
Christophe Tardieux, alias Remedium, avait raconté l’histoire dans une bande dessinée de cette directrice d’école dans le Cantal, victime d’insultes et de menaces homophobes. Elle s’est suicidée lundi, le jour de la rentrée.
(...) L’enseignante a été retrouvée morte lundi matin à Anglards-de-Salers, près de son domicile.
Une "absence de soutien de l’Éducation nationale"
L’institutrice avait contacté en janvier 2025 Christophe Tardieux, alias Remedium, auteur de la BD Cas d’école (éditions des Équateurs), et lui avait confié se sentir très seule face à ces menaces, déplorant "l’absence de soutien de sa hiérarchie". "Elle sentait que son histoire était un peu mise sous le tapis, elle avait l’impression que l’Éducation nationale l’avait oubliée et l’enquête sur le corbeau n’avançait pas, raconte Christophe Tardieux. Elle était touchée par les insultes. Mais au-delà de ça, ce qui l’a le plus marquée, c’était l’absence de soutien de l’Éducation nationale." (...)
Caroline Grandjean avait également très mal vécu la proposition de mutation pour la rentrée de septembre 2024, qu’elle avait déclinée, car "elle était victime et ne voulait pas être déplacée, ce n’était pas à elle de partir", dit Christophe Tardieux. Le rectorat de Clermont-Ferrand avait fait valoir qu’il s’agissait d’une "mesure de protection" et non d’une "punition".
"Elle a été plus que lâchée, elle a été pointée du doigt" par l’Éducation nationale, dénonce l’enseignant. "Ça l’a énormément blessée" et "fortement affectée". Elle espérait que la publication de la bande dessinée pourrait relancer l’enquête mais "la seule réaction de l’Éducation nationale a été de porter plainte contre la bande dessinée", affirme-t-il.
L’enseignant dénonce plus largement "des violences systémiques dans l’Éducation nationale, une gestion toxique des personnels qui conduit les personnes les plus fragiles à ce genre d’extrémité, une mécanique qui se répète systématiquement lorsqu’il y a des problématiques de ce genre" et "une rhétorique déployée par les communicants de l’Éducation nationale mais au final, rien n’est jamais fait".
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Une enquête "en recherche des causes de la mort" a été ouverte "afin de recueillir tous les témoignages et permettre à la famille d’apporter tous les éléments, même si l’acte ne pose pas de question particulière". Interrogée par l’AFP, l’Éducation nationale s’est dite "profondément touchée par le décès tragique" de la professeure et a annoncé l’activation mardi d’"une cellule d’écoute" dans la circonscription de son école.
Une enquête classée sans suite
Durant l’année scolaire 2023-2024, cette directrice avait retrouvé des tags et une lettre anonyme avec menaces de mort concernant son orientation sexuelle. Elle avait été alors arrêtée temporairement par son médecin avant de reprendre son activité. Depuis fin avril, elle était de nouveau en arrêt de travail, a indiqué le rectorat de Clermont-Ferrand.
Une enquête avait alors été ouverte par le parquet mais celle-ci "n’avait pas permis d’identifier les auteurs" et avait été classée en mars 2025 "en l’absence de nouveaux faits", a précisé Sandrine Delorme, procureure de la République d’Aurillac.
L’académie suivait "de près" la situation de la professeure, "préparant son retour en tenant compte de ses souhaits", a ajouté le rectorat dans un communiqué. L’institution lui avait en effet proposé une mutation, qu’elle avait refusée.
L’Éducation nationale "n’a pas réussi à protéger son personnel"
Le syndicat des directrices et directeurs d’école dénonce un manque de soutien à l’époque de la part de sa hiérarchie. "Caro, directrice d’école a décidé de mettre fin à ses jours ce lundi, jour de rentrée. Broyée par l’institution, par son village, par ses parents d’élèves, elle avait écrit sur un groupe de directeurs : "Lundi... sera bien plus difficile pour moi que pour vous". Nous sommes dévastés.", écrit mardi sur X le Syndicat des directrices et directeurs d’école. (...)
"Quand vous êtes directrice d’école et qu’on vous demande de quitter votre école parce que des tags homophobes sont inscrits sur les murs de l’établissement, vous avez le sentiment d’une injustice !, dénonce Thierry Pajot, secrétaire général du syndicat au micro de franceinfo. L’un des derniers messages de Caroline, c’était ’Justice, justice, justice, justice !", qu’elle avait écrit en capitales...", confie-t-il à franceinfo.
"L’enquête judiciaire devra conduire à punir ceux à l’origine des actes discriminatoires qui ont conduit notre collègue à mettre fin à ses jours", a réagi dans un communiqué le syndicat Unsa. "L’enquête interne devra, elle, conduire à comprendre pourquoi l’employeur, informé de la situation, n’a pas réussi à protéger son personnel", a ajouté l’Unsa. Sur Instagram, Julia Torlet, la porte-parole de SOS Homophobie, affirme que "l’Education nationale a du sang sur les mains" et que la "lesbophobie tue".
Le ministère de l’Éducation nationale a finalement annoncé le lancement d’une enquête administrative, ce que réclamaient les syndicats d’enseignants. L’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche va la mener pour faire la lumière sur ce drame, précise l’équipe d’Elisabeth Borne.