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Mediapart
Les eaux Contrex et Hépar contaminées aux microplastiques par les décharges sauvages de Nestlé
#Nestle #eaux #forages #contrex #vittel #pollution #Contrex #Hepar #sante
Article mis en ligne le 12 août 2025
dernière modification le 10 août 2025

Les conclusions de l’enquête de l’Office français de la biodiversité que Mediapart publie révèlent que les eaux de Contrex et Hépar contiennent des taux de microplastiques « exorbitants » en raison de décharges laissées à l’abandon par Nestlé qui ont pollué les sources d’eau. Un réel danger pour la santé.

Le plastique ne pollue pas seulement le fond des océans. Mais il contamine aussi les eaux vendues sous l’étiquette « minérales naturelles ».

La cause ? Les bouteilles de plastique amoncelées sauvagement et laissées à l’abandon par Nestlé, près de ses propres forages, ont pollué les sols et les eaux alentour. C’est ce que révèle le rapport d’enquête remis à la justice, le 8 janvier 2025, par l’Office français de la biodiversité (OFB) dont Mediapart publie des extraits. Alors qu’à Genève (Suisse), plusieurs États et industriels, dont une lobbyiste représentant Nestlé, tentent déjà d’exclure les bouteilles de la liste des produits en plastiques à réglementer.

En effet, selon les conclusions de l’OFB, dans certains forages utilisés pour les eaux Hépar et Contrex de Nestlé, les taux de microplastiques, toxiques pour l’organisme, sont 5 à près de 3 000 fois supérieurs aux taux habituellement relevés dans des nappes phréatiques et des sources d’eau destinées à la consommation humaine.

Contacté, Nestlé assure « qu’aucune pollution n’est avérée aux termes des analyses environnementales partagées avec les autorités. Toutes nos eaux peuvent être bues en toute sécurité ». C’est pourtant une tout autre réalité qu’attestent les éléments que Mediapart publie. (...)

À l’issue de plus de trois ans d’enquête préliminaire ouverte en 2021 par le pôle régional environnement du parquet de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et confiée conjointement à l’OFB et aux gendarmes de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), comme déjà annoncé (ici et là), Nestlé sera jugée du 24 au 28 novembre, devant le tribunal correctionnel.

Abandonnées dans la nature

La multinationale est poursuivie pour avoir de 2016 à 2024 « géré irrégulièrement », « stocké de manière occulte et dissimulée » des déchets et de les avoir « abandonné[s] illégalement », ce qui a provoqué « une dégradation substantielle de l’environnement […] libérant des microplastiques ». Il lui est également reproché d’avoir « laissé s’écouler […] dans les eaux superficielles et souterraines […] des particules de microplastiques, mesurées à des concentrations de plusieurs millions de fois supérieures aux données scientifiques connues ».

Nestlé a autour de ses usines d’embouteillage, dans les Vosges, laissé se désagréger, en pleine nature et de façon tout à fait illégale, plus de 400 000 m3 de déchets, essentiellement des bouteilles en plastique et en verre, parfois mêlées à des plaques d’amiante. (...)

Les éléments du dossier que Mediapart a pu consulter révèlent des taux de pollution de microplastiques qualifiés d’« exorbitants » par le magistrat chargé de l’enquête préliminaire. Dans son réquisitoire rendu le 26 mai 2025, cinglant pour Nestlé, le parquet dénonce le « cynisme » de la multinationale dont « l’attitude désinvolte [...] impose une condamnation dissuasive ».

Depuis sa connaissance des déchets plastiques sous terre, « avec l’arsenal de pléthore d’ingénieurs-conseils, de juristes spécialisés, d’hydrogéologues, Nestlé disposait des moyens financiers, techniques et juridiques pour ne pas commettre ces infractions ou les régulariser dès 2015 ».

Mais l’entreprise « a choisi de se dérober derrière les silences de l’administration », en particulier les services de la préfecture qui n’ont pas rempli leur mission de contrôle. (...)

En rachetant en 1992 les usines de Vittel et Contrexéville, Nestlé a hérité de ces décharges sauvages. Impossible d’en ignorer la présence, dont les enquêteurs relèvent que l’une d’elles équivaut à la hauteur d’un immeuble de six étages et une autre affiche une superficie de plus d’un hectare. (...)

La multinationale s’était alors simplement contentée de confier à ses experts l’analyse de ces décharges, sans pour autant procéder à sa dépollution. Tous les prélèvements des sols et des eaux, faits à différents niveaux de profondeurs, témoignent de pollution massive en microplastiques. (...)

Vide réglementaire autour des microplastiques (...)

La forte mobilisation de la communauté scientifique a permis de faire, depuis cinq ans, des « avancées phénoménales sur les risques des microplastiques sur la santé ». (...) (...) (...) (...) (...)

Par son inaction, Nestlé a ainsi non seulement pollué les sols mais aussi les eaux. Et cela de façon presque irrémédiable. Compte tenu des taux « incommensurables de microplastiques » et « eu égard à leurs composants polymères issus de la pétrochimie (PE, PET, PA) », les enquêteurs alertent « sur leurs effets nuisibles sur la santé humaine ».

Et les conséquences sont déjà dramatiques : la « dégradation substantielle en ce qu’ils sont fragmentés en micro voire nanoplastiques, imprégnés et diffusés dans les sols et les réseaux d’eaux souterraines, de sorte qu’aucune dépollution n’est envisageable ». (...)

Malgré ce vide réglementaire actuel, les agents de l’OFB alertent, dans leurs conclusions, sur les dangers des concentrations anormales en microplastiques, découvertes dans les eaux de Nestlé destinées à être consommées. Ils se sont invités à l’intérieur même de l’usine pour effectuer, en présence de salariés de la multinationale et des gendarmes de l’Oclaesp, des prélèvements à la sortie des forages où arrivent, sans traitement, les eaux ensuite embouteillées sous les marques Contrex et Hépar. (...)

Au cours de leurs investigations, les agents de l’OFB se sont également interrogés sur le recours aux traitements interdits, en particulier des microfiltrations, qui auraient permis à la firme de dissimuler cette pollution. Au cours des auditions, le directeur du site, Luc Debrun prétend que la présence de certains microplastiques (polypropylène et polyamide) dans les prélèvements des eaux Contrex et Hépar proviendrait du « scotch des scellés ».

Des risques pour la santé de plus en plus clairs

Il a certainement omis de préciser aux enquêteurs que ce type de microplastiques est utilisé dans les traitements des eaux par filtration, procédés interdits pour lesquels Nestlé fait également l’objet de poursuites judiciaires et qui ont été à l’origine du scandale.

« Depuis cinq ans, on étudie leur impact sur la santé », précise Mathilde Body-Malapel, chercheuse à l’université de Lille et à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) (...)