
Depuis sept mois, des manifestations massives se succèdent à Belgrade. Pour l’écrivain Eric Vuillard, prix Goncourt 2017, cette situation révèle la façon dont le président serbe, Aleksandar Vučić, est désormais prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.
Il y a deux jours, les étudiants serbes ont de nouveau manifesté en très grand nombre pour réclamer des élections libres. Ils manifestent depuis sept mois dans l’indifférence des pays européens. Les étudiants serbes montrent une immense détermination. Le mouvement est né de l’effondrement d’un auvent de béton à la gare de Novi Sad qui a fait seize morts. Cet effondrement signale l’incurie du parti nationaliste au pouvoir soutenu aussi bien par Paris que par Moscou.
C’est que le pouvoir exercé par le président Vučić serait un gage de stabilité. Aussi, peu importe que la corruption gangrène le pays, peu importe qu’aucune enquête indépendante n’ait eu lieu à propos de l’effondrement meurtrier de l’auvent de la gare de Novi Sad, peu importe à la France que les étudiants depuis le mois de novembre réclament des élections anticipées. Le président stabilise les Balkans.
Les Balkans sont une région du monde qui ne mérite rien d’autre. Les Serbes ne méritent pas mieux que de vagues et discutables considérations géopolitiques. Nos déclarations sur la démocratie seraient donc de pure forme ? Il faudrait réclamer plus de démocratie à la Russie, au monde arabe, à l’Iran, mais pas au gouvernement serbe, dont le rôle doit être avant toutes choses de « stabiliser les Balkans ».
Et peu importe qu’en Serbie le gouvernement soit notoirement corrompu, ultralibéral et nationaliste. (...)
Le problème est que, depuis maintenant sept mois, le président serbe n’est plus du tout un gage de stabilité. Depuis que des manifestations de masse ont lieu régulièrement à Belgrade, le président serbe devient un obstacle à la stabilité du pays. Mais Aleksandar Vučić s’en fiche en réalité pas mal de la stabilité des Balkans, et il semble prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. (...)
Comment une élite au pouvoir désoriente le peuple
On ne peut plus laisser les étudiants serbes se battre dans l’indifférence générale. Le président Vučić prétend s’être converti à la démocratie et regretter ses anciennes positions criminelles, eh bien qu’il le prouve ! (...)
En vérité, Aleksandar Vučić ne s’est converti à rien d’autre qu’à lui-même. C’est un autocrate qui prospère sur la destruction de l’ancienne Yougoslavie. Et quoi que l’on puisse penser de l’ex-Yougoslavie, il est triste de voir le droit du travail, le système scolaire, les droits sociaux saccagés par de vulgaires carriéristes. (...)