polis, aux inspirations « clairement fasciste » selon Le Monde (16/08/2025). Ces faits graves, la mobilisation des syndicats et des associations locales et une tribune signée dans Libération par plusieurs historien.n.es n’ont pas empêché la ville de Moulins, le département et de la région (tous dirigés par la droite) d’aider la tenue du spectacle.
Au même moment, L’Humanité (10/07/2025) révèle que le label « Les plus belles fêtes de France » qui désire devenir un des acteurs majeurs de la promotion des spectacles historiques est lui aussi aidé par Pierre-Edouard Stérin. Il est même animé par un proche du milliardaire, et est également, « étroitement lié à l’agence d’évènementiel Studio 496 — en référence à la date du baptême de Clovis —, dont Pierre-Edouard Stérin est actionnaire » (Le Monde – 16/08/2025). « Les plus belles fêtes de France » ont bénéficié de soutiens de poids : Stéphane Bern (qui s’est retiré depuis) et la sénatrice LR Laurence Garnier, qui a parrainé la soirée de lancement du label au Sénat le 2 juin 2025, et qui, face aux polémiques, a soutenu le label dans une tribune publiée le 27 août dans le JDNews, propriété du milliardaire d’extrême droite Vinent Bolloré.
Ces deux exemples en rejoignent de nombreux autres, comme le spectacle « La Dame de Pierre » célébrant Notre-Dame de Paris qui va se produire dans toute la France et dont le producteur Corentin Stemler a été « couvé par Philippe de Villiers » (Le Monde, 16/08/2025) et a signé des articles dans un journal local du mouvement d’extrême droite royaliste l’Action française.
En réalité, ces pratiques s’inscrivent dans une stratégie ancienne de l’extrême droite. (...)
Peu à peu discréditée après-guerre, cette « école capétienne » connaît un regain de faveur pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, grâce à l’aide de Patrick Buisson, proche conseiller du président et lui-même ancien de l’Action française. C’est en effet durant son mandat que des figures médiatiques — dont beaucoup de monarchistes — comme Lorànt Deutsch, Stéphane Bern, Franck Ferrand, commencent à écrire des livres et à présenter des émissions télévisées dans le but de diffuser leur vision du passé, avec l’aide du service public audiovisuel.
En parallèle, le développement du Puy du fou en Vendée, créé par Philippe de Villiers, obéit au même principe. Son fondateur l’a expliqué lui-même en 2017, lorsqu’il affirme avoir fait « passer plus d’idées par ses livres ou son Puy du Fou qu’en restant la énième écrevisse de la bassine. »
L’offensive de l’extrême droite sur les spectacles historiques est un avatar de cette stratégie. Mais la situation est cette fois préoccupante dans un contexte de poussée de l’extrême droite et de désengagement de l’État et des collectivités. Profitant de cette situation, nombre d’ultra-riches désirant promouvoir leur vision réactionnaire du monde n’hésitent pas à investir dans les spectacles historiques, surtout qu’ils souhaitent également en tirer de nombreux bénéfices pécuniaires. En temps de crise et d’angoisse face à l’avenir, la nostalgie, notamment celle appuyée sur l’imagerie idéalisée et faussement d’une France d’avant, devient aussi un produit commercial qu’il est facile de vendre.
Maintenant, que faire face à ce phénomène ? Tout d’abord, cet été nous a enseigné que la mobilisation des historien.ne.s et des citoyen.ne.s autour de ce sujet porte ses fruits. Nombre de fêtes, et Stéphane Bern lui-même, se sont ainsi retirés du label « Les plus belles fêtes de France ». Mais certaines ont décidé d’y rester. (...)
une politique appuyant les institutions publiques déjà existantes (université, CNRS, INRAP, musées), voire créant un véritable service national de vulgarisation des sciences humaines pourraient largement contrer les volontés d’infiltration par l’extrême droite des spectacles historiques. Et pour cela, quoi de mieux que de taxer les milliardaires qui tentent d’imposer à l’ensemble de la société leur vision du passé.