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France24
La France rend à Madagascar les crânes sakalava, première application de la loi de 2023
#Madagascar #France #memoire
Article mis en ligne le 27 août 2025

La France a restitué mardi à Madagascar trois crânes dont celui présumé du roi Toera, décapité par les troupes coloniales françaises en 1897. Première application de la loi française sur la restitution de restes humains, elle marque une étape inédite dans l’apaisement des mémoires, et pourrait annoncer une série de restitutions à venir, réclamées par d’autres pays marqués par la colonisation.

Arrachés à leur terre il y a 128 ans et collectés tels des trophées, ils étaient, depuis, conservés au musée de l’Homme, à Paris, en compagnie de plusieurs centaines d’ossements humains malgaches.

Trois crânes sakalava – un groupe ethnique de Madagascar qui occupe la majeure partie de la frange côtière occidentale de l’île – ont été restitués, mardi 26 août, par la France.

Un événement attendu depuis plus de vingt ans, qui constitue la première application concrète de la loi française de 2023 relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques. (...)

"Faire le deuil"

C’est l’un des épisodes les plus douloureux de la conquête coloniale française de Madagascar. En 1897, lors du massacre d’Ambiky, le roi Toera, dernier souverain du royaume sakalava du Menabe, est exécuté et décapité par les troupes coloniales françaises, malgré sa reddition.

Son crâne présumé figure parmi les trois reliques qui seront restituées à Madagascar. Il avait fait l’objet d’une première demande de restitution adressée en 2003 par ses descendants à l’ambassade de France à Antananarivo, après que des recherches ont permis de retracer l’origine de ces restes humains.

Pendant des années, la question reste sans réponse, alimentant un sentiment de mépris.

Mais en 2019, préparant son retour au pouvoir, le président malgache Andry Rajoelina fait de cette restitution l’une de ses promesses de campagne.

"Je m’attache personnellement et particulièrement à notre riche histoire, à notre racine, parce que si l’on ne connait pas son histoire, on ne peut pas transformer l’histoire de son pays" déclarait-il récemment à TV5 Monde.

"La famille [du roi Toera] ne pouvait pas faire le deuil. C’est important pour la communauté sakalava que ces crânes soient restitués", poursuivait-il, dressant un parallèle avec le dais de la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III, restitué par la France en 2020. (...)

"Cela va au-delà d’une simple restitution parce que les ancêtres ont une place très importante dans la culture malgache", évoquait auprès de RFI Fetra Rakotondrasoava, secrétaire général du ministère malgache de la Culture, en avril. Évoquant le "fitampoha", cérémonie organisée par les Sakalava permettant notamment une rencontre avec les ancêtres, il poursuivait : "La cérémonie ne sera pas complète tant que le crâne du roi Toera ne sera pas revenu en terre malgache."

Ainsi, la restitution actée, "le rêve se réalise", se réjouissait il y a quelques mois la ministre malgache de la Culture, évoquant le dernier souverain sakalava comme "un martyr, un héros".

La restitution de son crâne devait initialement avoir lieu en avril dernier, mais des descendants du roi s’opposaient à une restitution à cette période de l’année, synonyme de malheur selon les traditions locales. La famille avait aussi demandé que le tombeau du roi, récemment profané, soit restauré pour pouvoir accueillir son crâne.

Chose faite. "Le Zomba, le tombeau destiné à accueillir le Kabeso du roi Toera, est actuellement en réhabilitation", affirmait le 22 août Fetra Rakotondrasoava à l’Express de Madagascar.

"Le lien invisible et indélébile qui unit notre présent à notre passé"

Organisée mardi au siège du ministère de la Culture à Paris, la cérémonie de restitution a eu lieu en présence de la ministre Rachida Dati, de son homologue malgache Volamiranty Donna Mara, ainsi que de parlementaires et de personnalités du monde de la culture et du patrimoine. (...)

Les reliques quitteront ensuite Paris pour la capitale malgache le 31 août. Après un hommage étatique à Antananarivo et une cérémonie rituelle à Belo-sur-Tsiribihina (ouest), le crâne présumé du roi Toera rejoindra son corps à Ambiky (...)

Ouvrir la voie à d’autres demandes

Du côté de la France, cette restitution s’inscrit dans une dynamique plus large initiée par Emmanuel Macron de reconnaissance et de réparation de certains crimes coloniaux.

Après les restitutions d’œuvres d’art au Bénin et au Sénégal, le président s’était engagé à la mise en place d’une politique d’"apaisement mémoriel" avec l’Afrique. Cette fois, en restituant non plus des objets, mais des restes humains, la France franchit un seuil plus sensible encore. (...)

Ainsi, en rendant à Madagascar le crâne de son roi, la France referme une plaie vieille de 128 ans. Mais se rappellent à elle toutes celles qui restent à panser.