
Pour avoir frappé au visage un homme de 19 ans en 2022, des policiers ont été jugés. Bien que les coups soient filmés et que le motif de l’interpellation ne soit pas réglementaire, ils ont été relaxés. La victime a été condamnée pour outrage.
Le 4 septembre, au tribunal de Bobigny (93) — Malgré sa grande taille et sa carrure imposante, Mody D. ne laisse paraître qu’une mine timide devant les juges de la 14e chambre, désormais présidée par Youssef Badr, ancien porte-parole du ministère de la Justice avant d’être premier vice-président adjoint au tribunal de Bobigny. Aux côtés du chauffeur de bus se trouvent les anciens gardiens de la paix qui l’ont interpellé et violenté à la suite d’un contrôle routier à Villepinte (93) en janvier 2022, quand il avait 19 ans : Axel D. et Thomas C. Le premier a été filmé en train de lui infliger quatre coups de poing et de lui faire une clé d’étranglement. Son collègue est, lui, accusé d’avoir donné des coups de pied.
Mody comparaît quant à lui pour rébellion et outrages proférés lors de l’interpellation. Le vingtenaire a failli être seul à comparaître en septembre, car le ministère public avait d’abord classé les poursuites contre les deux policiers, les jugeant « inopportunes au regard du comportement de la victime ». (...)
Il a fallu une citation directe de l’avocate de Mody, Claire Heimendinger, puis d’une jonction des deux dossiers pour que les policiers répondent également de leurs actes devant le tribunal. Mais malgré les vidéos — que StreetPress s’est procurées —, un coup non filmé que les policiers reprochent au jeune homme a suscité le doute du tribunal, condamnant seulement les outrages. Parfois, le doute profite, surtout aux policiers. (...)
Fouillé hors du véhicule par Thomas C., c’est la découverte dans sa sacoche d’un Opinel utilisé pour son travail de l’époque sur les marchés — une arme de catégorie D dont le port est interdit « sauf motif légitime » — qui a justifié son interpellation. La vidéo montre Thomas C. en train de chercher longuement dans le sac du jeune homme alors qu’en tant qu’adjoint de police judiciaire et alors qu’aucun délit n’a été constaté au moment du contrôle, il pouvait seulement procéder à une inspection visuelle. (...)
La scène dégénère rapidement quand Thomas C. l’accompagne vers le véhicule de police. Dans les images captées par la caméra-piéton d’un autre fonctionnaire, diffusées sur les petits écrans de la salle d’audience, le jeune homme échange des injures avec Axel D. en passant à côté de lui. Quand la caméra-piéton revient sur eux une seconde après, le policier se lance le poing armé vers Mody et lui assène deux coups en direction du visage, tandis que ce dernier recule en essayant de se protéger.
Des coups et une clé d’étranglement
Des gestes parfaitement reconnus par l’agent qui accuse Mody de lui avoir porté un coup à l’épaule, durant la seconde où la caméra-piéton est dos à la scène. L’instant d’après, le chauffeur de bus, recroquevillé, s’accroche à du mobilier urbain, tandis que Thomas C. le ceinture et qu’Axel D., debout sur un muret, lui fait une clé d’étranglement — une pratique proscrite depuis 2021 — et le renverse.
Alors que Mody tombe au sol, le même policier lui donne deux nouveaux coups au visage pour « tenter de le menotter », selon Thomas C. dans son procès-verbal. (...)
Les policiers relaxés (...)
Le tribunal n’a pas tranché. Doutant sur « l’existence ou non d’un coup porté contre les policiers », les juges ont préféré relaxer les fonctionnaires des violences filmées, ainsi que Mody des faits de rébellion, estimant que « ses gestes étaient de l’ordre du recul et de la défense ». Le tribunal le relaxe également du port d’arme, qui avait justifié son interpellation en raison d’un vice de procédure : la fouille de Thomas C. n’était pas réglementaire. (...)
« Ce que nous dit le tribunal, c’est qu’il suffit qu’un agent de police auteur de violences se dise agressé pour qu’il soit exonéré de sa responsabilité, et ce indépendamment des éléments de preuve contraires », estime Claire Heimendinger. Les deux anciens policiers, sollicités en compagnie de leur avocat, n’ont pas souhaité réagir.
Pour les outrages qu’il ne conteste pas, Mody est condamné à payer 400 euros d’amende avec sursis, 300 euros de procédure à l’agent judiciaire de l’État et 154 euros de frais de justice. Il n’a pas fait appel. (...)