
Donald Trump s’en est pris à Barack Obama, au fils de Joe Biden, a fait publier une partie de l’enquête de 2016 du FBI sur Hillary Clinton et a rendu public des documents relatifs à l’assassinat en 1968 de Martin Luther King. Mais rien, pour l’instant, ne parvient à détourner l’attention des complotistes pro-Trump du scandale pédo-criminel Epstein.
(...) La mise en scène, dopée à l’IA, de l’ex-président démocrate menotté et à genoux s’inscrit dans un déluge de provocations et de vrais-faux "scoops" que Donald Trump et son entourage multiplient ces derniers jours pour détourner l’attention de l’affaire Epstein, homme d’affaires retrouvé mort dans sa cellule en 2019.
Même Barack Obama ne suffit pas
"Cela ressemble un peu à l’énergie du désespoir car rien ne semble suffire pour tourner cette page", souligne René Lindstaedt, spécialiste de politique américaine à l’université de Birmingham. Donald Trump a pourtant fait feu de tout bois conspirationniste. Malgré tout, une partie de la base électorale du président fulmine depuis environ deux semaines contre la décision de la Maison Blanche de ne pas rendre publique ce que ces complotistes considèrent comme la preuve que Jeffrey Epstein, le plus célèbre des criminels sexuels américains, appartenait à un réseau pédocriminel impliquant le gratin du Parti démocrate.
La nouvelle vidéo "made in IA" postée sur Truth Social fait écho à une initiative de Tulsi Gabbard, directrice du Renseignement national, qui a divulgué, le 18 juillet, des documents prouvant, selon elle, l’existence d’un "complot" orchestré par Barack Obama pour accréditer l’idée d’une ingérence russe en faveur de Donald Trump lors de la présidentielle de 2016.
Ces "révélations" ont été largement relayées par les médias proches de Donald Trump comme Fox News qui a évoqué un "scoop explosif". Elles n’ont toutefois pas suffi à calmer la base complotiste de Donald Trump qui réclame, à cor et à cri, la prétendue "liste Epstein" (des clients du défunt criminel sexuel). (...)
Donald Trump a d’autres cartouches. Il s’est lançé, lundi 21 juillet, dans une avalanche de messages sur Truth Social pour tenter de trouver la formule magique. Il a livré en pâture Adam Schiff à ses troupes, qu’il a accusé de corruption, avant de s’attaquer à Hunter Biden, le fils de l’ex-président, décrit comme l’incarnation de tous les vices. Donald Trump a aussi exhorté deux clubs professionnels américains à reprendre leurs anciens noms, à connotation raciste.
Déclassifications et polémiques en série pour détourner l’attention
Mais le président américain n’est pas le seul à s’être activé pour tourner la page Epstein. Pam Bondi, la ministre américaine de la Justice, a annoncé, lundi, la mise en ligne de documents relatifs à l’enquête du FBI… concernant la candidate démocrate Hillary Clinton en 2016.
Tulsi Gabbard, encore elle, est allée piocher dans la besace à documents à déclassifier une partie de ceux concernant l’assassinat en 1968 de Martin Luther King, le célèbre militant de la cause des droits civils.
Un feu nourri censé, d’après les médias américains, donner l’impression d’une administration Trump soucieuse de transparence. C’est-à-dire précisément ce que les complotistes de la magasphère revendiquent dans le cas du dossier Epstein. (...)
Face à ces déclassifications, polémiques et "révélations" en série, les démocrates et autres détracteurs de Donald Trump ont répondu invariablement la même chose : "diversion". "Soyons clair : la publication des documents sur l’assassinat de Martin Luther King n’a rien à voir avec la justice ou la transparence, mais tout avec le souci de détourner l’attention du public", a affirmé le révérend Al Sharpton, l’un des principaux leaders du mouvement des droits civiques aux États-Unis, interrogé par la chaîne NBC News.
L’une des grandes forces de Donald Trump "est d’être capable, avec une incroyable facilité, de faire oublier toute mauvaise presse en créant des contre-feu. C’est l’une des premières fois qu’il semble ne pas y parvenir", souligne René Lindstaedt.
Si le président semble incapable de trouver la parade adéquate, "c’est en partie parce qu’il ne ressort que des vieilles histoires qui ne pèsent pas lourd face à la théorie du complot autour de Jeffrey Epstein", affirme Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine et auteur de l’ouvrage "Les mots de Trump". (...)
Un contre-feu semble toutefois avoir eu un certain effet, d’après le New York Times : l’attaque contre les médias "traditionnels". Après la publication par le Wall Street Journal d’un article affirmant que Donald Trump avait envoyé en 2003 à Jeffrey Epstein une lettre d’anniversaire évoquant des "secrets" partagés, Donald Trump a affirmé qu’il allait poursuivre en justice le journal et son puissant patron Rupert Murdoch. De quoi "raviver la défiance profonde de l’électorat de Donald Trump pour ces médias ’traditionnels’, le dédain qu’ils éprouvent à l’égard de Donald Trump et leur conviction que le président était injustement persécuté", écrit le New York Times. (...)
Mais c’est "un jeu dangereux. Car vu les relations conflictuelles entre Donald Trump et la presse, il y a fort à parier que le Wall Street Journal n’a pas publié son article sans être sûr de son coup. Est-ce que Donald Trump est prêt à aller au bout de ce bras de fer ?", note René Lindstaedt.
Cela permet cependant "au président de gagner un peu de temps", estime Jerôme Viala-Gaudefroy. En espérant qu’un autre allié vienne à sa rescousse : l’été. "Les semaines qui vont venir vont être décisives. Si l’affaire ne se tasse pas à la faveur de la pause estivale, Donald Trump risque de vouloir passer à la vitesse supérieure", estime René Lindstaedt.
Le président peut espérer parvenir à calmer les ardeurs car il a réussi à faire rentrer dans le rang une partie des voix influentes qui, encore récemment, appelaient à la publication du dossier Epstein. (...)
"Pour l’instant, Donald Trump n’a pas encore déclenché de quoi créer une distraction majeure. Mais s’il se sent réellement acculé, il peut être très dangereux", conclut René Lindstaedt. Pour cet expert, il n’est pas impensable que le président américain soit prêt à déclencher une crise internationale afin d’en finir avec le dossier Epstein.