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Ligue des Droits de l’Homme/ Communiqué commun dont la LDH est signataire, Paris, septembre 2025
L’Union européenne (UE) affaiblit les règles qui protègent les peuples et l’environnement
#UE #dereglementation #democratie #droits
Article mis en ligne le 13 septembre 2025
dernière modification le 10 septembre 2025

Nous, 470 membres de la société civile, de syndicats et de coalitions d’intérêt général déclarons à la Présidente von der Leyen, aux Commissaires européens et aux Etats membres de l’UE que nos droits, notre planète, notre santé et notre justice ne sont pas à vendre.

L’UE risque un nouveau nivellement vers le bas. Sous la présidence d’Ursula von der Leyen, la Commission européenne prévoit une vague sans précédent de coupes drastiques dans les réglementations qui protègent les droits du travail et les droits sociaux, les droits humains, les droits numériques et de l’environnement. La Commission et les Etats membres de l’UE pourraient passer les quatre prochaines années à démanteler les règles applicables aux entreprises opérant dans l‘UE.

Les règles conçues pour garantir une vie équitable, juste et saine étaient déjà mal appliquées. Depuis la précédente élection, et malgré nos avertissements clairs et répétés, elles sont supprimées, affaiblies ou vidées de leur sens à un rythme inédit.

Neuf mois après le début de son mandat, il est clair que le nouvel « effort de simplification sans précédent » de la Commission signifie en réalité « déréglementation ». Le cadre qui nous protège tous contre les excès de la cupidité des entreprises, qui garantit que nous pouvons respirer un air de qualité et mettre des repas sains sur la table familiale sont sur la sellette. Les règles qui garantissent que nous pouvons travailler dans des conditions équitables et sûres, protéger la nature, lutter contre la discrimination, combattre la corruption, contracter des produits financiers équitables et sûrs, et empêcher les entreprises de violer notre vie privée numérique – pour notre sécurité actuelle et à venir– sont en voie d‘être supprimées.
L‘affirmation de la Commission d’une supposée suppression des « formalités administratives superflues » n‘est pas étayée. Elle prétend que faire confiance aux entreprises à agir de manière vertueuse rendra l‘Union plus « compétitive » et que la suppression des règles contraignantes est nécessaire pour stimuler « l‘innovation » des entreprises européennes. Mais de nombreux événements tragiques de l‘histoire de l‘UE racontent une autre histoire, notamment la crise financière ou encore le Dieselgate.

Les règles de l‘UE sont tout simplement supprimées afin que les actionnaires puissent continuer à exploiter les personnes et la planète avec encore moins de limites. Notre avenir est ainsi bradé sur l’autel du profit, et notre confiance dans la démocratie s‘érode.

De nouvelles mesures donnent aux entreprises une place à la table des législateur de l‘UE1 , alors que ceux qui agissent pour l‘intérêt général en sont exclus. Ces méthodes défaillantes privilégient encore davantage l‘accès des entreprises aux cercles de décision.
Pendant ce temps, les organisations de la société civile représentant les intérêts sociétaux risquent d‘être marginalisées. Si la situation n’était pas assez graves, les agences et organismes chargés de l‘application de la loi sont paralysés par des politiques d‘austérité qui réduisent leurs budgets et leur personnel.

La Commission et le Conseil des États membres de l‘UE attaquent nos protections presque quotidiennement. Plusieurs mesures d’importance ont été adoptées à la hâte sans que la Commission ne remplisse son devoir de produire les études d‘impact pourtant essentielles. Cette situation est aggravée par le recours à la « procédure d‘urgence », qui ne laisse aucune place à un débat démocratique au sein du Parlement européen.

Les principes directeurs d‘élaboration des règles sont essentiels à la démocratie européenne. En prenant des raccourcis, la Commission empêche tout débat contradictoire et rouvre des législations qui sont le fruit d‘un processus démocratique et donc d‘un compromis entre les forces politiques de l‘UE.

Ce vent violent de déréglementations risque de renforcer l‘extrême droite et les forces antidémocratiques, de favoriser la corruption, d‘accroître les inégalités, de ralentir les mesures climatiques et la protection de l‘environnement qui sont urgentes, de priver les communautés et les travailleurs de protections et de services essentiels.

Le programme de « simplification » est déjà allé trop loin :
• La responsabilité des entreprises et la justice sont plus éloignées que jamais : la Commission et le Conseil proposent de considérablement affaiblir la Directive sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises (CS3D), et par conséquent l‘action climatique, la protection de l‘environnement et les obligations en matière de droits humains dans les chaînes d‘approvisionnement. La transparence quant aux efforts des entreprises en matière de durabilité est sur le point d’être réduite à néant par la réduction significative du champ d‘application des entreprises déclarantes dans la directive sur le reporting extra-financier et la taxonomie de l‘UE (CSRD).
• Nos habitats et notre biodiversité risquent de perdre des protections essentielles, tandis que les produits chimiques menacent la santé publique : la Commission a proposé de supprimer les obligations environnementales de sa politique agricole commune, y compris les mesures de protection des zones humides et des tourbières. Les lois européennes sur les produits chimiques dans les cosmétiques et les règles d‘étiquetage des produits chimiques dangereux sont menacées, tandis que des signes inquiétants indiquent que la proposition d‘interdiction totale des « polluants éternels » (PFAS) sera affaiblie.
• La pression sur les pollueurs est allégée : les retards dans les plans de transformation obligatoires visant à rendre les sites industriels polluants plus propres, plus circulaires et plus respectueux du climat compromettent la transparence publique et la responsabilité des entreprises dans la transformation industrielle.
• Des objectifs climatiques affaiblis servent les intérêts des entreprises au détriment des besoins de la planète : la Commission européenne, avec le soutien massif des États membres de l‘UE, a proposé un objectif de réduction des émissions de 90 % d‘ici 2040 par rapport à 199 • Cette proposition comprend des items qui introduisent des possibles inflexions et pourrait affaiblir l’architecture politique de la directive sur le climat. L’introduction de crédits internationaux dans les objectifs climatiques de l’UE affaiblirait le niveau d’ambition de l’UE par rapport à un objectif purement national, qui est déjà en retard par rapport à sa juste part mondiale.
• Une décennie de progrès en matière de droits numériques pourrait être réduite à néant : la réouverture du pilier central du règlement numérique de l‘UE, le Règlement général sur la protection des données (RGPD), signifie que les données sensibles des citoyens pourraient être traitées sans protection. De nouvelles attaques contre les règles fondées sur les droits, telles que la loi sur l‘IA et le paquet numérique prévu, pourraient compromettre les règles qui protègent nos vies numériques contre les préjudices causés par l‘IA et la surveillance exercée par les acteurs étatiques ou privés.
• Une course vers le bas pour les travailleurs : des réductions des droits et des protections sociaux se profilent, car la proposition envisagée pour un « 28e régime » offrirait aux entreprises un ensemble de règles européennes plus souples.
Cela ouvre la voie au contournement des législations nationales du travail et des droits syndicaux.
• Plus de pauvreté : la Commission vise à réorienter les fonds de lutte contre la pauvreté vers le soutien aux entreprises et aux industries, notamment dans les domaines de la technologie et de la défense.
• La voie vers une société juste et équitable s‘érode sous nos yeux : la tentative de retrait de la directive horizontale anti-discrimination montre clairement que les personnes et les droits ne sont pas une priorité pour la Commission européenne (même si, selon certaines informations, la Commission aurait heureusement reconsidéré sa position sous la pression de la société civile et du monde politique).
• Le seul domaine où de nouvelles règles sont mises en place concerne la répression et la surveillance des communautés marginalisées, dans un contexte d’augmentation des dépenses, de législation et de politiques axées sur la criminalisation, la surveillance et la militarisation.
• Les réformes financières sont annulées, ouvrant la voie à une nouvelle crise : des retards et de nombreuses exceptions sont introduits dans les règles prudentielles relatives aux fonds propres des banques, convenues au niveau international après la crise financière mondiale de 2007-2009. Ces règles visent à garantir que les banques gèrent leurs risques avec des réserves suffisantes pour amortir les pertes. Parallèlement, les mesures destinées à soutenir les pratiques financières durables pourraient être supprimées.
Avec ces mesures – qui ne sont qu‘une petite sélection parmi les nombreuses propositions, initiatives et stratégies de déréglementation –, la Commission prétend rendre l‘Europe plus favorable aux entreprises et plus compétitive au niveau international.
Ce faisant, elle crée un monde toxique et moins égalitaire pour les travailleurs, les familles et les communautés vulnérables, ainsi que des conditions de concurrence inégales pour les entreprises qui souhaitent exercer leurs activités de manière responsable. À long terme, l‘idée fausse selon laquelle il est trop coûteux de protéger les personnes et l‘environnement aujourd‘hui aura un coût irréversible sur notre santé, notre sécurité, nos droits, notre égalité et nos libertés demain.

Au lieu d’une déréglementation, nous appelons les législateurs européens et nationaux à protéger et à promouvoir les droits consacrés dans la Charte de l‘UE et le droit international relatif aux droits humains :

1. Adopter des lois pour renforcer la protection des régimes sociaux, des travailleurs, des consommateurs, de la lutte contre la discrimination, de la justice, de la justice climatique et environnementale, de la vie privée et de la protection des données, et contre les produits chimiques toxiques ;
2. Exiger plus de transparence et de responsabilité de la part des entreprises, et faciliter l‘accès à la justice pour les personnes lésées ;
3. Assumer la responsabilité de l‘impact négatif des activités de l‘UE sur d‘autres régions et communautés, telles que l‘exploitation minière, les objectifs climatiques insuffisants et les produits chimiques toxiques ;
4. Permettre la promulgation et l‘application des lois protégeant les droits, la justice et les intérêts publics en fournissant davantage de ressources aux autorités chargées de leur application et en apportant conseils et soutien pour la mise en œuvre des règles numériques ;
5. Renforcer la protection des organisations de la société civile, des ONG, des syndicats, des défenseurs des droits humains, des journalistes et des militants ;
6. Garantir que la société civile, les syndicats, les communautés touchées et les autres acteurs représentatifs de l‘intérêt public soient consultés, inclus et respectés de manière significative dans le processus législatif européen et national.

À une époque marquée par des inégalités extrêmes, notamment en matière de répartition des richesses, d‘exclusion sociale et financière, de destruction du climat, de recul démocratique, de capitalisme, de surveillance, d‘exploitation des travailleurs, de préjudices structurels profondément enracinés, de discrimination et de violations généralisées des droits humains, nous appelons à davantage de protections, et non à leur amoindrissement !