Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Dans une école du Gard, l’amiante planqué sous le tapis
#amiante #ecole #Gard
Article mis en ligne le 24 juillet 2025
dernière modification le 21 juillet 2025

Dans le Gard, les enseignantes d’une école de Bessèges sont parties en vacances inquiètes. Depuis plusieurs années, le bâtiment est parsemé de dalles amiantées, pour partie en très mauvais état. Malgré de nombreux signalements, l’équipe et les élèves ont terminé l’année sur un linoléum collé à la va-vite.

Depuisvont travailler dans l’angoisse. Malgré de nombreux signalements effectués par le syndicat Sud Éducation auprès de la préfecture, de l’académie de Montpellier (Hérault) et de la mairie, les dalles amiantées découvertes au sol sont toujours là, cachées sous un fin linoléum qui ne respecte ni les préconisations du ministère de l’éducation nationale, ni celles de l’entrepreneur qui a réalisé le diagnostic et lancé les premiers travaux.

Les doléances et les dysfonctionnements remontés par le syndicat et par les enseignantes sont restés lettre morte. « Elles en ont marre de se faire balader par l’administration », regrette Bruno Chaniac, cosecrétaire du syndicat dans le Gard et chargé du suivi du plan national amiante dans la fonction publique pour Solidaires.

Le bras de fer démarre en 2024, quand Sud Éducation et le rectorat pressent la mairie de Bessèges, propriétaire des murs, pour qu’elle réalise son DTA (diagnostic technique amiante), obligatoire depuis 2012. Durant l’automne, les enseignantes soupçonnent les dalles au sol d’en contenir. Dans l’attente du document, qui n’arrive jamais, elles prennent les devants et envoient, de leur propre chef, un échantillon à un laboratoire privé, qui confirme leurs craintes. (...)

Le 10 février, alors que le personnel n’a toujours pas les résultats officiels du diagnostic réalisé fin décembre, Sud Éducation Gard-Lozère se rend sur place et dresse un constat alarmant, consigné sur un registre de « Danger grave et imminent ».

Bruno Chaniac y décrit des dalles « en cours de dégradation dans l’ensemble de l’école », alors que c’est précisément l’amiante sous sa forme dégradée qui présente un danger pour la santé. (...)

Une fois le DTA en main, Sud Éducation soupçonne l’action correctrice recommandée – de niveau 1, la plus légère – d’être sous-évaluée puisqu’elle ne prend pas en compte le passage intensif dans les locaux, soumis au frottement quotidien de plusieurs dizaines de souliers d’enfants, de pieds de tables et de chaises.

« Quelles sont les mesures conservatoires prévues par la mairie pour que la communauté éducative ne soit plus exposée aux fibres d’amiante ? Est-ce que chaque fissure, chaque dalle, va être recouverte de scotch, de plastique, ou autre ? Pourrait-on appliquer le principe de précaution et délocaliser les enseignements dans l’attente des travaux ? », questionne à nouveau le syndicat dans un mail adressé à la commune, au rectorat et à l’inspecteur de santé et sécurité au travail (ISST). (...)

Droit de retrait refusé

À la rentrée du 3 mars, les cinq enseignantes* et les deux AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) de l’école décident d’exercer un droit de retrait, que l’administration refuse de leur accorder. « L’amiante est un cancérogène sans seuil : une seule fibre d’amiante suffit à rendre malade. Face à l’absence de mesures conservatoires de nature à me mettre en sécurité pour assurer mes fonctions, j’ai un motif raisonnable de penser que ma santé et ma sécurité ne peuvent plus être garanties sur mon lieu de travail », ont argumenté les personnels, dans un courrier commun adressé à l’inspectrice du secteur, que Mediapart a pu consulter.

Quelques jours plus tôt, pendant les vacances d’hiver, des mesures d’empoussièrement avaient été réalisées et elles n’ont détecté aucune fibre d’amiante dans l’air. Le droit de retrait est donc rejeté, et cette journée retirée de leur salaire. (...)

à la rentrée d’avril, nouveau coup dur. En foulant le sol, les enseignantes sentent encore les dalles trouées à travers le PVC, et à certains endroits, elles s’aperçoivent que les plinthes n’ont pas été posées. Ici et là, le nouveau lino se relève et laisse apparaître les fameuses dalles. Des anomalies que le conseiller prévention de l’académie a demandé à la commune de faire rectifier courant mai. (...)

Après des mois de négociations et de tensions, les enseignantes du Petit-Villard finissent donc l’année sur les rotules. « Elles ne se sont pas arrêtées, mais tout cela a été très stressant pour elles », indique Bruno Chaniac. Auprès de la médecine de prévention, les personnels ont fait réaliser des « attestations de présence dans des lieux de travail susceptibles d’avoir été contaminés par de l’amiante ». Histoire de laisser une trace.