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Mediapart
Le retour à tâtons de l’antimilitarisme
#Toulouse #guerre #armee #OTAN #antimilitarisme
Article mis en ligne le 11 juillet 2025
dernière modification le 6 juillet 2025

L’extension à Toulouse d’un centre de commandement spatial de l’armée française et de l’Otan suscite un regain de mobilisation du mouvement antimilitariste. À travers différents événements, celui-ci tente de dénoncer la « fabrique de la guerre ». Même s’il est contraint de repenser certaines de ses positions.

L’air de rien, une petite ritournelle de guerre flotte dans la canicule toulousaine mercredi 2 juillet. Trois jours après avoir célébré les rugbymen champions de France, la place du Capitole a accueilli mercredi 2 juillet un tout autre type de festivités.

En fin de matinée, des « stands interactifs animés par les armées, les industriels du spatial », puis un défilé aérien à 17 heures, suivi dans la soirée d’une « performance musicale, symbole de l’union entre modernité, souveraineté et lien entre la nation et ses armées », selon les termes enthousiastes de la métropole sur son site.

Objet de cet événement : célébrer l’inauguration à Toulouse de la première base aérienne à vocation spatiale du pays, la BAVS 101, regroupant l’essentiel des unités opérant pour le centre de commandement de l’espace de l’armée française. Environ 500 militaires y travailleront d’ici à 2030.

Sa fonction sera de « fournir un appui à la force interarmées en matière de produits spatiaux » et « d’assurer la maîtrise de l’espace », résume le colonel Laurent Rigal, qui en sera le commandant, dans un entretien accordé à La Dépêche du Midi le 29 juin.

Implantée à proximité du Centre national d’études spatiales (Cnes), dans la zone Rangueil-Montaudran, cette base accueillera aussi les installations et personnels du centre d’excellence spatiale de l’Otan (le COE, selon son sigle en anglais, pour Centre of Excellence), implanté à Toulouse en 2023 et qui doit s’étendre dès le mois de septembre prochain. Bref, en ce début d’été 2025, se félicite La Dépêche, Toulouse devient, en France, le « cœur stratégique de la guerre du futur ».
En lutte contre « la fabrique des guerres »

Mais cette perspective ne plaît pas à tout le monde. Le 8 mai dernier, le Minotaure, marionnette géante exposée à la Halle aux machines de Toulouse, visible depuis le périphérique, s’est paré quelques instants de deux banderoles antimilitaristes : « Otan dégage » et « Refusons la fabrique de la guerre ».Implantée à proximité du Centre national d’études spatiales (Cnes), dans la zone Rangueil-Montaudran, cette base accueillera aussi les installations et personnels du centre d’excellence spatiale de l’Otan (le COE, selon son sigle en anglais, pour Centre of Excellence), implanté à Toulouse en 2023 et qui doit s’étendre dès le mois de septembre prochain. Bref, en ce début d’été 2025, se félicite La Dépêche, Toulouse devient, en France, le « cœur stratégique de la guerre du futur ».

En lutte contre « la fabrique des guerres »

Mais cette perspective ne plaît pas à tout le monde. Le 8 mai dernier, le Minotaure, marionnette géante exposée à la Halle aux machines de Toulouse, visible depuis le périphérique, s’est paré quelques instants de deux banderoles antimilitaristes : « Otan dégage » et « Refusons la fabrique de la guerre ». (...)

Préférant rester anonymes, des militant·es de la mouvance antimilitariste s’alarment du haut niveau d’acceptation sociale de la guerre au sein de la population et pointent tout ce qui la facilite.

Par exemple, le maintien du SNU (service national universel) ou la poursuite du « dispositif partenarial » des « classes de défense et de sécurité globales » mis en place dans les établissements scolaires français depuis une dizaine d’années. Rien de moins qu’un pont entre l’école et « une unité relevant des forces de défense et de sécurité » afin de « développer les liens entre la jeunesse, la défense et la sécurité nationale », selon les termes mêmes de l’Éducation nationale. (...)

Entre janvier et mai, à Toulouse, une dizaine d’événements, rencontres, débats se sont tenus dans divers espaces plus ou moins militants autour du sujet de l’opposition à la guerre. Début avril, un long « week-end contre la guerre et la militarisation », puis, les 26 et 27 avril, un autre intitulé « Toulouse, capitale européenne de la guerre ». Deux « assemblées contre la guerre » ont suivi au mois de mai. En février, une discussion – « C’était pas ma guerre ! » – s’était organisée autour « des réfractaires au service militaire, de l’armement et de la nouvelle base de l’Otan ».

Si l’extension du COE de l’Otan, et donc, depuis mercredi 2 juillet, l’installation de la BAVS 101 à Toulouse donnent une certaine matérialité locale au sujet, c’est bien l’air de la guerre global, celui qui se respire aujourd’hui partout autour de la planète, de Kyiv à Téhéran, en passant par la Palestine, qui suscite ce regain de mobilisation antimilitariste.

Un regain encore loin d’un mouvement de masse mais que l’État surveille comme le lait sur le feu. (...)

plusieurs perquisitions ont été menées chez des militant·es et 17 personnes, dont un journaliste, ont été arrêtées.
Des principes fondamentaux à repenser

La pression est mise sur un mouvement qui, de Toulouse ou Bobigny, tâtonne parfois sur ce que l’antimilitarisme peut aujourd’hui dire au peuple palestinien massacré par l’armée israélienne suréquipée ou au peuple ukrainien agressé par les forces russes. Que répondre aux résistant·es qui demandent des armes ?

En Ukraine, des militant·es anarchistes produisent des drones pour les troupes engagées sur le front en regardant « avec pragmatisme les débats qui divisent les gauches d’Europe de l’Ouest à propos du “réarmement” », rappelait Justine Brabant lors d’un reportage en Ukraine, fin mai. (...)

La construction d’un « antimilitarisme populaire et massif ne peut se faire qu’à travers des alliances entre franges de la résistance, considère Mathieu Rigouste. Dans le mouvement qui prend forme en ce moment, il y a cette idée de désarmer notre propre complexe militaro-industriel tout en soutenant les luttes par-delà les frontières. »

Début juin, le blocage de conteneurs de composants militaires à destination d’Israël par des dockers CGT à Fos-sur-Mer et, lundi 23 juin, la mobilisation de centaines de militant·es du mouvement Stop arming Israël en Belgique (qui s’est soldée par de nombreuses arrestations) pour bloquer les sites de Syensqo et OIP-Elbit, deux entreprises travaillant avec l’armée israélienne, ont été salués par la mouvance antimilitariste.

Laquelle a aussi vu émerger des espaces d’échange et de dialogue comme la People’s Platform, lancée à Vienne en février dernier. Cette plateforme, qui se propose non pas d’« inventer l’internationalisme » mais de « l’organiser », a réuni durant trois jours 800 délégué·es représentant plus de 160 organisations de 35 pays et territoires. Son premier atelier de travail s’intitulait « Comprendre et résister au militarisme et à l’impérialisme européens ».