10 ans après l’Accord de Paris, la COP30 se déroulant à Belém au Brésil était particulièrement attendue. Lula avait annoncé une grande COP, “la COP de la vérité”, des avancées concrètes, tant sur la sortie des énergies fossiles que sur la déforestation.
Sans grande surprise, c’est au mieux un coup d’épée dans l’eau sur ces deux sujets, et très, trop peu d’avancées concrètes pour les autres sujets qui ont alimenté les débats, dont la finance internationale, l’adaptation, les NDC, la lutte contre la désinformation climatique, etc.
La lutte contre la désinformation (et son relai médiatique) mérite à elle seule qu’on s’y attarde, tant les commentateurs semblent tomber dans le piège du greenwashing. L’Accord de Paris a-t-il fait baisser le réchauffement climatique attendu de +4°C à +2,3°C comme on a pu le lire ? Emmanuel Macron et Lula sont-ils devenus les héros de la lutte contre la désinformation climatique ?
Retour sur cette COP30 où les lobbyistes des énergies fossiles ont pleinement joué leur rôle, avec succès.
Préambule : “les COP ça sert à rien”
La même phrase revient chaque année : “les COP, ça sert à rien”. Soyons clairs sur une chose : il est faux de dire que les COP ne servent à rien. Il faut comprendre leur fonctionnement, leur intérêt et les limites de l’exercice. (...)
sans les COP, le fonds pour les Pertes et Dommages n’aurait par exemple jamais vu le jour, et certains pays n’auraient jamais l’occasion de faire entendre leurs intérêts et de porter le sujet de la justice climatique. Ceci étant dit, il est légitime de questionner le fonctionnement de la COP, la non transparence des négociations, et les personnes accréditées par les gouvernements dont le travail est littéralement de vendre du pétrole et du gaz.
Enfin, un argument de la journaliste Amy Westervelt devrait faire taire les débats : “si les COP ne servaient à rien, elles ne seraient pas autant la cible des exportateurs d’énergies fossiles“.
Patrick Pouyanné invité à la COP30 par la délégation française : le Gorafi au chômage ?
Chaque COP est l’occasion de constater que les acteurs de l’obstruction climatique mettent tous les moyens en oeuvre pour s’assurer que rien de change. La COP30 en est un parfait exemple.
Selon une analyse de Kick Big Polluters Out (KBPO), environ 1 600 lobbyistes des énergies fossiles sont présents à la COP30, soit une personne sur 25 des personnes accréditées. S’ils formaient une délégation, ce serait la 2e la plus importante, derrière celle du pays hôte. Même constat pour les lobbyistes de l’agro-industrie, venus en nombre avec plus de 300 délégués de l’agrobusiness, comme le rappelle la journaliste Camille Adaoust pour France TV. Il faut s’imaginer se balader dans les couloirs de la COP et se dire que plus d’une personne sur 25 est présente pour saboter les négociations…
La France n’est pas en reste. Le gouvernement français a accrédité Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, dans sa délégation officielle à la COP30. La même entreprise condamnée il y a moins d’un mois pour greenwashing et qui a annoncé il y a quelques jours dans un rapport interne que “le maintien du réchauffement des températures en deçà de 2°C était désormais hors de portée et que la demande de pétrole continuerait à augmenter dans les années à venir.“ (...)
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Lutte contre la désinformation climatique
Lors du G20 de 2024, les pays avaient lancé une initiative mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique, accompagnés des Nations-Unies et de l’UNESCO.
La très bonne nouvelle, c”est que c’est désormais acté dans un texte officiel. Un texte initialement signé par le Brésil, la France et 10 autres pays, rejoints à la fin de la COP par 7 autres.
Dans le texte final Mutirão, il est indiqué que “la COP30 de la vérité” restaure la confiance et l’espoir dans la lutte contre le changement climatique en réunissant la science, l’équité et la détermination politique, en promouvant l’intégrité de l’information et en renforçant le multilatéralisme”. (...)
Il s’agit désormais de regarder concrètement ce que cela veut dire. Quelles sont les obligations des Etats en matière de lutte contre la désinformation climatique ? Ce n’est pas clair.
Comme expliqué ci-dessus, le Brésil est à l’origine de cette initiative pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique. Mais quel crédit donner à ce pays qui tue des activistes climat et lanceurs d’alerte, dont les engagements climatiques n’ont aucune valeur, mélangeant belles paroles d’un côté et augmentation de sa production de pétrole de l’autre ?
Comment faire confiance à un autre pays comme la France, qui criminalise les activistes climat, dont les membres du gouvernement comparent des scientifiques à des éco-terroristes, dont le Président ment depuis 8 ans sur ses actions et solutions au changement climatique ?
Voir des médias et ONG saluer l’engagement de la France sans rappeler ces faits, c’est aussi cela, la désinformation. C’est soit fermer les yeux sur la réalité de ce qu’il se passe en France, notamment rappelée par le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport annuel 2025, soit être biaisé par des intérêts privés sous vernis d’intérêt général, au choix.
Vous avez dit “Overshoot” ?
Le mot “Overshoot” a beaucoup été commenté ces deux dernières semaines, et fait son apparition dans le texte final. Ce mot signifie tout simplement “dépassement”, et il fait référence au dépassement de l’objectif de limiter le réchauffement mondial à +1.5°C, puis de revenir à ce niveau. (...)
Ce sujet sera particulièrement à surveiller les prochaines années. Il existe un très fort lobbying d’acteurs privés qui poussent pour utiliser la géo-ingénierie comme solution afin d’éviter que le réchauffement s’emballe. Malgré les risques évidents et les dangers potentiels pour des régions entières dans le monde, des milliardaires comme Bill Gates investissent des fortunes dans la géo-ingénierie, avançant main dans la main avec des apprentis sorciers pour ne surtout pas remettre en question nos modes de vie. (...)
Conclusion : la COP30 est un succès (pour les exportateurs d’énergies fossiles)
Les craintes étaient réelles d’un effondrement du multilatéralisme lors de cette COP30, avec l’absence des Etats-Unis et l’arrivée de gouvernements conservateurs un peu partout dans le monde. Certains diront que cette COP30 sauve les meubles, qu’il y a eu des avancées, et qu’il faut travailler pour le futur.
Sauf que cela fait 30 ans qu’à l’issue des COP, on entend la même chose : on fera mieux la prochaine fois. Encore une COP sans mentionner directement les énergies fossiles dans l’Accord final. Encore une COP où il ne sera pas inscrit qu’il faut absolument réduire la production et la consommation d’énergies fossiles pour garder une planète habitable pour toutes et tous. Si les délégués des pays de l’Arabie-Saoudite, de la Chine et de la Russie étaient satisfaits de l’Accord à la fin de la COP30, cela signifie clairement qu’il y a un problème.
La COP30 a aussi mis de côté le sujet de l’alimentation et reporté les discussions à l’année prochaine, alors que nous savons que même si les énergies fossiles étaient arrêtées demain, les émissions provenant du système alimentaire suffiraient à dépasser l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1.5°C et rendraient très difficile l’objectif des +2°C. Le 2e éléphant dans la pièce que les lobbyistes de l’agro-industrie ont réussi à faire disparaitre.
« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Il est certain qu’espérer un changement dans le même cadre est probablement une folie. (...)