Le militant écologiste Amine Kessaci publie, mercredi, une tribune dans le journal Le Monde six jours après l’assassinat de son frère Mehdi à Marseille. "Je ne me tairai pas" face au narcotrafic, affirme-t-il, implorant l’État de "prendre la mesure de ce qu’il se passe" et "d’agir" contre les trafiquants mais aussi en investissant dans les quartiers populaires.
"Non, je ne me tairai pas." Au lendemain des obsèques de son frère Mehdi à Marseille, Amine Kessaci a appelé, mercredi 19 novembre, à ce que "la révolte face au narcotrafic soit durable" avant une marche blanche prévue samedi pour dire "stop".
"On ne peut pas tuer tout un peuple", a clamé le militant écologiste des quartiers Nord de Marseille dans une tribune au journal Le Monde, réaffirmant sa volonté de ne pas se taire.
Amine Kessaci, 22 ans, ne s’était pas exprimé depuis le meurtre de son petit frère de 20 ans, abattu par deux hommes à moto sur un parking en plein jour jeudi, à quelques mètres de l’Hôtel du département des Bouches-du-Rhône.
"Hier, j’ai enterré mon frère", commence le jeune militant de 22 ans dans son texte. "Mon cœur n’est que blessure. La douleur m’éparpille. Mais elle n’effrite pas ma lucidité." (...)
Une "marche blanche silencieuse"
Lors des obsèques du jeune Mehdi, encadrées par un important dispositif policier, Amine Kessaci, menacé depuis des mois, portait un gilet pare-balles, a indiqué une source policière.
"Voici ce que font les trafiquants : ils tentent d’annihiler toute résistance, de briser toute volonté, de tuer dans l’œuf tout embryon de révolte pour étendre leur pouvoir sur nos vies", dénonce Amine Kessaci.
L’association qu’il a fondée, Conscience, pour venir en aide aux familles de victimes de narchomicides, a appelé à les rejoindre pour "une marche blanche silencieuse" samedi à 15 h pour soutenir la famille. (...)
"Je serais fier que les Marseillais descendent dans la rue, disent non au narcotrafic", a déclaré le maire divers gauche de Marseille, Benoît Payan, à La Provence. La présidente divers droite de la métropole Aix-Marseille a indiqué qu’elle serait présente au rassemblement et a salué le "courage" d’Amine Kessaci.
Près d’une semaine après l’assassinat de Mehdi Kessaci, la lutte contre le narcotrafic, et ses manquements, domine le débat public. (...)
Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, et son homologue de la Justice, Gérald Darmanin, se rendront, jeudi, à Marseille, sur demande du chef de l’État. Emmanuel Macron avait appelé mardi à "amplifier" la lutte contre le narcotrafic en adoptant la même approche que pour "le terrorisme", à l’issue d’une réunion d’urgence à l’Élysée sur le sujet. (...)
Amine Kessaci a été obligé par la police à quitter Marseille en août, raconte-t-il encore dans Le Monde, tout en regrettant que la protection policière qui lui a été accordée n’ait pas été étendue à ses proches. "Pourtant, qui ignorait que ma famille avait déjà payé un tribut de sang ? Comment ne pas savoir que ma famille pouvait être touchée ?", s’interroge-t-il.
"L’État doit répondre"
Une allusion directe à l’assassinat de son frère Brahim en 2020, alors âgé de 22 ans, dans un règlement de comptes lié au trafic de drogue. Son frère Mehdi, qui voulait devenir policier, était totalement étranger aux trafics.
"Je pense que la doctrine d’emploi des forces de l’ordre depuis un an n’a pas été la bonne. Je pense qu’il y a eu un relâchement sur la question du narcotrafic", a de son côté dénoncé Benoît Payan, interrogé mercredi matin sur RTL.
L’élu divers gauche a notamment regretté la suppression du préfet de police dans sa ville où il a dit observer "une forme de reprise, des coups de pression, des tirs... depuis six semaines, je sens que les choses ne vont pas". (...)
Comme Amine Kessaci, Benoit Payan a estimé que les narcotrafiquants "cherchent à nous faire taire". "C’est un défi à l’État et l’État doit répondre [...] quand on prend un coup de la mafia, on doit en rendre dix", a-t-il martelé.
Mardi, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a assuré "la solidarité de l’ensemble de la Nation" avec la famille Kessaci.
Après la mort de son frère Brahim, Amine Kessaci a fait de la lutte contre le narcotrafic dans les cités son combat, avant de rejoindre les Écologistes.
Il s’était présenté aux élections européennes sur la liste de Marie Toussaint pour porter la voix de la jeunesse et des quartiers populaires, sans être élu, avant de perdre de peu aux législatives quelques semaines plus tard, face au Rassemblement national (RN).