
Il y a huit mois, le 8 décembre 2024, une coalition de rebelles syriens prenait le pouvoir à Damas, mettant fin à un demi-siècle de règne de la famille Assad. Ravagée par onze ans de guerre, la Syrie d’aujourd’hui affronte d’immenses défis. Une grande partie de sa population vit en exil, notamment en Turquie, qui a accueilli jusqu’à quatre millions de réfugiés. Depuis l’instauration d’un nouveau régime à Damas, une petite partie d’entre eux a fait le choix de rentrer en Syrie. Mais la très grande majorité continue de vivre en Turquie, tiraillée entre le désir de retrouver leur pays et les doutes sur son avenir.
(...) "Jamais, je n’aurais imaginé qu’il serait si difficile de prendre la décision de rentrer en Syrie. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes. La Syrie n’est pas un lieu sûr. Israël a bombardé Damas, il y a eu les violences à Soueïda. Quand on voit ça, comment rentrer ? Comment rentrer avec des enfants ? La plupart des Syriens en exil pensent comme moi. Avec un groupe d’amis, on s’était dit qu’on rentrerait cet été, pendant les vacances scolaires. Finalement, personne n’est parti, à part un seul de mes amis. Il m’a appelé d’Alep l’autre jour. Il m’a dit : ’Hibe, ne viens pas, surtout pas’", confie-t-elle. (...)
Selon les autorités turques, environ 300 000 Syriens sont rentrés de leur plein gré depuis la chute du régime de Bachar el-Assad, contre 2,7 millions qui vivent toujours dans le pays. 300 000, c’est relativement peu, mais cela ne surprend pas Burçak Sel, cofondatrice de Dünya Evimiz, une association d’aide aux réfugiés à Ankara. "Même si la Syrie a un dirigeant et un pouvoir qui la représentent, il y a aussi un grand vide d’autorité. Le pays n’est pas sous contrôle. Les besoins élémentaires en eau, électricité, logement ne sont pas garantis. Il faudra des années pour réparer et retrouver la stabilité. Les Syriens le savent, c’est pour ça qu’ils restent en Turquie alors même que leurs conditions de vie, à cause de l’inflation et du racisme, y sont de plus en plus difficiles". Burçak Sel estime qu’Ankara devra trouver un nouveau statut pour les Syriens qui restent, la loi actuelle ne leur accordant qu’une "protection temporaire". C’est notamment le cas de 1,3 million d’enfants, dont l’immense majorité est née en Turquie et n’a jamais vu la Syrie.