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AfriqueXXI
Togo. Derrière la répression, un clan de plus en plus divisé
#Togo #prisons #Lomé repression
Article mis en ligne le 11 juillet 2025

(...) Un garçon de 12 ans retrouvé dans une lagune avec des « blessures sur son corps liées à des bastonnades », selon la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH), des tirs de lacrymogènes et l’utilisation de balles réelles, des citoyens battus et pourchassés jusque dans leurs maisons... Les Togolais sont encore sous le choc à la suite de la répression des manifestations des 26, 27 et 28 juin à Lomé, la capitale du pays. Des vidéos, comme celle qui montre des forces de l’ordre tabassant un homme et le laissant pour mort, ont fait le tour des réseaux sociaux.

Selon un bilan provisoire de la société civile, les manifestations ont fait au moins sept morts, dont des mineurs, des dizaines de blessés et d’arrestations, et trente et une personnes ont été placées sous mandat de dépôt. Le 4 juillet, dix-huit ont finalement été condamnées à douze mois de prison, dont onze avec sursis, lors d’un procès expéditif. Amnesty International dénonce même la présence de « miliciens » avec un « recours inutile et excessif de la force et de la violence ».

De son côté, dans un communiqué du 30 juin, l’exécutif togolais parle de « fausses informations », d’une « campagne de désinformation et d’incitation à la haine, à la violence, à l’incivisme et à la désobéissance civile » sur les réseaux sociaux et certains médias. France 24 et RFI sont suspendus depuis mi-juin. Les autorités louent le « professionnalisme » des forces de sécurité et mentionnent des morts par « noyade ». Le 6 juillet, la justice togolaise a annoncé une enquête après le décès de cinq personnes repêchées dans des cours d’eau.

Vingt ans de contestations réprimées (...)

L’histoire semble donc se répéter. Avec quelques nouveautés cependant. D’abord, les manifestants sont de plus en plus jeunes. Ensuite, et surtout, des dissensions internes parmi les proches du pouvoir apparaissent plus clairement. (...)

Les récentes protestations ont éclaté après l’arrestation le 26 mai dernier du rappeur Aamron. Artiste populaire au Togo, il avait, durant plusieurs semaines, vivement critiqué Faure Gnassingbé sur les réseaux sociaux. Amené dans un asile psychiatrique, à Zébé, il en est ressorti le 21 juin à la suite de la pression populaire lors de manifestations spontanées les 5 et 6 juin, le tout amplifié par des activistes de la diaspora sur les réseaux sociaux.

« Juste après son enlèvement, on l’a conduit au SCRIC [Service central de recherches et d’investigations criminelles], où il a été soumis à la torture physique et morale », détaille à Afrique XXI Célestin Agbogan, son avocat et président de la Ligue togolaise des droits de l’homme. « De là, on l’a conduit à un autre endroit après lui avoir bandé les yeux. Ses détracteurs lui ont rasé barbe et cheveux, avant de le conduire directement à l’hôpital psychiatrique, où il a même reçu plusieurs injections, sous prétexte de lui prodiguer des soins », poursuit-il. « On ne sait toujours pas de quelles injections il s’agit et, aujourd’hui, il reste affaibli, il a du mal à marcher… Il suit des séances de kinésithérapie », confie le frère du rappeur, Lao-Dja Songdou Tchala. (...)

« Il avait été informé de son arrestation la veille, ainsi que du plan consistant à le faire passer pour un fou. Il pensait même se faire tuer. Entre Kabyès, quand on conteste, la répression est plus dure », partage encore son frère.

Le rappeur a été enlevé à son domicile, sans mandat d’arrêt, par des dizaines de personnes en tenue militaire et cagoulées et une poignée d’hommes de la région de la Kara, région des Kabyès (parmi eux, des militaires ou ex-militaires gradés et d’ex-agents publics), selon Lao-Dja Tchala. Le jeune artiste a été perçu comme un porte-parole par une partie de la jeunesse togolaise, et son enlèvement a été vivement critiqué, jusque dans la communauté kabyè. (...)

De plus, en 2024, le pouvoir a changé la Constitution, passant d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Le 3 mai, le président de la République, Faure Gnassingbé, est devenu officiellement président du Conseil, sans limite de mandats et choisi par un Parlement majoritairement acquis à sa cause. « Le verre était plein », explique Kodjo, un conducteur de taxi-moto dans la capitale. « En plus, peu de Togolais mangent deux repas par jour, la colère commençait doucement à gronder, surtout sur la Toile », conclut-il.

Même au sein de l’Union pour la République (Unir, le parti présidentiel), certains aspects du changement de régime ont eu du mal à passer. (...)

« Il est temps que la volonté du peuple soit respectée » (...)

Mais tel un sphinx, Faure Gnassingbé a toujours su renaître de ses cendres après chaque poussée de fièvre politique. Soutenu par les forces de l’ordre qui lui ont de nouveau fait allégeance le 3 mai au terme de sa prestation de serment comme président du Conseil, il s’appuie aussi sur des divisions entre opposants ou membres de la société civile. Tandis qu’il reste bien souvent épargné par les condamnations à l’international, en premier lieu de la France, qui a toujours soutenu la famille Gnassingbé.