
Le Yarlung Tsangpo est l’un des plus vastes fleuves de Chine, comptant plusieurs milliers de kilomètres et traversant l’Inde ainsi que le Bangladesh. La construction d’un barrage massif au Tibet, actée par les autorités chinoises, suscite néanmoins de profondes inquiétudes des autorités indiennes et des organisations écologistes.
Dans sa course à la première place de superpuissance mondiale, la Chine vise haut. Très haut. Le 21 juillet, l’organe de presse Reuters relayait les déclarations du Premier ministre chinois Li Qiang, annonçant le début de la construction d’un barrage gigantesque dans la province autonome du Tibet.
Placé sur le fleuve Yarlung Tsangpo (ou Brahmaputra), le projet devrait fournir à la Chine un rendement électrique massif : le barrage offrira en 12 mois l’équivalent de la consommation énergétique britannique sur un an.
Si le cours des marchés s’est envolé, de nombreuses compagnies de construction augmentant leurs dividendes, plusieurs ONG ont élevé la voix face aux risques de dégradations environnementales sur la longueur du canyon. Les gouvernements indiens et bangladais ont exprimé des inquiétudes, craignant une altération du débit menaçant les populations locales en aval du fleuve. (...)
Contrôle des ressources et ambitions géostratégiques
Tout semble gargantuesque pour le barrage de Yarlung Tsangpo. Premièrement, le budget affiché par le gouvernement communiste est de 170 milliards de yuans, soit 20 milliards d’euros.
Pour produire environ 300 milliards de kilowattheures d’électricité annuelle, le barrage sera positionné sur une portion stratégique du fleuve. S’il prend sa source dans l’Himalaya, au cœur du glacier Gyima Yangzoin, l’une des sections du fleuve décroît de 2 000 mètres d’altitude sur 50 kilomètres de distance. Une opportunité à exploiter pour les autorités, au vu des puissants courants alimentant le cours d’eau.
Le futur barrage sera plus massif que le « Three Gorges Dam », le barrage des Trois-Gorges, mis en service entre 2003 et 2012 dans la province chinoise du Hubei. Long de 2 300 mètres, le barrage des Trois-Gorges est la centrale hydroélectrique la plus puissante au monde à ce jour. La construction de Yarlung Tsangpo pourrait outrepasser ces caractéristiques.
Si la principale volonté de la Chine est d’accroître ses ressources énergétiques, elle affirme son contrôle sur le fleuve de 2 900 kilomètres, dont une large partie traverse le Tibet. Pour Pékin, la retenue des eaux du Tsangpo est un outil majeur pour établir une domination géostratégique face à l’Inde. (...)
Inquiétudes environnementales
Le futur barrage pourrait donc avoir une utilité coercitive, les autorités indiennes craignant notamment un appauvrissement des cultures sur les abords du Brahmaputra en cas de régulations trop importantes de l’autre côté de la frontière. Des millions de personnes seraient alors concernées.
Mais comme le soulignait la Yale School of the Environment en mai denier, des experts soulèvent leurs craintes quant aux écosystèmes possiblement menacés par un projet aussi important.
Pour l’organisme, affilié à l’université américaine de Yale, le barrage provoquerait des fluctuations du niveau du fleuve avec le processus de retenue d’eau. La faune pourrait donc voir ses habitudes perturbées, tandis que des variétés de plantes et des arbres parfois centenaires seraient noyés ou asséchés, selon la portion du Tsangpo concerné. En prime, l’assèchement potentiel du fleuve serait synonyme d’une érosion accentuée dans son delta, déployant ses bras jusqu’au golfe du Bengale, au Bangladesh. La côte s’en verrait alors largement impactée. (...)