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France24
"Je ne pouvais plus respirer" : aux États-Unis, la police de l’immigration gaze des manifestants
#USA #ICE #repression #libertedemanifester
Article mis en ligne le 8 octobre 2025

Aux États-Unis, des agents du Service de l’immigration ont utilisé du gaz lacrymogène, des projectiles au poivre et des balles en caoutchouc contre des protestataires rassemblés à l’extérieur d’un centre de détention pour immigrants dans la banlieue de Chicago, le 26 septembre. Une violation flagrante de la liberté d’expression, selon des observateurs.

Des manifestations ont lieu depuis plusieurs semaines à l’extérieur du centre de détention du Service de l’immigration et des douanes (ICE) de Broadview, un village situé à une vingtaine de kilomètres à l’ouest du centre-ville de Chicago, dans l’État de l’Illinois, aux États-Unis.

Des proches de personnes retenues sur place, des avocats et des activistes estiment ainsi que les conditions de détention y sont inhumaines. Des immigrants ont déclaré recevoir très peu de nourriture et d’eau, et que l’accès aux médicaments et à des avocats était limité.

Ces manifestations interviennent alors que la zone de Chicago est ciblée par une opération de l’ICE depuis début septembre, baptisée "Midway Blitz". Celle-ci a donné lieu à plus de 550 arrestations.

Fin septembre, les manifestations devant le centre se sont intensifiées, de même que leur répression. Des manifestants, des activistes et des journalistes ont fait état de l’utilisation de produits chimiques et de la force physique. (...)

Litcy Kurisinkal a envoyé des images à la rédaction des Observateurs de France 24, où l’on peut voir plusieurs dizaines de manifestants jouant de la musique et chantant à une centaine de mètres du centre de détention.

“C’était un mouvement de résistance très pacifique” (...)

Mais les protestataires ont rapidement reçu du gaz lacrymogène et des projectiles au poivre (...)

Une vidéo partagée par Litcy Kurisinkal montre des manifestants masqués et équipés de lunettes de protection au milieu du gaz lacrymogène. On entend certains crier “Bande de lâches ! Honte à vous !”, tandis que d’autres toussent. (...)

Puis j’ai réalisé que de gros projectiles au poivre étaient tirés. Je toussais et je ne pouvais plus parler correctement. C’est là que je me suis dit : ‘Oh mon Dieu, ils sont vraiment en train de faire ça.’

Puis ma jambe a été touchée par un projectile. Je me suis dit : ‘Que se passe-t-il ? J’espère que ce n’était pas un coup de feu.’ Mais c’était un projectile au poivre. Et j’ai trouvé ça ridicule, car les mouvements de résistance font partie de la démocratie. Quand les gens protestent pacifiquement, il est scandaleux d’intimider et de réprimer la manifestation." (...)

"La police de Chicago a l’habitude des manifestants, et nous les connaissons : ils ne cherchent pas à nous intimider. Ils sont juste là, à moins que la situation ne dégénère.

Mais là, il s’agissait d’agents de l’ICE, une agence fédérale. Leur attitude envers les manifestants était très différente. Gaz lacrymogènes, projectiles au poivre... : tout cela nous était totalement inconnu au cours des six à huit derniers mois de manifestations.

J’ai grandi en Inde, j’ai vécu en Afrique, j’ai de l’expérience dans le domaine des droits humains. Et là, j’ai eu l’impression que nous étions à côté d’une zone de conflit."

Les autorités locales ont condamné la réaction fédérale. À la suite de l’affrontement, la maire de Broadview, Katrina Thompson, a envoyé une lettre au directeur du bureau local de l’ICE, dans laquelle elle écrit que "l’utilisation incessante de gaz lacrymogène, de spray au poivre, de matraques et de balles en caoutchouc [...] met en danger les habitants du village voisin et blesse les policiers de Broadview". "En réalité, vous faites la guerre à ma communauté", écrit-elle. "Et cela doit cesser."

"Un usage illégal de la force"

Les affrontements entre manifestants et agents fédéraux se sont poursuivis dans la soirée du 27 septembre - les médias locaux faisant même état d’une augmentation du nombre d’agents.

Dans la matinée, le village de Broadview avait publié une déclaration affirmant que des agents de l’ICE avaient informé le département de police local qu’il y aurait du "bordel" dans le village ce jour-là : "L’ICE cherche à intimider le village de Broadview parce que nous avons osé exercer nos droits constitutionnels garantis par le premier amendement... Nous ne nous laisserons pas intimider." (...)

Cette violence a été condamnée par le gouverneur démocrate de l’Illinois, Jay Robert "JB" Pritzker. "L’idée que des produits chimiques tels que du gaz lacrymogène ou des sprays au poivre puissent être utilisés sans discernement contre des manifestants pacifiques, voire contre des équipes de premiers secours, est inacceptable et pas normale", a-t-il écrit dans un communiqué.

L’organisation de défense des droits civiques "National Lawyers Guild Chicago" a également dénoncé, le 28 septembre, l’utilisation "d’armes chimiques et de projectiles incendiaires" contre "des personnes exerçant leurs droits garantis par le premier amendement". "Cette violence, c’était un usage indiscriminé, injustifié et illégal de la force", a déclaré Amanda Yarusso, avocate bénévole au sein de l’organisation, qui a indiqué qu’au moins 11 personnes avaient été arrêtées, dont une personne travaillant pour la presse.

Dans la soirée du 27 septembre, le département de la Sécurité intérieure a annoncé l’arrestation de "11 émeutiers violents". Il a aussi diffusé des photos de "deux armes à feu qui avaient été retirées aux émeutiers".

Selon des plaintes déposées, cinq manifestants de Broadview font l’objet de poursuites fédérales pour avoir agressé des agents fédéraux ou résisté à leur arrestation. L’un d’eux aurait menacé de tuer un agent.

"La réalité que j’ai connue est en train de changer"

Quelques jours après les événements, Melissa indique qu’elle tente toujours de comprendre ce qui s’est passé le 26 septembre.

"J’ai la trentaine bien avancée. J’ai grandi dans une Amérique plutôt stable. Donc, pendant et après ces événements, j’ai compris que la réalité que j’avais connue était en train de changer. La sécurité que j’ai connue, ce à quoi je peux m’attendre au quotidien, c’est en train de changer. Depuis, j’ai intégré le fait que c’est une nouvelle réalité pour notre communauté. (...)

Melissa explique qu’elle a rejoint la manifestation pour défendre les intérêts de sa communauté. (...)

"Il s’agit de savoir si nous voulons une démocratie ou banaliser le fascisme"

Bien que préoccupée par les événements récents, Litcy Kurisinkal indique avoir constaté une hausse du nombre de personnes mobilisées. (...)

Je pense que nous avons considéré que la démocratie était un acquis, pendant des années. Le message, c’est qu’on ne peut pas juste profiter. Les libertés ne peuvent pas être considérées comme acquises. Nous devons gagner notre liberté. C’est un moment crucial pour nous, pour définir ce que l’on veut comme avenir, pour nous et les générations futures. Il s’agit de savoir si nous voulons une démocratie ou banaliser le fascisme."