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Mediapart
Budget de la Sécu : voté par les Sénateurs, le texte repart à l’Assemblée
#AssembleeNationale #Senat #budget #SecuriteSociale
Article mis en ligne le 27 novembre 2025

Suspension de la réforme des retraites, hausse de la CSG, augmentation des pensions : le Sénat a supprimé de nombreuses mesures adoptées par les députés. Mais il a aussi dénoncé l’objectif de dépenses de l’assurance-maladie, qui exige 7 milliards d’économies, le jugeant intenable.

Dans un climat tendu, l’Assemblée avait échoué à achever l’examen du projet de budget de la Sécurité sociale, transmis en l’état des discussions au Sénat. Le Sénat y est parvenu, mercredi soir 26 novembre, et a voté largement un texte, par 196 voix pour et 119 contre.

Mais la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie dans la foulée n’a pas pu trouver un accord entre les parlementaires des chambres haute et basse. C’était « très improbable », selon le sénateur socialiste Bernard Jomier qui y participait. Il n’existait même « aucun monde » où cet accord était possible, pour le député La France insoumise (LFI) Hadrien Clouet. Le texte du Sénat repart donc à l’Assemblée pour une seconde lecture, dès samedi. (...)

En allant jusqu’au bout du texte, les sénateurs et les sénatrices ont pu se pencher sur l’article 49, qui détaille l’objectif de dépenses de l’assurance-maladie (Ondam) pour 2026. Et de manière inattendue, ils ont supprimé cet article, pourtant indispensable. « La projection présentée par le gouvernement apparaît intenable, incohérente et globalement insincère », a tancé la rapporteuse LR Corinne Imbert.

L’Ondam est pourtant en hausse de + 1,6 %, mais très en deçà de l’évolution spontanée des dépenses « estimée à 3,4 % par le gouvernement », a rappelé la sénatrice. Tenir cet objectif impliquerait de faire 7 milliards d’économies sur la santé. Ce qui ne pourrait qu’augmenter la dette des établissements de santé, déjà colossale. C’est l’un des seuls sujets où la gauche est venue ajouter ses voix à la droite.
Retraites et prestations sociales gelées

Sur le reste, tout les oppose ou presque, en commençant par la suspension de la réforme des retraites, supprimée par 190 voix pour et 108 voix contre. Emmanuel Capus (Les Indépendants) a fustigé « la pire décision politique des dernières décennies ». Pour Bruno Retailleau (LR), c’est un « tribut payé par le gouvernement à la gauche pour durer ».

« Vous volez des années de vie à 3,5 millions de Français », a dénoncé le socialiste Patrick Kanner. Plus largement, il a dénoncé des « choix idéologiques » contre « la France des salariés, des retraités, des chômeurs et des malades que [les sénateurs de droite ont] décidé de matraquer ». (...)

Les sénateurs ont également réintroduit le gel l’an prochain des pensions de retraite, et de toutes les prestations sociales, du RSA aux allocations familiales en passant par l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Seules l’allocation adulte handicapé et les pensions inférieures à 1 400 euros pourraient progresser avec l’inflation, dans cette version du Sénat.

Le Sénat veut « une réduction notable du déficit et des économies centrées sur les dépenses », a expliqué le vice-président de la commission des affaires sociales, Alain Milon. Les recettes nouvelles apportées par les député·es, à l’initiative de la gauche, sont donc passées par-dessus bord. (...)

D’autres nouvelles recettes prévues par le gouvernement ont été réintroduites, en commençant par la hausse de 2,05 % de la taxe sur les complémentaires santé, qui doit rapporter environ 1 milliard d’euros. À gauche, a été rappelée en vain l’inégalité de cette mesure, car les personnes âgées, qui paient les contrats les plus chers, sans contribution des entreprises, seront les premières pénalisées.
Les franchises réintroduites

L’extension des franchises sur les actes et consultations des dentistes et les dispositifs médicaux a également été réintroduite. Cette augmentation des sommes à la charge des malades va s’ajouter à un doublement de toutes les franchises et participations : le projet de décret du gouvernement Bayrou est toujours dans les placards.

Dans la chasse aux niches sociales et fiscales, la gauche sénatoriale a arraché une mesure de recettes nouvelle. Elle prévoit de plafonner à 6 000 euros les exonérations de cotisations sociales des compléments de salaire : la participation, l’intéressement, les plans d’épargne entreprise, les stock-options, etc. Selon la Cour des comptes, ce sont 25,4 milliards d’euros qui sont aujourd’hui exonérés de toutes cotisations sociales. En revanche, les sénateurs ont réintroduit la fin des exonérations de cotisations des apprenti·es, prévue par le gouvernement mais supprimée par les député·es.

Le gouvernement Lecornu avait renoncé à supprimer des jours fériés en septembre. Le Sénat tente un autre chemin pour augmenter le temps de travail des Français, donc les cotisations sociales. Il a voté pour une augmentation de la durée annuelle du travail de 1 607 à 1 619 heures, soit une heure de travail supplémentaire par mois. Le gain serait de 12 milliards d’euros, selon le sénateur Martin Lévrier (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants). Mais leurs espoirs ont été douchés par la ministre de la santé Stéphanie Rist, dont les services ont estimé que le gain financier était très hypothétique.

Parmi les mesures de santé publique se trouvait le Nutri-score. Les député·es ont introduit dans le débat une surtaxe de 5 % des entreprises agro-alimentaires qui ne l’afficheraient pas sur leurs produits. Les sénateurs l’ont supprimée, suivant l’avis du gouvernement, qui juge la mesure « incompatible avec le droit européen ». (...)

Les maisons France santé du premier ministre supprimées

Les sénateurs sont en revanche revenus sur l’obligation de la vaccination des personnes âgées en Ehpad, arguant, comme la sénatrice LR Corinne Imbert, de « questions éthiques sensibles, notamment celle du consentement aux soins ». Et elle ne peut pas « imaginer une expulsion de personnes âgées d’un Ehpad » au motif qu’elles ne seraient pas vaccinées.

Comme les député·es, les sénateurs et les sénatrices ont reconduit l’expérimentation des deux haltes soins addictions (HSA) de Paris et Strasbourg, qui accueillent les usagers de drogue. Mais ils réclament un examen de leur impact « sur la tranquillité et la sûreté publiques ».

Une mesure portée par le premier ministre Sébastien Lecornu a passé le filtre de l’Assemblée, mais s’est pris le mur du Sénat, assez violemment. La labellisation de 5 000 maisons France santé, pour un coût de 130 millions d’euros, qui doivent garantir une solution de santé à moins de trente minutes de distance et dans un délai de moins de quarante-huit heures. Pour Corinne Imbert (LR), c’est une mesure « d’affichage politique, de la communication. Ce label ne va pas augmenter le nombre de maisons de santé ou de médecins ».

Le congé supplémentaire de naissance, de un ou deux mois, indemnisé à 70 % du salaire, a été voté à son tour par les sénateurs et les sénatrices. Ils ont simplement avancé son entrée en vigueur au 1er janvier 2027, au lieu de juillet 2027… soit après les présidentielles.(...)