Du Parti socialiste à la France insoumise, les composantes de la gauche française se servent de la victoire du maire de New York pour justifier leur propre stratégie. Un doux rêve, tant une figure comme Zohran Mamdani ne pourrait advenir en France. Voici pourquoi.
(...) Une fascination qui, en miroir, souligne un non-dit : l’horizon d’impossibilité d’une telle épopée dans le paysage électoral français. Et cette impossibilité est d’autant plus criante que, face à l’élection de Zohran Mamdani, les partis de droite et apparentés en ont fait un épouvantail (le « communautarisme »), tandis que les partis libéraux et de gauche n’en ont tiré que de mauvaises leçons. La première consiste à penser que le passage de 1 % à 50,4 % serait le seul résultat d’une campagne de communication qui aurait ringardisé les autres candidats. (...)
Ce fétichisme de la communication politique, se substituant et remplaçant un véritable programme, est un mirage rassurant pour des partis comme le Parti socialiste (PS) ou les aficionados des publications LinkedIn. Ils oublient un peu vite qu’il y a un an à peine, Kamala Harris aussi menait une campagne brillante sur le plan médiatique.
La victoire de Mamdani, si elle a connu une forte viralité grâce à ses méthodes de communication, tient surtout au fait qu’il n’a jamais soustrait ses propositions politiques à ses moyens de communication. Aussi drôles et percutantes que soient ses vidéos, elles ont toujours accompagné le fil de sa campagne : « New York you can afford » (le New York abordable), dans un contexte où même les populations qui ont gentrifié les quartiers populaires sont à leur tour exclues par les prix.
Mamdani n’a jamais soustrait ses propositions politiques à ses moyens de communication.
Un message soutenu par des mesures claires et simples à comprendre : gratuité des transports, contrôle des loyers pour les particuliers comme pour les petits commerces, financement des crèches, et surtout une ligne ferme affirmant qu’il menait sa campagne pour les New Yorkais et non pour les grands donateurs de l’appareil démocrate. Lors des débats municipaux, Zohran Mamdani fut d’ailleurs le seul candidat à ne pas citer Israël quand on lui demanda quel pays il visiterait en premier : il répondit qu’il serait maire de New York et servirait les New Yorkais.
Pour de multiples raisons sociodémographiques et historiques, Mamdani – comme Obama, AOC ou Kamala Harris – n’est possible qu’aux États-Unis. Mamdani est possible à New York, la ville-monde, mais aussi grâce à une conception de la citoyenneté et de la politique américaine profondément façonnée par le storytelling (1). Il n’existe pas d’équivalent en France. (...)
Une France hostile aux communautés
Les partis politiques y jouent un rôle beaucoup plus encadrant qu’aux États-Unis, mais surtout, la France reste profondément réfractaire à tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à un attachement communautaire de la part d’un candidat. Ceux que l’on appelle, même après huit générations, des « issus de l’immigration », doivent pour être investis par leur parti – sans parler du parachutage et du découpage électoral – enfiler le costume, l’hexis (l’habitus) et les manières d’être du « politique ». Et ce n’est pas seulement une imposition des partis : c’est aussi le produit de la réception médiatique et publique, de ce qui est perçu comme « électoralement acceptable » (...)
Alors que, de ce côté-ci de l’Atlantique, des mois de mobilisation, de porte-à-porte, d’organisation et de campagne de terrain ont mené à cette victoire, vu de France tout se passe comme s’il était possible de répliquer cet engouement en partant d’en haut. (...)