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Mediapart
En Ukraine, la lutte pour l’initiative stratégique est permanente
#guerreenukraine
Article mis en ligne le 4 juin 2023

L’été arrive. L’offensive d’hiver russe n’a manifestement pas atteint ses objectifs territoriaux, et c’est maintenant au tour des Ukrainiens de pouvoir mener les opérations. Kyiv a repris l’initiative stratégique, l’occasion de revenir sur une des clés de compréhension de ce conflit.

Un commandant doit « décider comment il utilisera les moyens militaires à sa disposition pour forcer la bataille à tourner dans le sens qu’il souhaite qu’elle aille ; il doit faire danser l’ennemi sur sa musique dès le début, et jamais l’inverse. Pour être en mesure de le faire, ses propres dispositions doivent être si équilibrées qu’il peut agir sans avoir besoin de réagir au mouvement de l’ennemi, peut continuer sans relâche à dérouler son propre plan », écrivait le maréchal Montgomery, rappelant ainsi l’importance décisive dans une guerre d’avoir l’initiative.

L’initiative est l’aptitude d’un camp à imposer à son ennemi les opérations, le forcer à subir les combats aux endroits, aux moments et selon le déroulement qui sont les plus favorables à celui qui la détient.

Depuis le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine, l’affrontement titanesque que se livrent les stratèges de Moscou et Kyiv peut être éclairé par cette lutte acharnée et sanglante pour l’initiative stratégique.

2022 : la lente conquête de l’initiative par les Ukrainiens

Lorsque Poutine décide d’envahir l’Ukraine, il compte non seulement sur l’effet de surprise mais aussi sur la passivité des Ukrainiens et la pusillanimité de leurs soutiens occidentaux pour avoir l’initiative des opérations, qu’il espère brèves et victorieuses, de leur déclenchement jusqu’à leur fin. C’est ce que l’on peut déduire de la manière dont le plan d’invasion a été conçu puis exécuté, même s’il existe encore un flou sur ses buts exacts de guerre.

Le fait que Poutine soit à l’origine du déclenchement de cette nouvelle phase active d’un conflit assure à la Russie l’initiative, les forces des zones envahies étant dépassées et ne pouvant que subir les attaques.

C’est ce qui se passe dans les premiers jours de l’invasion déclenchée le 24 février 2022. Les colonnes mécanisées russes progressent rapidement et se saisissent de points stratégiques : pont sur le Dnipro à Kherson et Nova Kakhovka, pont vers Kyiv à Ivankiv, axes stratégiques permettant de s’enfoncer dans le pays à Soumy, Kharkiv, Melitopol et dans l’extrême est du pays.

Mais rapidement, les choses ne se déroulent pas comme prévu. L’armée ukrainienne ne se délite pas et, au contraire, ce sont les unités de Poutine qui se retrouvent progressivement coincées dans une situation stratégiquement intenable : écartelées entre des directions éloignées les unes des autres, et subissant un harcèlement permanent et meurtrier.

À la fin du mois de mars, l’état-major russe ordonne le retrait d’une large portion du territoire durement conquis : tout le saillant d’Irpin, ainsi que tout le Nord-Est, du réservoir de Kyiv jusqu’à l’ouest de Kharkiv, dont Tchernihiv et Soumy.

Pourquoi ce retrait ? Pour éviter de perdre l’initiative justement. (...)