
Mardi matin, le campement situé devant l’Hôtel de ville de Paris a été évacué. Depuis une semaine, quelque 200 personnes, dont une grande majorité de femmes et d’enfants, occupaient la place.
Dès le lever du soleil, de nombreuses personnes avaient déjà quitté les lieux. Les autres s’attelaient à démonter ce qu’il restait du campement qui hébergeait des centaines de personnes sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris. Sous des bâches, installées à même le sol sur des couvertures et des cartons, "environ 350 personnes, dont 200 femmes et 150 enfants", vivaient ici au pic - recensé lundi soir - de l’occupation, selon l’arrêté préfectoral annonçant l’évacuation de ce mardi.
La veille, les associations tiraient la sonnette d’alarme sur la situation alors que de fortes chaleurs étaient attendues ces prochains jours. "La vie dans ce camp est difficile pour nous", concède Fatou. Depuis une semaine, cette mère ivoirienne vit avec son enfant de deux ans dans le campement. "La chaleur, c’est trop. Surtout pour mon bébé. Il y a aussi les moustiques qui n’arrêtent pas de le piquer et le manque de propreté qui est dur pour lui", raconte-t-elle à côté de son enfant encore en train de dormir, enroulé dans une couverture.
Sas régionaux
"Ces personnes très vulnérables vivaient dans des conditions indignes qui sont dommageables pour la santé physique et mentale donc on est content que les autorités se réveillent et qu’il y ait une opération", salue Paul Alauzy, coordinateur de la veille sanitaire chez Médecins du monde. "Mais on est mécontent car les propositions, ce sont encore les sas régionaux", tance-t-il. (...)
L’opération s’est déroulée dans le calme en présence d’un important dispositif policier positionné aux abords de la mairie de la capitale. Au moins trois cars ont été positionnés aux alentours du camp pour transporter les familles qui le souhaitaient dans ces lieux en province prévus par la préfecture.
Les exilés, en fonction de leur composition familiale et de leur situation, se sont vu proposer, entre autres, d’être envoyés à Marseille, Bourges, Toulouse, Besançon ou encore Montgermont, où ils pourraient être accueillis dans un des sas régionaux.
Depuis le début de ce rassemblement il y a une semaine, "150 personnes" ont été "prises en charge et orientées vers une solution d’hébergement, dont la moitié vers des structures d’accueil hors Île-de-France", a précisé la préfecture d’Île-de-France dans un communiqué. Ce mardi, uniquement 66 personnes sont montées dans les cars vers les sas régionaux, selon une source proche du dossier à l’AFP.
"Je ne vais pas partir je ne sais où alors que j’ai un travail ici"
Comme lors des précédents démantèlements, seule une petite portion des migrants accepte ces transferts. "J’ai une demande de logement en cours à Paris et s’ils insistent pour me faire partir, ce serait un abus. Mes enfants vont à l’école à Paris. Les deux garçons devaient faire la classe pendant les vacances, on ne va pas partir alors qu’on ne connait que Paris", raconte Yannick, un réfugié camerounais qui vit en France avec sa femme et ses trois enfants suite à un regroupement familial.
Finalement, il acceptera la proposition de mise à l’abri à Besançon, résigné. "Je n’ai pas le choix, mes enfants ne peuvent pas passer plus de temps à la rue", nous confie-t-il avant d’embarquer dans le bus. Et d’ajouter, un peu désorienté : "Besançon, c’est une grande ville, n’est-ce pas ? On va essayer d’y reconstruire notre vie".
"Je comprends que des familles qui ont déjà des implantations de vie à Paris et en Île-de-France ne veuillent pas partir", réagit Gwenaëlle Austin, élue du 19e arrondissement venue assister à l’évacuation. Ces orientations vers des sas d’accueil sont faites "en dépit du bon sens", a-t-elle estimé. (...)
Peu après, Koudjedja, une Malienne présente dans le camp depuis 5 jours, se rue vers la représentante de la mairie. La municipalité a mis à l’abri les femmes seules enceintes et/ou avec enfants de moins de 3 ans, soit 34 personnes. Mais la mère de famille n’en fait pas partie : ses enfants sont plus âgés.
"Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? Je ne vais pas partir je ne sais où alors que j’ai un travail ici", raconte cette Malienne, tenant fermement dans ses mains une feuille de mission de la mairie de Paris mentionnant son travail en tant que renfort saisonnier tout le mois d’août.
"C’est un super moyen pour (...) disperser la misère" (...)
Vers 9h, de nombreux migrants, tenant le peu d’affaires leur restant sous le bras, ont quitté la place par leurs propres moyens. Ces personnes refusent les sas régionaux et repartent donc en quête d’un lieu où passer la prochaine nuit. "Revenez nous voir à la permanence, on essaiera de vous orienter et de vous donner un peu de matériel", confie une bénévole d’Utopia 56 à un migrant désespéré.
Et alors que le soleil commence à chauffer la place de l’Hôtel de ville, les policiers ont commencé à encercler la place vers 11h afin d’évacuer les dernières personnes, "beaucoup de mères avec enfants", selon Utopia 56. Elles ont été repoussées dans le métro, à quelques mètres des terrains de volley installés pour "Paris plage". "L’opération va beaucoup profiter aux touristes qui vont venir jouer ici en tout cas, tance amèrement Paul Alauzy, mais concernant la situation de ces personnes ? Ça reste un dilemme insoluble".