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Contre la répression, le monde militant fait front commun
#repression #ecologie #Palestine #militants #convergencedesluttes
Article mis en ligne le 4 septembre 2025
dernière modification le 3 septembre 2025

À l’issue d’une assemblée citoyenne, devant le tribunal de Paris où se déroulait l’un des nombreux procès qui visent des écologistes, une vingtaine d’organisations ont appelé à converger face à la répression croissante.

Bernard Arnault réclamait près de 20 000 euros de dommages et intérêts. Mercredi 2 septembre, quatre militants d’Extinction Rebellion (XR) comparaissaient devant le tribunal de Paris pour avoir aspergé la façade de la Fondation Louis Vuitton de peinture à l’eau, le 1er mai 2023. Le musée d’art situé dans l’ouest parisien appartient au groupe LVMH dirigé par le milliardaire roubaisien.

Poursuivis pour « dégradation et détérioration de bien d’autrui en réunion », une infraction punissable de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, ils sont finalement ressortis sans condamnation, en raison d’un vice de procédure. Entre la fin de leur garde à vue et leur arrivée au tribunal, les activistes sont en effet restés plusieurs heures sans accès à leurs droits, notamment celui de voir un avocat.

Sur le parvis du tribunal, à la sortie du procès, les prises de parole se sont enchaînées dans le cadre d’une assemblée citoyenne pour « combattre collectivement la répression ». Militants propalestiniens, membres d’Attac, d’Extinction Rebellion ou de Youth for Climate... étaient réunis.

« Ne vous inquiétez pas, on se retrouvera ! » a tout de même lancé le procureur de la République aux militants de XR après l’annonce de la décision, suggérant qu’il pourrait saisir le tribunal d’une nouvelle convocation (...)

Dénoncer l’injustice fiscale

Perquisitions à l’aube, gardes à vue, placements sous contrôle judiciaire, une année d’enquête… « Tout ça pour de la peinture lavable sur un mur, c’était parfaitement disproportionné, a soupiré l’avocate Servane Meyniard. Cette débauche de moyens n’aurait jamais eu lieu dans un dossier qui n’a pas de coloration politique. »

L’action des militants visait à dénoncer les pratiques fiscales de LVMH à travers le dispositif de soutien public au mécénat d’entreprise. Grâce à la Fondation, le groupe a bénéficié d’une réduction d’impôts de 518,1 millions d’euros, selon un rapport de la Cour des comptes paru en 2018. Rien d’inhabituel : un rapport sénatorial vient d’estimer que les aides publiques aux entreprises ont atteint jusqu’à 211 milliards d’euros en 2023. (...)

« L’État veut diminuer les dépenses pour réduire la dette, soit. Mais en même temps, il diminue les recettes au profit des grandes entreprises et des ultrariches, au détriment de la majorité et du budget de la transition écologique », a argué Léa, l’une des prévenus, en sortant de la salle d’audience. Soulagée, elle restait « frustrée » de ne pas avoir pu porter son message devant le tribunal.

Une série de procès à venir pour les militants écologistes

L’activiste n’en est pas à sa première audience devant les juges puisqu’elle a déjà subi quatre perquisitions à son domicile en deux ans et fait l’objet de poursuites pour six autres actions. Son cas est loin d’être isolé, dénotant une accélération de la répression policière et judiciaire à l’encontre des militants écologistes, visant à « délégitimer » et « dissuader », comme le pointait un rapport d’Amnesty International en juillet. (...)

Alors que les campagnes de Dernière rénovation et Riposte alimentaire sont terminées depuis plus de deux ans, « 48 audiences ont déjà eu lieu au tribunal et 47 sont encore à venir, concernant une centaine de militants de ces collectifs », a souligné Charlotte, membre du Mouvement de soutien aux défenseurs de l’environnement (MDSE).

Deux militants de Dernière rénovation seront en procès le 23 septembre pour avoir aspergé la façade de l’hôtel de Matignon, siège du Premier ministre, de peinture orange. Ils voulaient ainsi dénoncer l’inaction politique face au réchauffement climatique. La procureure requiert six mois de prison ferme à l’encontre d’une des prévenus. Matignon, qui s’est constitué partie civile, demande 163 000 euros de dommages et intérêts. (...)

La cause palestinienne criminalisée

Les participants à l’assemblée citoyenne, à la sortie du procès, ont alerté sur une répression qui vise désormais non seulement les actions de désobéissance civile mais aussi « toutes les formes de contestation, d’alerte et de résistance », bien au-delà de l’écologie. Des postiers grévistes mis à pied voire condamnés à des peines d’emprisonnement, des étudiants militants soumis à des procédures disciplinaires et surveillés à l’université, des journalistes restreints dans l’exercice de leur travail sur le terrain voire placés en garde à vue…

Une vingtaine d’organisations étaient réunies, de collectifs écologistes (XR, Les Soulèvements de la Terre, Action Justice Climat), mais aussi Attac, des syndicats de travailleurs (Sud Solidaires et CGT) et étudiant (Unef Nanterre), Nous Toutes, Amnesty France, Utopia 56, ainsi que des journalistes, des avocats et des organisations de solidarité avec la Palestine. (...)

« Manifestations interdites, arrestations arbitraires, perquisitions, gel des comptes bancaires, convocations… Depuis bientôt deux ans, les expressions de solidarité avec la Palestine sont systématiquement criminalisées », (...)

Converger face à la répression

Finalement, toutes les organisations dressent un constat commun : la répression se « banalise » et « son étau se resserre », le tout accompagné d’un discours politique et médiatique de plus en plus « criminalisant ». « Nous devons plus que jamais rester mobilisés et solidaires, multiplier des rencontres comme celle-là pour nourrir nos réseaux », appelle Piko ], d’Attac. Extinction Rebellion a déjà annoncé les dates de six autres rassemblements à l’occasion de prochains procès de militants écologistes jusqu’à début octobre, et souhaite établir avec les autres organisations un calendrier partagé des prochaines audiences. (...)

« L’idée, c’est de se préparer, de partager nos récits de la répression, nos savoirs et nos outils, en amont de ces procès, mais aussi de la mobilisation qui se prépare à partir du 10 septembre », détaille Cha ], militante XR et pour la Palestine. Extinction Rebellion fait partie des organisations écologistes, aux côtés des Soulèvements de la Terre, Action Justice Climat, Stop LGV 47 et La Voie est libre, qui ont appelé à rejoindre la contestation populaire déclenchée par les annonces budgétaires de François Bayrou, notamment en soutenant les blocages des travailleurs.