
La contestée loi Duplomb a été censurée en partie par le Conseil constitutionnel, le 7 août. Une première petite victoire pour ses opposants, réunis à Paris. « Le rapport de force fonctionne. »
17 h 30, jeudi 7 août. Place André-Malraux. La décision du Conseil constitutionnel sur la loi Duplomb est prévue pour 18 heures. Au milieu de trois estafettes de CRS, de touristes au cornet de glace dégoulinant et d’une circulation intense, une poignée de citoyens et de militants est venue l’attendre ensemble, non loin de la pyramide du Louvre.
Drapeaux jaunes de la Confédération paysanne, pancartes des militantes de la Compassion in World Farming (CIWF) et banderoles en tissu de Cancer Colère, l’association menée « chimio battante » par Fleur Breteau. Tous sont venus rappeler que cette loi facilitant notamment l’utilisation de pesticides dangereux, dont l’acétamipride, doit voler en éclats.
« La mobilisation a un but très précis, occuper l’espace médiatique en plein été, relancer la pétition [qui a dépassé les 2 millions de signatures] et maintenir la pression », selon Félix de Monts, à l’origine du rassemblement de dernière minute. Cet entrepreneur social a eu le nez creux : il y a autant de journalistes que de militants ! (...)
Les neuf membres du Conseil ont épouillé un texte dans ses moindres recoins juridiques, mais son « intention principale reste de libérer l’agrobusiness et nous n’en voulons pas ». Pendant que la société civile montre la Lune, les Sages regardent le doigt, celui de la loi.
18 heures. L’annonce est repoussée à 19 heures. (...)
« C’est une censure du texte qui nous réjouit mais, pour nous, ça reste une victoire en demi-teinte. Cette loi pousse toujours l’avènement d’une agriculture de firmes », assure Thomas Gibert, maraîcher. Vite rejoint par son confrère producteur de lait en Ille-et-Vilaine et porte-parole, Stéphane Gallais : « On sait bien que l’ADN de la loi est inchangé. Le sénateur Duplomb a une obsession : diriger la ferme France comme la sienne, forte de 300 bêtes. Faire un truc taillé pour la compétition, qui tire qualité et prix vers le bas. » (...)
19 heures. Partagée entre le plaisir de la petite victoire et la distance qu’il reste à parcourir, la porte-parole de Cancer Colère, Fleur Breteau, enchaîne les interviews. Elle fait face à la caméra de « C dans l’air » ou affine son propos devant les micros de France Inter et l’AFP. À chaque fois, elle se racle la gorge et se concentre les yeux au sol. Puis regarde droit dans les yeux.
« Cette décision nous apprend une chose, c’est que le rapport de force fonctionne. Et comme il reste 288 molécules nocives pour la santé et l’environnement utilisées en agriculture, on ne va pas s’arrêter là. Ce que nous voulons, c’est un moratoire sur les pesticides. » (...)
« Oui, on continue, renchérit Thomas Gibert. À ce jour, cette loi ne répond en rien aux revendications de la colère agricole, c’est-à-dire vivre de notre métier. On veut monter des exploitations de 500 à 1 000 hectares avec le financement de firmes agro-industrielles. Ce n’est pas la sécurité alimentaire. »
19 h 30. Dispersion et satisfaction de la mini-manif’ accomplie. Le collectif va dîner pour préparer sa conférence de presse pour le lendemain. C’est un combat de longue haleine. Cette petite victoire a quand même le goût d’un grand nectar.