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Mediapart
Nucléaire : « Une manif à Bure, la chance que vous avez ! »
#Bure #nucleaire #dechetsnucleaires #resistances
Article mis en ligne le 22 septembre 2025
dernière modification le 21 septembre 2025

Un millier de personnes au moins ont manifesté le 20 septembre contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo dans la Meuse. Malgré les années de militantisme menées en vain jusqu’ici, les opposants espèrent que le démarrage imminent des travaux préalables relancera la lutte.

(...) Samedi 20 septembre, la « manif du futur » organisée par des opposant·es au projet de centre d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, près de Bure, a connu en quelques heures tous les aléas de la météo des luttes anti-nucléaire : soleil dans les yeux et tubes militants dans les oreilles, vent dans les drapeaux à la sortie des villages et aux abords des champs, pluie de grenades et brouillard de lacrymos sur les black blocks partis du cortège officiel vers la zone interdite à la manif. (...)

Tout autour de ce petit monde : des plaines agricoles à perte de vue. L’avantage de ce paysage est qu’on y entrevoit de loin le site du laboratoire de l’agence de gestion des déchets nucléaires (Andra). L’inconvénient, c’est qu’on vous voit arriver de loin. Au bout de quelques minutes de course, la horde vêtue de noir a disparu dans une purée de pois chimique, alimentée par des camions de gendarmes de plus en plus nombreux. En fin d’après-midi, le face à face avec les gendarmes se poursuivait. Le vrombissement des hélicoptères aussi. (...)

« Nous sommes 2 000, allez les anti-nuc’, c’est historique ! Une manif à Bure, la chance que vous avez ! » Angèle, du collectif Bure stop, n’aura cessé d’haranguer la foule. La préfecture comptait vers 17 heures 900 personnes dans le cortège « officiel » et 200 membres du black block. « Il y a plus de monde que depuis longtemps, ça fait plaisir » se réjouissaient plusieurs historiques de la mobilisation contre l’atome.

Beaucoup de visages jeunes dans le cortège, les luttes de l’eau représentées par une hydre géante dédiée à Nestlé et au scandale de ses eaux polluées, une prise de parole au nom des marches climat… (...)

Politiques mobilisés

La construction de Cigéo n’est pas prévue avant plusieurs années – autour de 2030 – mais la phase d’aménagement préalable des travaux démarre fin 2025. Près de 600 forages sont prévus pour tester la roche qui doit être creusée pour construire le site d’enfouissement. Et la gare de Luméville, un lieu historique des opposant·es acheté en 2007 et récemment exproprié, est expulsable à partir du 11 octobre. (...)

Aux associations locales hostiles au projet, se sont joint Greenpeace et le réseau Sortir du nucléaire, ainsi que la Confédération paysanne et lesyndicat Sud-Solidaires.

Plusieurs député·es écologistes et LFI étaient aussi présent·es. « Les gens se rendent compte que les travaux arrivent », confirment Corinne François, militante historique de l’association Bure stop. Le maire de Chassey-Beaupré, une commune sur laquelle doit ouvrir une carrière de calcaire dont tout le monde voit qu’elle va servir à fabriquer le béton de Cigéo, est vent debout contre le projet. (...)

Toutes et tous souhaitent rouvrir la discussion sur le fond de ce projet d’enfouissement, lancé à la fin des années 1990 : sa légitimité ou non, son coût, ses impacts environnementaux, ses risques industriels et la répression qui accompagne depuis des années l’avancée du projet.

En amont de la manifestation, le préfet de la Meuse, Xavier Delarue avait choisi d’adopter un discours martial : la manifestation n’a pas été interdite mais les habitant·es invité·es à éviter la zone toute l’après-midi. Et dans L’Est républicain, il a jeté de l’huile sur le feu : « Nombre de manifestants radicalisés viendront de loin, et même de certains pays voisins. A l’évidence les organisateurs locaux n’ont pas la main. » (...)

Blindés Centaure, rondes incessantes d’hélicoptères, dizaines de gendarmes : l’État n’aura pas lésiné sur les moyens pour faire valoir l’ordre républicain. Pourtant, « l’autoritarisme qui continue de se déployer ici s’est cassé une grosse dent », pointe la députée LFI Mathilde Panot : en mai dernier, la justice a définitivement relaxé les militant·es anti-Cigéo qui avaient été suspecté·es d’association de malfaiteurs et soumis à une surveillance policière particulièrement intrusive. Pour la répression, « c’est une défaite sévère, tout est tombée, la relaxe est totale », insiste la parlementaire, soutient de longue date de l’opposition à Cigéo.

Loin du tumulte, une famille voit avec inquiétude le projet s’étendre jusqu’à ses fenêtres. Ludivine Chevallier et sa famille, dont sa fille de six ans, diagnostiquée autiste, vivent dans une belle demeure dressée à peine à plus d’un mètre d’une ancienne voie de chemin de fer.

C’est là que l’Andra prévoit de faire passer les wagons de déchets radioactifs à enfouir (...)

Quand elle a acheté la maison en 2022, personne ne l’a prévenu du projet de train nucléaire à sa porte. Elle a écrit à l’Andra pour expliquer sa situation, a été reçue avec sa voisine, « mais c’est comme si on n’avait rien fait ». Elle dit l’avoir compris, « de toute façon ça se fera, ils ont réponse à tout ».