
Le promoteur avait remporté en 2011 un prestigieux programme d’aménagement de 160 millions d’euros dans la commune de Saint-Tropez. La justice soupçonne des faits de favoritisme et de corruption.
À deux pas du centre-ville de Saint-Tropez, le grand projet d’aménagement des Lices – 160 millions d’euros – devait incarner l’« avenir » de la station balnéaire, selon les mots du maire de l’époque lors de la pose de la première pierre, en 2013. En une décennie, pas moins de 274 logements sont sortis de terre dans le secteur du couvent et de l’ancien hôpital, des commerces aussi, un vaste parking sous-terrain a été creusé… et une enquête judiciaire a doucement prospéré, jusqu’à connaître des développements importants cet été. (...)
Le promoteur Kaufman & Broad, qui avait remporté l’appel d’offres lancé par la municipalité varoise en 2011, a en effet été mis en examen le 25 juillet des chefs de favoritisme, corruption active, trafic d’influence et recel de prise illégale d’intérêts dans le cadre d’une information judiciaire ouverte par le Parquet national financier (PNF) sur les conditions de passation de cette concession, d’après des informations recueillies par Mediapart. (...)
Le groupe immobilier, coté en Bourse et dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard d’euros, avait déjà vu son contrat avec la mairie Saint-Tropez annulé par le Conseil d’État en 2019, en raison des nombreuses irrégularités ayant émaillé la procédure d’attribution de ce marché alléchant. Des anomalies qui avaient été relevées par un concurrent de Kaufman, la Sagem, un aménageur local qui se bat depuis quatorze ans devant les tribunaux pour essayer de faire reconnaître son préjudice.
Dans son arrêt de 2019, le Conseil d’État avait notamment constaté que les termes de la convention signée entre le promoteur retenu et la mairie avaient été modifiés au dernier moment, ce qui avait déséquilibré « substantiellement » l’économie générale du projet, et porté atteinte aux règles de mise en concurrence. (...)
La mise en examen du groupe immobilier s’inscrit dans un contexte particulier dans le Var, département où les affaires politico-financières s’amoncellent de manière spectaculaire ces dernières années. Un an après l’ancien ministre et maire Les Républicains (LR) de Toulon Hubert Falco, mis hors jeu par une condamnation pour recel de détournement de fonds publics en 2024, c’est la maire LR de la Seyne-sur-Mer, Nathalie Bicais, qui a été déclarée inéligible en mai 2025 après sa condamnation pour prise illégale d’intérêts. Elle a fait appel mais a été contrainte de quitter ses fonctions en raison du caractère immédiat de sa sanction.
Deux mois plus tard, ce fut au tour du maire zemmouriste de Cogolin, Marc-Étienne Lansade, d’être démis de son mandat après une condamnation pour abus de faiblesse. Le président LR du département et ancien maire de La Garde Jean-Louis Masson doit quant à lui être jugé le 17 octobre pour répondre de faits de prise illégale d’intérêts, qu’il conteste. Tout comme le maire de Fréjus, et vice-président du Rassemblement national, David Rachline, attendu au tribunal le 30 septembre.