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l’Humanité
Srebrenica, 11 juillet 1995 : un massacre de plus de 8 000 hommes perpétré sous les yeux du monde
#Srebrenica #genocide
Article mis en ligne le 11 juillet 2025
dernière modification le 10 juillet 2025

Cela ne s’était pas produit sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale, plus précisément depuis la « Shoah par balles », les massacres perpétrés par les nazis en Ukraine. Dans les quelques jours qui suivirent la chute de l’enclave bosniaque de Srebrenica le 11 juillet 1995, près de 8 000 hommes furent exécutés et leurs corps jetés dans des fosses communes. (...)

Durant un an, d’intenses combats opposent les défenseurs de la ville, mal armés, aux unités serbes du général Mladic, chef militaire des Serbes de Bosnie. En mars 1993, alors que la ville est sur le point de tomber, le général français Philippe Morillon, « pris en otage » par les femmes de Srebrenica, en fait une « zone de sécurité » des Nations unies.

Les défenseurs de la ville renoncent à une part de leurs faibles stocks d’armes en échange d’un renforcement de la présence des casques bleus de la Forpronu (force de protection des Nations unies). Pourtant, le 7 juillet 1995, le bataillon néerlandais déployé à Srebrenica est surpris par une attaque serbe massive : il n’a pas les moyens de s’y opposer et ne reçoit aucune consigne de la part du commandant en chef de la Forpronu, un autre Français, le général Janvier.

Premier cas de génocide documenté en temps réel

La ville est investie le 11 juillet. La veille, une colonne de plusieurs milliers de personnes, majoritairement des hommes, était partie vers les lignes bosniaques distantes d’une soixantaine de kilomètres. Beaucoup sont tombés dans des combats et des embuscades : ce sont leurs corps que l’on a retrouvés dans les charniers éparpillés dans les montagnes.

Au moins 30 000 personnes s’étaient dirigées vers le faubourg de Potocari, où les casques bleus avaient établi leur QG dans une immense ancienne usine de batteries. C’est là que le général Mladic en personne vient, devant les caméras de télévision, superviser le « tri » : femmes, enfants et hommes âgés de plus de 60 ans sont acheminés vers les lignes bosniennes par une noria d’autocars qui avaient été mobilisés pour l’occasion, tandis que les hommes âgés de 18 à 60 ans sont fusillés. Les lieux des exécutions commises entre le 11 et le 22 juillet ont été documentés en temps réel par les images satellitaires, faisant de Srebrenica le premier cas de génocide commis sous les yeux du monde entier. (...)

Querelle des mémoires

Depuis 2000, des réfugiés sont timidement revenus vivre à Srebrenica – qui présente aujourd’hui le paradoxe d’être l’une des communes les plus multiethniques de Bosnie-Herzégovine, avec quelque 5 000 habitants, pour moitié bosniaques et pour moitié serbes.

L’immense mémorial de Potocari, où sont ensevelies chaque 11 juillet les nouvelles victimes identifiées, est un lieu central dans la construction de la mémoire de la guerre, même si le qualificatif de « génocide » est toujours contesté par les nationalistes serbes, qui veulent « relativiser » les 8 372 victimes reconnues à Srebrenica par les 3 267 victimes serbes tuées dans la région durant la guerre.

Entretenue par les politiciens, la querelle des mémoires n’en finit pas de déchirer la Bosnie-Herzégovine. Pourtant, le massacre de Srebrenica est le seul épisode de l’ensemble des guerres yougoslaves à avoir été reconnu de nature génocidaire par la justice internationale – par un arrêt de février 2007 de la Cour internationale de justice (CIJ), statuant sur la plainte Bosnie-Herzégovine vs. Serbie, et par plusieurs verdicts du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), notamment ceux prononcés contre Radovan Karadzic, président de la Serbie, et Ratko Mladic. Et, même s’il s’agit d’un génocide « particulier », qu’il serait vain de vouloir « comparer » aux crimes nazis, l’essentiel est de reconnaître son exceptionnalité dans l’ensemble des guerres yougoslaves.