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Observatoire des multinationales (ODM)
Les milliardaires de la tech et Trump : ce qu’ils ont obtenu
#USA #Trump #SiliconValley #multinationales
Article mis en ligne le 3 juillet 2025

Six mois après la réélection de Donald Trump, les grands pontes de la Silicon Valley peuvent déjà se féliciter d’avoir misé sur le candidat républicain. Deuxième volet de notre enquête.

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump s’est fait remarquer par les scandales et les oppositions qu’il a suscités, que ce soit pour sa politique anti-migrants, ses décisions sur la scène internationale ou ses attaques contre les institutions fédérales. Mais l’élite de la tech, qui a choisi de soutenir le candidat républicain (voir le premier volet de cette enquête), a obtenu des dérégulations massives, un coup d’accélérateur en matière de production d’énergie, des postes dans l’administration et des marchés publics. Un investissement payant, à peine entaché par les bisbilles personnelles entre Trump et Elon Musk.

L’IA et les cryptomonnaies en roue libre (...)

Les barons de la Silicon Valley craignaient-ils que l’expansion de l’IA et des cryptomonnaies soit entravée par les régulations ? Avec Trump, ils n’ont plus aucune inquiétude à se faire. Dès le 20 janvier, immédiatement après sa prestation de serment, le président nouvellement élu a révoqué le décret n°14110 signé en 2023 par Job Biden, qui visait à promouvoir un usage responsable et éthique de l’IA et à en minimiser les risques pour les consommateurs, les travailleurs et la sécurité nationale. Un recul pour la transparence ou la protection de la vie privée, mais un boulevard pour les capital-risqueurs de la tech. (...)

Ce boulevard, l’administration Trump veut désormais le protéger des velléités régulatrices au niveau des États. Une disposition de la « grande et belle loi » (One Big, Beautiful Bill) actuellement en négociation – qui contient aussi toute une série de mesures fiscales favorables aux grandes fortunes et des coupes drastiques dans l’assurance maladie – prévoit l’interdiction pour tous les États américains, et pour les dix prochaines années, d’adopter la moindre loi ou réglementation qui pourrait restreindre ou réguler les modèles et systèmes d’intelligence artificielle. Un moratoire qui pourrait bloquer les règles mises en place par certains États comme la Californie ou New York sur la transparence des données utilisées pour entraîner l’IA ou les biais algorithmiques.

Si les investisseurs de la tech peuvent se réjouir de cette dérégulation massive et des grâces accordées par Donald Trump à des acteurs des cryptomonnaies déjà condamnés, ces décisions soulèvent des questions sur les conflits d’intérêts du locataire de la Maison Blanche. En effet, selon le magazine Forbes, celui-ci a gagné 57,4 millions de dollars grâce à World Liberty Financial, société de cryptoactifs dont il est partiellement propriétaire. Trois jours avant son investiture, Donald Trump lançait d’ailleurs son propre jeton, le $Trump. D’autres membres de sa famille ont investi le secteur (...)

Énergies polluantes à volonté

« L’IA et l’énergie sont des sujets étroitement liés », expliquait Marc Andreessen en novembre 2024, dans un podcast consacré aux évolutions attendues par le secteur tech après l’élection de Donald Trump. La crainte des capital-risqueurs est de se heurter à un « goulot d’étranglement », c’est-à-dire de manquer d’énergie pour développer leurs produits, en particulier si les lois en faveur de l’environnement et du climat brident les capacités de production. L’entraînement d’un seul modèle d’IA peut consommer des milliers de mégawattheures d’électricité et émettre des centaines de tonnes de carbone. Les intérêts de l’industrie fossile rejoignent ici ceux de la tech. (...)

Toujours à la Maison Blanche, le « tsar » de l’IA et des cryptomonnaies de Donald Trump n’est autre que David Sacks, ancien de Paypal, et co-fondateur de Palantir (toujours avec Thiel), tandis que son conseiller pour l’IA est Sriram Krishnan, associé d’Andreessen et Horowitz. Le chef du bureau de la politique scientifique et technologique, Michael Kratsios, a travaillé auparavant pour des sociétés d’investissement de Peter Thiel (notamment Clarium Capital) (...)

La création du DOGE reflète l’alignement des leaders de la tech avec l’idéologie libertarienne et conservatrice d’une grande partie de l’entourage de Donald Trump. L’objectif est de tailler drastiquement dans l’administration fédérale, quitte à fermer des agences et licencier à tour de bras, pour faire baisser les dépenses publiques (corollaire de la baisse des impôts), mais également de supprimer des régulations et même... des mots, ceux qui se rapportent aux questions climatiques ou aux enjeux d’équité et d’égalité. De quoi satisfaire les aspirations réactionnaires des capital-risqueurs (voir le premier volet de cette enquête) mais aussi les ambitions du « Project 2025 » des think tanks conservateurs emmenés par la Heritage Foundation. Le départ de Musk ne devrait donc pas y changer grand chose.

Les agences fédérales dans le viseur (...)

Malgré le départ de Musk, le DOGE reste rempli d’anciens salariés de la tech qui pourront avoir envie de protéger leurs intérêts. Gavin Kliger, un ingénieur de l’entreprise d’IA Databricks, soutenue par Andreesen et Horowitz, a ainsi travaillé aux licenciements au CFPB, le Bureau de protection financière des consommateurs, alors qu’il détiendrait pour 750 000 dollars d’actions dans des sociétés soumises à la supervision de cette agence, comme Tesla, Apple ou Alibaba. Est-ce aussi un hasard si les licenciements dans les services fiscaux (IRS) ont impacté de manière disproportionnée l’unité chargée de contrôler les milliardaires ? (...)

Toujours plus d’argent public pour la tech

Si les leaders de la tech critiquent le poids de l’administration fédérale, ils n’ont rien contre les contrats publics. À commencer par Elon Musk, dont le Washington Post estime qu’il aurait reçu plus de 38 milliards de dollars en 20 ans sous forme d’aides, de financements et de commandes publiques pour ses entreprises Tesla et SpaceX. En 2024, Palantir a tiré 1,2 milliard de revenus de contrats gouvernementaux. (...)

Les droits de douane, un simple instrument de pression ? C’est en tout cas l’opinion de Peter Thiel, interrogé à ce sujet par Joe Lonsdale, un autre des « tech bros ». S’il pense que la dérégulation, notamment environnementale, peut ramener quelques industries aux États-Unis, la priorité pour lui est surtout d’en retirer à la Chine et de s’installer dans des pays qui ne chercheront pas à faire concurrence aux intérêts américains. (...)

L’Union européenne et ses volontés de régulation du secteur (Digital Services Act, Digital Markets Act et IA Act) est la prochaine dans le viseur. L’avenir de ces lois protégeant le consommateur européen dépendra de la capacité de l’UE à rester soudée dans les négociations. Une unité à laquelle s’attaquent, sans surprise, les mouvements d’extrême droite proches du trumpisme sur le vieux continent (lire MCC Brussels, ou comment l’extrême droite pro-Orbán et pro-Trump s’organise pour affaiblir l’Europe de l’intérieur).