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En Guyane, l’État peine à gérer la hausse des demandes d’asile, majoritairement venant des Haïtiens
#Guyane #OFPRA #Haiti #immigration
Article mis en ligne le 26 septembre 2025
dernière modification le 23 septembre 2025

L’an dernier, 21 000 demandes d’asile ont été déposées en Guyane, soit trois fois plus que l’année précédente. Cette forte hausse s’explique par une recrudescence des dossiers déposés par des Haïtiens, dont le pays est en proie à une guerre civile. Face à ce phénomène, l’État, pris de court, peine à enregistrer les requêtes dans les délais légaux.

(...) Résultat : les délais d’attente sont particulièrement longs. Roselaure, une Haïtienne de 43 ans rencontrée par l’AFP, attend depuis 18 mois d’être reçue par le guichet unique de la préfecture (Guda) qui doit l’enregistrer avant de la transmettre à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).

Roselaure, en Guyane depuis 2017, a déjà vu sa demande d’asile rejetée à deux reprises mais une décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en décembre 2023 l’a convaincue de demander à nouveau une protection. L’institution avait alors considéré l’ouest haïtien en proie à la violence des gangs comme une zone de guerre. Elle avait octroyé sans condition la protection subsidiaire (l’un des deux régimes de protection avec celui de réfugié) aux ressortissants de cette région. (...)

Cette décision majeure "a mis un peu de temps à circuler dans la communauté haïtienne de Guyane, puis elle a déclenché - bien légitimement ! - le dépôt de nombreuses demandes d’asile", indiquait fin 2024 à InfoMigrants Lucie Curet, responsable régionale de la Cimade, basée à Cayenne.

Ainsi, la hausse des dépôts d’asile "ne traduit pas pour autant des arrivées massives depuis Haïti", précise à l’AFP Lucie Curet. "Dans 85 % des cas, il s’agit d’un réexamen de personnes déjà présentes, qui avaient déposé une première demande (...) entre 2015 et 2018", lors des précédents exodes du pays le plus pauvre des Caraïbes, confirme Gwenaëlle Coat, directrice du service immigration de la préfecture de Guyane.

"C’est du jamais vu à l’échelle nationale"

Dépassés par cette augmentation soudaine, les services de l’État ont mis des mois à s’adapter, entraînant un engorgement complet du système d’accueil (...)

Plusieurs associations, dont la Cimade, y voient une atteinte aux droits fondamentaux. "C’est du jamais vu à l’échelle nationale", souligne Lucie Curet. En attendant leur rendez-vous, les demandeurs ne peuvent quitter la Guyane, travailler, scolariser leurs enfants, ni toucher d’aide financière ou bénéficier d’une couverture médicale, précise-t-elle. (...)

À plusieurs reprises, notamment après deux recours collectifs déposés en mai et en août, la justice a ordonné à l’État d’accélérer le traitement des dossiers. Le tribunal administratif de Cayenne a estimé qu’un délai supérieur à 500 jours porte "une atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d’asile".

Mais selon la préfecture, cette explosion des demandes d’asile n’était pas anticipable. "Nous n’avons pas été informés des évolutions des doctrines de l’Ofpra et avons subi les conséquences de ces variations", défend Gwenaëlle Coat.

Les effectifs du service immigration sont depuis passés de deux à sept personnes. L’Ofpra a aussi renforcé sa présence : en plus de l’antenne de Cayenne (la seule hors de Paris), il a mené 22 missions en Guyane en 2024, sur les 70 réalisées en France. (...)

Ces moyens supplémentaires traduisent, selon Jérôme Domec, le directeur territorial de la Croix-Rouge, une prise de conscience des enjeux de l’accueil en Guyane. "Le fait que les moyens pour l’asile n’ont pas diminué l’année dernière, dans le contexte de réduction des dépenses publiques, le prouve", estime-t-il.

Mais les droits des demandeurs d’asile restent plus restreints qu’ailleurs. Depuis 2017, un cadre dérogatoire supprime la possibilité de recours à distance auprès de la CNDA, réduit le délai pour déposer sa demande d’asile et le montant de l’allocation destinée à pallier l’interdiction de travailler. Mais cela "ne dissuade pas les migrants de rallier la porte d’entrée de l’Europe en Amérique du Sud", affirme Jérôme Domec.

En majorité, les demandes d’asile aboutissent dans ce territoire : en 2024, l’Ofpra a admis 75 % des demandes en Guyane, contre 40 % au niveau national