
Un nouveau rapport consulté par Mediapart montre que l’établissement catholique parisien oblige toujours ses élèves à suivre des cours de religion. À l’inverse, en 2024, il ne proposait toujours pas de cours d’éducation à la sexualité. Le lycée n’a pourtant jamais été sérieusement inquiété.
Pas question d’envisager une rupture du contrat d’association. Les ministres de l’éducation l’avaient juré : l’établissement scolaire privé parisien Stanislas, gravement mis en cause, allait facilement suivre les recommandations du rapport d’inspection rendu en août 2023. « Ce plan d’action sera suivi avec toute la rigueur nécessaire », promettait en janvier 2024 Amélie Oudéa-Castéra, furtive ministre qui défendait coûte que coûte l’école de ses propres enfants.
En mai, devant la commission d’enquête parlementaire issue de l’affaire Bétharram, Élisabeth Borne, actuelle ministre de l’éducation, défendait encore l’établissement et minimisait l’homophobie, le sexisme et l’autoritarisme pourtant décrits dans le rapport par ses propres services. (...)
Selon nos informations, pourtant, Stanislas, épinglé depuis deux ans, ne respecte toujours pas la loi. Lors de deux contrôles menés en 2024 et en 2025, l’Éducation nationale dressait une longue liste de manquements. Si l’établissement a corrigé de nombreux points depuis, il a de nouveau été mis en cause dans un rapport publié le 20 juin, obligeant le ministère de l’éducation à réagir mardi 1er juillet. (...)
« Le respect du caractère strictement facultatif de l’instruction religieuse demeure non conforme à date » (...)
Dans le cadre du suivi des recommandations de l’inspection générale (IGESR), dix inspecteurs ont réalisé des missions de suivi entre février et mai 2025. Ils étaient chargés de vérifier une dizaine de points, et notamment de savoir si la liberté de conscience était garantie, si les cours de sciences de la vie et de la terre (SVT) étaient conformes au programme et si les cours d’éducation à la sexualité prévus par la loi étaient correctement dispensés. « Sur les onze recommandations formulées par l’IGESR, dix ont fait l’objet de mises en conformité », peut-on lire dans le rapport.
« Culture chrétienne »
Deux ans après sa première inspection et malgré une attention médiatique très importante, Stanislas oblige toujours ses élèves à suivre des cours religieux.
Plusieurs modifications ont bien été réalisées, notamment depuis que l’ancien directeur Frédéric Gautier est parti à la retraite, en septembre 2024. L’établissement a par exemple changé ces heures de « catéchèse » pour les rebaptiser « culture chrétienne » et les inscrire dans le projet éducatif que tous les parents sont contraints de signer.
« Nous approuvons le projet éducatif de Stanislas dont nous avons pris connaissance et nous nous engageons à en respecter le caractère propre », peut-on lire dans le formulaire d’inscription 2025-2026, disponible sur le site de l’école.
Mais ce ne serait qu’un tour de passe-passe. (...)
« Certaines questions peuvent faire référence à la foi et à la religion de l’élève », pointent les inspecteurs, qui estiment que « le contenu des heures de culture chrétienne obligatoires s’apparente à de l’instruction religieuse ».
Le respect de l’article 5 du contrat d’association n’est donc « pas effectif ». Si des cours d’instruction religieuse sont possibles dans le privé sous contrat, ces heures doivent être facultatives, et ne pas conditionner l’inscription des enfants. L’établissement avait pourtant déjà été rappelé à l’ordre sur ce point en mars 2024. En vain. Jusqu’à cette même année, par ailleurs, le groupe scolaire continuait de demander la religion des élèves dans le dossier d’inscription.
Dans ses conclusions, la mission note enfin des avancées sur le règlement intérieur, explicitement sexiste en 2023, mais recommande encore quelques évolutions. « La version la plus récente atténue les différences de traitement entre les filles et les garçons et adopte une approche moins genrée des attentes vestimentaires », détaille-t-elle avant de préciser que le nouveau directeur s’est engagé à ce que, dès la rentrée 2025, les « attentes en matière de tenue vestimentaire soient uniformes pour tous les élèves, sans distinction de genre ».
En guise de réponse, le ministère révèle dans un communiqué publié mardi avoir « mis en demeure » Stanislas, le 23 juin, « de prendre les mesures nécessaires, d’ici à la rentrée scolaire, pour s’assurer de l’accord explicite des parents à cette heure de “culture chrétienne” ».
Un autre contrôle de 2024 accablant (...)
Une mission avait constaté que les programmes d’éducation à la vie affective et sexuelle, pourtant obligatoires, n’étaient toujours « pas respectés » pour tous et toutes les élèves du collège en mars 2024. En seconde, les séances n’étaient « pas suffisamment développées » et, pour les classes de première et terminale, le contenu des heures n’avait pas été « présenté » lors de la visite pourtant programmée à l’avance.
Lors d’un deuxième contrôle effectué le 17 mai 2024 dans deux classes de cinquième, les inspecteurs relevaient que les cours d’éducation à la sexualité étaient « insuffisants et non conformes au programme ». Ils étaient encore délivrés par l’association Com’ je t’aime, une structure tenue par Inès de Franclieu. Elle a pourtant déjà été épinglée en 2022 pour délivrer lors de ses cours des enseignements sexistes, stéréotypés et opposés au port du préservatif. (...)
Les inspecteurs ont aussi déploré les « contenus scientifiques approximatifs et inappropriés », avec par exemple une « confusion » entre spermatozoïde et graine, et relevé plusieurs dérives comme l’absence d’affichage de « message de prévention » auprès des élèves ou l’absence totale de « mise à disposition de préservatifs », pas même à l’infirmerie. Le rectorat demandait alors à l’établissement de corriger le tir en sollicitant plus d’intervenants extérieurs et en accordant « davantage de place pendant les séances à la diversité des orientations sexuelles ». Depuis, Stanislas assure avoir pris en compte les recommandations de la mission.
Mardi 1er juillet, dans son communiqué, le ministère se borne à rappeler sa « vigilance » sur le déploiement « effectif » de l’éducation à la vie sexuelle et affective, qui, il faut le rappeler, est obligatoire. (...)
Malgré la persistance de tous ces manquements, les autorités restent extrêmement bienveillantes. La rupture du contrat d’association n’a jamais été évoquée, et plusieurs collectivités comme la région Île-de-France, dirigée par Valérie Pécresse, refusent de suspendre leurs subventions. Interrogée sur ces nouvelles dérives en audition, Élisabeth Borne a maintenu sa confiance. (...)
La ministre a aussi refusé de s’exprimer sur Caroline Pascal, aujourd’hui numéro deux de l’Éducation nationale et ancienne patronne de l’IGESR. La commission d’enquête a révélé qu’elle avait falsifié le rapport d’inspection et dissimulé l’homophobie et le sexisme de Stanislas jusqu’à mentir sous serment. Mais Élisabeth Borne reste toujours silencieuse sur ses agissements.